2. Devant l'Aar'on

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Tout en passant les doigts entre les mèches de la tête blonde qui s'affairait entre ses cuisses, l'Aar'on regardait l'immensité de l'univers. Une multitude d'astres brillait au loin à travers le plafond vitré qui protégeait son corps nu des radiations d'Amounré, le soleil du système-capitale Solruben. L'horizon se composait d'une infinité d'étoiles et pourtant, il n'en dominait qu'une dizaine. Celles qui, par leur masse, leur forme et leur histoire, avaient vu se créer dans leur orbite des planètes propices au développement de la vie. Celles que l'humanité avait pu approcher en utilisant les vorticos, portails créés par le premier à avoir porté le titre d'Aar'on.

Lui, il était déjà le vingt-et-unième. Mais du haut de ses dix-sept années, il était bien décidé à devenir le plus illustre de tous. Celui dont l'histoire retiendrait l'épithète. Un adjectif qu'il s'était choisi en libérant Solphéra. Le Héros. En quelque mois de règne, il avait déjà gagné plus de batailles que tous ses devanciers. Cela faisait pourtant à peine trois ans qu'il avait été porté au pouvoir, après la mort inattendue de son prédécesseur, un père qu'il n'avait jamais vraiment connu et qui ne lui avait jamais témoigné le moindre amour. Après des siècles de guerre et des générations d'Aar'on à la tête de l'humanité, le vingtième, connu sous le nom du Valeureux, avait réussi à faire plier le système Solmanassé qu'il avait immédiatement intégré à la Fédération. Puis il s'était contenté de gérer cette très belle prise en humiliant chaque jour un peu plus les vaincus. C'était un message adressé directement à Soljamine. Aucune pitié tant qu'on ne vous aura pas banni dans l'anti-monde. Mais plutôt que de porter le coup final à l'ennemi ultime, le Valeureux avait préféré passer sa vieillesse à honorer la croupe de son Kili'an, à piller les ressources de Solmanassé et à organiser l'exploitation commerciale des Ztekojs dans le grand marché sexuel d'Horus, leur refusant même le droit de passer le test de l'âmination.

Le vingt-et-unième Aar'on avait pour l'humanité bien plus d'ambition. À peine le cadavre fumant de l'homme fort du régime avait-il été retrouvé dans les bras de son amant, dans une position qui ne laissait aucun doute possible sur les causes de sa mort, que son fils, élevé à la dignité d'Aar'on, avait pris la décision de faire exécuter tous les membres du conseil des dix – ce ne sont définitivement pas dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs soupes – et s'était mis à la recherche de la clé qui libérerait son regard. Ce fut en délivrant ses alliés de Solphéra qu'il la trouva, découvrant par la même occasion que son pouvoir n'avait de limites que la force des sentiments qui pouvaient l'animer. Et maintenant, sous le patronage des étoiles, il laissait sa douce clé préparer son corps et son esprit, jusqu'à ce qu'enfin il se sente prêt à mettre fin à cette guerre plurimillénaire.

Un son le sortit de sa transe. Celui qui partageait sa couche s'était soudainement redressé et avait pris la parole.

– C'est aujourd'hui que vient le roi des Ztekojs, non ? Ça va être marrant, c'est la première fois que je vais pouvoir assister au test de l'âmination ! Dis, s'ils échouent, je pourrai moi-même m'occuper de la cérémonie de clôture ? Allez, dis oui ! S'il te plait ! Alleeeeez !

– Mais c'est qu'il est têtu, celui-là ! – répondit laconiquement l'Aar'on à la charmante tête blonde qu'il n'avait de cesse de caresser et qui semblait bien plus intéressée par les festivités qui approchaient que par son devoir. Et qui te dis qu'ils vont échouer, d'abord ? Cette espèce est une de celles qui nous ressemblent le plus dans tout l'univers ! C'est comme si les lois de l'évolution étaient écrites de manière à ce que tout s'ordonne logiquement et que personne n'ait à poser de questions ! Et je ne suis pas mon père, moi. Je n'ai rien contre le fait que mes anciens ennemis deviennent mes alliés si cela sert mes intérêts. Tout dépendra d'eux ! Mais rassure-toi, le test d'âmination que je leur ai préparé choquerait même le cinquième. Et si les Ztekojs échouent... On verra ! Cela ne me sera pas inutile. Bon, allez, arrête de causer. Je préfère largement quand tu occupes ta bouche à autre chose qu'à parler !

Les chroniques de VojolaktaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant