2. Mathuz, enfant de Canaan.

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Sur ma planète, le ciel et la mer étaient bleus, la végétation verte et les gens vivaient heureux. Nous étions seuls dans l'univers, car nous avions fait ce choix. À l'école, on nous apprenait l'Histoire de ces héros partis dans les cieux se battre pour assurer la survie de notre espèce. Certaines fois, en regardant les étoiles, on les enviait. Nous étions naïfs. Dès mon premier combat, j'ai compris qu'il n'y aurait plus de retour en arrière. J'étais condamné à une éternité de lutte.

Extrait tiré du journal intime d'un enfant-soldat au service de sa magnificence l'Aar'on

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– Tonton, on arrive bientôt ?

Rarement le jeune Aar'on s'était montré aussi nerveux et impatient. Il venait de fêter ses quatorze ans. C'était la première fois depuis sa naissance qu'il quittait Tsukiyomi et ses montagnes enneigées. Le soir-même de son anniversaire, Gabri'el était allé rechercher le vaisseau qui, des années plus tôt, les avaient conduits sur cette terre aride et gelée. Le vieux croiseur était certes un peu rouillé, mais il volait toujours. L'heure du grand voyage avait sonné. Leurs Nékos embarqués, les deux compagnons s'étaient mis en route. Direction : Canaan.

– Ça dépend de toi... – répondit le châtain. Tu es le seul à pouvoir ouvrir le Vortico scellé. Si tu y arrives rapidement, ça ne sera pas long. Maintenant que tu as quatorze ans, tu es suffisamment puissant pour maîtriser toute l'étendue de ton Regard Particulier, Vortication. Concentre ton énergie autour de tes yeux et vise l'horizon, comme je te l'ai appris.

Si la consigne était plutôt simple à donner, elle était plus compliquée à suivre. Le jeune Aar'on avait le trac. C'était la première fois qu'il avait à produire un tel miracle, comme ses ancêtres. Il avait peur d'échouer et de ne pas réussir à ouvrir le passage. Les léchouilles de Stin et Kémi lui donnèrent du courage. Les deux étranges chatons croyaient en lui. Il pouvait le faire. Il le savait, derrière cette barrière invisible, un nouveau monde l'attendait et, enfin, il pourrait peut-être goûter à quelque chose de pas trop mauvais. Quatorze ans qu'il attendait que ses papilles gustatives servent enfin à quelque chose ! Cet enjeu ne faisait que rajouter du stress à une tension déjà bien palpable.

– Je t'entends penser, p'tit con...

– Meh ! Ce n'est pas ma faute si même le Nutella est dégueu quand c'est toi qui le cuisine ! D'où t'es venue cette idée stupide de le mélanger avec du vinaigre, des concombres et des cerises ? Putain, j'ai encore mal au bide rien que d'y repenser !

– Pas ma faute ! J'trouvais que ça faisait des couleurs plutôt jolies. Bon, au lieu de te plaindre, concentre-toi un peu. Dès que ça sera ouvert, tu prendras la quatrième planète à droite. Fait gaffe, y a un champ d'astéroïde sur le passage, et te goure pas, la rouge, c'est un désert aride plein de fer. Nous, on vise la bleue.

Le jeune Aar'on grogna. Il n'était pas stupide, il avait bien compris à quoi Canaan ressemblait. Ce qu'il ne comprenait pas, par contre, c'était pourquoi c'était à lui de conduire alors qu'il n'avait jamais fait ça de sa vie, alors que son acolyte se contenter de lui transmettre ses consignes en dessinant leurs deux chats en train de poser devant la voute étoilée. Quand il lui avait demandé, Gabri'el avait simplement répondu « pour la légende ». Il était écrit que les Aar'ons devaient se rendre par eux-mêmes au berceau de l'Humanité. Forcément, apprendre qu'ils avaient été aidés aurait quelque peu chagriné les masses. C'était moins classe. Et le châtain ne voulait pas non plus que son nom apparaisse dans toutes les chroniques. La célébrité était un poids qu'il ne voulait pas porter. Lui, après toute cette affaire, il ambitionnait plutôt de prendre sa retraite et de couler des jours paisibles au milieu de seins.

Les chroniques de VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant