3. À la recherche du Kili'an

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Une de mes premières missions en tant que soldat fut d'accompagner l'Aar'on à la recherche de son Kili'an. Je pensais que c'était une question de jours et que je pourrais rapidement rentrer chez moi faire mes devoirs. Je ne suis jamais rentré. Nous avons traversé la galaxie toute entière à la recherche d'une planète nommée Lug. En chemin m'est arrivée la pire des mésaventures. J'aurais préféré mourir plutôt que vivre ça de manière consciente. L'immortalité est une malédiction. Surtout quand elle est attribuée par un artiste un peu sadique.

Extrait tiré du journal intime d'un enfant-soldat au service de sa magnificence l'Aar'on

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– Bon, ok, soit. Disons que tu t'es planté, qu'on voyait mal, que tu ne connaissais pas et que tu as confondu. D'accord. Disons ensuite que j'étais mal réveillé et que, posant le pied par terre, je n'ai pas tout de suite compris que tu nous avais posé sur Failinis, deuxième lune de Lug, et pas sa planète. Ok, c'est un gros caillou, on peut comprendre. C'est un peu idiot, mais ça s'explique. Mais « ça », franchement, je pense définitivement qu'on va devoir le passer sous silence, sinon, ça va clairement ternir ta légende, mon p'tit Aar'on...

Se grattant l'arrière du crâne, le jeune brun ne faisait pas le fier. En même temps, à sa décharge, il n'était pas complétement responsable.

Refusant toujours de prendre le volant, Gabri'el avait décidé de faire un petit somme et ne lui avait laissé que de brèves indications quant à leur destination. Entendons-nous, c'était la première fois qu'Aar'on visitait le système Soljude : il le connaissait vraiment mal. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'il se sente un peu perdu. Après, il a essayé de faire de son mieux, forcément. On lui avait dit la troisième planète, bon, il l'avait trouvée et s'en était approché. Après, il était fatigué, sa vue était trouble, le voyage avait été long, il s'était posé sur le premier morceau de cailloux qui passait là. Mais il avait une excuse ! De loin, Lug ressemblait à une boule de gaz à l'atmosphère dense et au relief peu accueillant. À côté, Failinis était verte, parsemée de petites mers et grouillante. L'une ne ressemblait à rien, l'autre semblait propice à une vie luxuriante. Il avait confondu.

Et luxuriante, la vie l'était, clairement. Un peu trop, même. À peine la fine équipe avait-elle mis le pied sur ce petit Astre qu'elle était tombée nez à nez avec un troupeau de Failiraptors. C'était petit. C'était mignon. Ça avait des dents et ça savait s'en servir. Coursé par ces monstres locaux, les voyageurs avaient failli y laisser leur peau. Les deux chatons, surtout, Stin et Kémi, étaient passé à deux coussinets de se faire bouloter. Heureusement, les Failiraptors avaient fini par fuir. Peut-être qu'observer Gabri'el se fâcher tout rouge les avait intimidés ? Que nenni ! Même si le châtain avait pensé quelques instants que son Regard les avait tous sauvés, il n'en était rien. Leur survie était en réalité due à l'apparition saugrenue d'un jeune Tyrafailinisaure encore adolescent à quelques mètres de là. En pleine croissance, l'animal avait plutôt faim, et les Failiraptors représentaient toujours un mets de choix. Si le goût était un peu bof, la texture, elle, était des plus agréables : ils craquaient sous la langue. Les pauvres bestioles, d'ailleurs, le savaient bien. Finir en gâteau apéritif avait été le destin de nombre de leurs cousins. Alors forcément, quand le grand Tyrafailinisaure se réveillait, valait mieux prendre ses jambes à son cou.

Pour les Humains, cette rencontre fortuite était sans doute une chance. Après tout, rien n'indiquait qu'ils étaient comestibles. Avec leurs vêtements colorés, ils pouvaient très bien faire croire qu'ils étaient empoisonnés. A priori, n'entrant pas dans le régime alimentaire du monstre, ils avaient une chance de s'en sortir. C'était sans compter sur la triste myopie du monstre en question, qui les confondit avec ses crackers préférés.

Les chroniques de VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant