Attendri

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_... Moi, je vous aime et vous... vous voulez m'abandonner comme une vielle chaussettes.

En quelques instants j'avais entièrement changé de comportement. Alors que j'avais été énervé de la retrouver dans mes appartements dans un état indigne d'elle. J'étais furieux de voir qu'elle n'avait aucun scrupule à boire ainsi, il m'arrivait également de jouer à ce jeu mais jamais au point de feindre la bêtise. Cependant, je ne m'en étais pas pris à elle. Non, la retrouver enfuie dans mon lit, me donna une certaine satisfaction. Elle était venue me retrouver moi et personne d'autre. Cela était délectable, bien sûr je ne montrais rien de ceci à Elyfaelle qui refusait toujours de me dire pourquoi elle était venue ici.

De fils en aiguilles, de tons de plus en plus fort, notre conversation dégénéra de plus en plus. Etais-je donc incapable de me contenir face à cette elfine ? J'en étais venu à regretter mes mots, je ne contrôlais plus mes répliques, ne souhaitant que la soumettre à ma volonté, je l'avais certainement encore poussée à bout.

Je n'étais pas habitué à ce que l'on s'oppose à moi. Bien sûr, certaines personnes avaient toujours raison de moi, tel que mon père. Mais je n'allais pas, je ne voulais pas perdre ma posture face à cette petite effrontée. Je perdais déjà tant lorsque j'étais avec elle... Mon courage, de peur de la perdre. Mon calme, de la savoir blessé. Ma retenue, de la voir avec un autre ... toute ces choses qui faisaient de moi ce que j'étais, elle me les enlevait... Je pouvais cependant qu'admettre qu'elle avait éveillée en moi des choses que j'avais réfuté à commencer par mon sourire, perdu il y a de cela des années. Oui petite effrontée, tu m'apprends. La joie de vivre.
Aussi, la voir aussi abattu de croire que nous étions indifférents de son sort me renvoyait une image bien lugubre du comportement que j'avais eu avec elle.

Ses yeux verts presque kakis, bercés de larmes m attendrissaient. Je n'avais qu'une envie, la prendre contre moi. Elle semblait à cet instant si fragile, si vulnérable. Cela en était presque déstabilisant. Alors que sans m'en rendre compte, j'avançais vers elle, soufflant son délicieux prénom à travers mes lèvres. Mais elle trouva une manière inédite de me ramener à la réalité. Au grand jamais, je ne crois que personne ne me fit pareil affront !

Dans un premier temps complètement déconcerté par ce qui venait de se produire, je reculais tout de même d'un pas, constatant les dégâts qu'elle m'avait causé. Mes bottes ainsi que le bas de mon pantalon étaient dans un état pitoyable, similaire à celui du tapis ou je me trouvais.

Ensuite, la colère m'envahit, je me sentais dégouté, humilié, souillé. Un constat des plus désagréable qu'il met était donné de vivre. Je lui en voulais, comment avait-elle pu se laisser aller ainsi ? Pourquoi ne pouvait donc elle pas faire preuve de retenue ? Je comptais bien déverser ma colère contre elle, qui m'avait une fois de plus manqué de respect.

Enfin, au moment fatidique, je ne pus la punir de son affront. Assise sur mon lit, les yeux en pleurs, grelotant non pas de froid mais de crainte : Elyfaelle attendait sa sentence. Elle me regardait, observant le moindre de mes mouvements comme si sa vie en dépendait. Étais ce vraiment de moi qu'elle avait peur ? Je ne pensais pas que je pouvais la terrifier à ce point. Perdu dans l'immensité verte de son regard effrayé, je vis le reflet de l'homme que je craignais le plus. Je fus alors dégouté par ma propre image qui lui ressemblait temps.

Aussi, je soupirais avant d'enlever tout ce qu'elle avait souillé. Elle détourna les yeux. Peut-être par pudeur... je ne pourrais le dire, mais j'appréciais tout de même son geste. Bien que je sois toujours couvert, je n'appréciais pas spécialement que l'on entre dans mon intimité. J'aurai pourtant parié mon trône qu'elle allait me donner une réplique dont elle avait le secret. Mais elle n'en fit rien. Je laissais tomber bottes et bas sur le tapis, avant de me pencher vers elle. Je ne pouvais la laisser dans cet état.

Devant son mouvement de recul, je posais délicatement ma main sur son épaule en lui disant le plus délicatement possible :

_Ne craint rien, je ne te veux aucun mal...

Elle me regarda avec de grands yeux ronds. J 'aimais vraiment son regard, même si dans ce cas précis elle me regardait comme si j'étais un orc doté d'une cervelle. Je lui souris, un sourire sincère qu'elle seule pouvait faire naitre, à l'heure actuelle. Je la pris dans même bras, ce qui eut pour effet de lui donner un petit cri de surprise.

_Je ne suis pas infirme, tu sais... me dit-elle à demi-ton.

_ Je le sais...

Infirme, elle était loin d'y être. Elle était une battante. Une elfine un peu trop sure d'elle et très déconcertante mais d'une force d'esprit incroyable qui suscitait mon admiration. Je me dirigeais vers la salle d'eau, la portant toujours contre mon torse. Je crois qu'il faudra également que je retire ma chemise ... Je pouvais entendre son pouls irrégulier. Je pouvais sentir son souffle sur ma peau. J 'aurai aimé que ce moment dure une éternité.

Arrivé devant le bassin de ma salle d'eau, je la posais à terre en lui ordonnant, non pas sans feindre l'autorité, de se déshabiller pour s'y baigner. Elle hésita. Puis me lança un regard malicieux avant d'abandonner sa tunique sur le sol et se laissa plonger dans l'eau tiède qui m'avait été préparé quelques temps avant.

Autant je n'appréciais pas que l'on entre dans ce que je définissais comme mon cercle intime, mais j'appréciais au plus haut point d'entrer dans ceux des autres. A ce moment, grâce à ce regard, mon cœur se senti soulager sans que je sache la raison exacte. Elyfaelle, petite elfine venue d'un autre monde, tu exerces un pouvoir mystérieux sur moi. Cependant, bien que la tentation soit grande, je me dirigeais vers la porte.

_Tu ne veux pas rester ? me demanda l'elfine avec une voix incertaine que je ne lui connaissais pas.

_Non, pas cette fois... répondis-je. Nous avons une longue route demain. Tu pourras prendre mon lit, je ne veux pas que tu sortes de cette chambre.

_Je ne compte aller nul part...

_Cela est plus raisonnable, dis-je non pas sans un sourire moqueur. Demain, tu partiras avec nous. Nous prendrons la route avant l'aube, je ne veux pas que le seigneur Elrond soit informé de notre départ.

Elle ouvrit la bouche. Puis la referma. Elyfaelle nous suivrait, Elrond n'en sera pas averti. Il ne pourra essayer de me l'enlever. Avant de partir, je me penchais vers elle et lui déposa un baiser sur son front. Je n'étais pas souvent aussi paternel, mais j'avais envie de lui prouver qu'elle n'était pas insignifiante.

Sans rien dire, elle me sourit. Et c'est dans cette atmosphère sereine que je la quittais pour préparer notre départ. Ce soir, elle m'avait donné la preuve qu'elle pourrait survivre dans mon monde...

Sous le regard du printempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant