Tant qu'il fait danser mon cœur

II - 3

_ T'es très jolie comme ça. apprécie Léo en entrant dans la salle de bain.
_ Ça fait pas trop business woman ? Ou psychorigide ? demandé-je en mettant un rouge à lèvres rosé très léger, accompagné seulement d'une touche de fond de teint et de mascara.
_ Non pas du tout, ta robe est class' j'aime beaucoup l'asymétrie. Méline ?
_ Dans le mille, je l'ai appelé à la rescousse depuis Milan.
_ Tu as bien fait, elle te va super bien.
_ Merci.

Je ne pars pas avant de voir mon amie déjeuner et filer pour ses cours. La savoir partir avec un grand café au lait et une choco dans le ventre me rassure.

La Défense, quartier d'affaires du grand Paris avec ses immeubles aux tailles et formes aussi bien étonnantes que miroitantes, c'est à l'opposé de ce que j'aime, la pierre, les pavés, bref mon chez moi.
J'entre dans le hall majestueux, très lumineux, le sol brille comme un sous neuf.
L'ascenseur grimpe les étages et ouvre ses portes sur un accueil très épuré dans un duo de noir et de blanc, où seul la griffe dorée de la maison brille au mur éclairé.

_ Bonjour, bienvenue au sein de la maison VALENTINO, que puis-je faire pour vous ? demande une hôtesse de mon âge, blonde, mince, tirée à quatre épingles, depuis l'immense comptoir qui longe le mur griffé.
_ Bonjour, Adèle CASTEL, j'ai rendez-vous avec Madame LESUEUR.
La jeune femme affiche un grand sourire.
_ Oui bien sûr, je vais vous annoncer.
Elle pianote sur son téléphone et parle au combiné. D'après son badge qui est si élégant qu'il ressemble à une broche, elle s'appelle Roxane.
_ Vous pouvez vous avancer jusqu'à son bureau, c'est tout droit sur votre gauche, deuxième allée à droite, troisième bureau sur la gauche.
_ Merci Roxane.
Légèrement étonnée d'avoir relevé son prénom, elle me sourit et hoche la tête.

Je longe le long mur de gauche, c'est extrêmement silencieux, il n'y a personne pour l'instant à part une femme brune dans son bureau vitré.
En fait le mur de l'accueil cache un immense open space. Seul une salle de réunion au centre et de grands bureaux dans le fond sont séparés par de grandes cloisons vitrées légèrement sablées. Je passe la première rangée de bureaux, entre dans la deuxième allée et me rapproche de la quinquagénaire brune, Madame LESUEUR, directrice des ressources humaines. Une poigne douce dont il faut certainement se méfier. Elle m'accueille, me donne mon badge, le même que Roxane, me fait rapidement visiter. Les bureaux isolés du fond, sont ni plus, ni moins, ceux de Vittorio, Rafaele et Flavio. Les parois séparatrices sont en verre dépoli, ainsi que la porte, seules celles donnant sur l'open space sont entièrement translucides, mais des stores peuvent les isoler. Chacun a son nom et poste de graver à même le verre. Sur la parois translucide du patron, est dépoli la griffe de la maison, histoire de ne pas oublier pour qui l'on travaille.
Avant de rentrer dans leurs espaces, trois longs bureaux font rempart. Je peux lire, posé sur chacun d'entre eux, un chevalet avec le nom et poste de leur assistante. Celui de celle de Vittorio est à l'échelle de son bureau, immense.
En revenant vers l'accueil, je distingue des portes coulissantes sur chaque murs de droite et de gauche des ascenseurs. Une aile pour les sanitaires et l'autre, pour l'espace restauration et détente.
Je me retrouve au point de départ devant Roxane, qui sera ma plus proche collègue car nous travaillerons en binôme pour l'accueil principal, le temps que sa collègue revienne de son arrêt maladie.
Croisons les doigts pour qu'elle soit agréable.

_ Alors cette première journée ? me demande Léonie en rentrant.
_ J'ai mal à la tête, car beaucoup d'informations enregistrées mais quoi de plus normal ? Et toi ?
_ Tranquille, les élèves rentrent le 12, c'est juste la présentation des équipes pédagogiques et des locaux.
_ Mademoiselle TEMPEL professeur de contrebasse au conservatoire de Paris, à 23 ans ! Je suis sûre que tu vas devenir le fantasme de tes élèves.
_ Quelle horreur ! T'imagines ? Par contre j'ai appris un truc et c'est super excitant. Je vais avoir des élèves étrangers, un anglais, un russe et une japonaise.
_ C'est génial.
_ Oui, je pense beaucoup à mes différents professeurs afin de prendre le meilleur d'eux.
_ Je suis sûre que tu vas être super Léo.
_ Alors ? Raconte-moi, donne-moi des détails de l'épisode de la donzella CASTEL à la Défense.

Elle sourit quand je lui confie que Roxane veut absolument la même robe. C'est vrai que Méline a fait un travail super, manches trois-quarts, col tunisien étroit, près du corps et une asymétrie au niveau des genoux venant cassé la structure du haut. Droite au dessus d'un genou, d'un côté, avec un pan de tissu plus long, biseauté depuis la mi mollet de l'autre, et remontant de biais jusqu'à mi cuisse.
Je me demande comment Roxane va réagir aux autres confections de Méline et Gaétane. Au lieu de me faire juste deux trois trucs, elles ont créées sept robes et dix corsages. Tous noirs ou blanc cassé, apparemment, elles connaissent bien le style de la maison. Chantal, Madame LESUEUR, m'a indiqué qu'il y avait un dress code, noir et blanc. Je m'en doutais bien, mais quand même, la barbe, moi qui défend le flashy du pop-art, c'est déprimant.
Connaissez- vous, cette série française, Profilage ? Oui, en France, nous sommes doués pour les polars et les thrillers. J'adore le personnage féminin et excentrique de Chloé Saint-Laurent. Elle est très haute en couleurs, je suis similaire. Les couturières bordelaises aux doigts de fée le savaient et m'ont confectionné de l'excentricité mesurée pour ne pas me voir pâlir à chaque fois que j'ouvrirai ma penderie.
J'ai reçu plein de petits messages aujourd'hui, tous mes proches ont pensé à moi. La voix chantante et séductrice de Gian m'a fait du bien. Celle de Paul m'a sorti de la mélancolie où j'ai plongé quand j'ai quitté « mon moi gay ».