II - 9

32 2 0
                                    

Qui dit journée horrible, dit nuit encore pire, j'ai cauchemardé toute la nuit.
Je vais devoir renoncer à un contrat de folie à cause de lui. J'ai beau retourner le pour et le contre, je ne vois pas comment je pourrais travailler avec un type de cette espèce.
En arrivant au travail, j'apprends que Vittorio ne sera pas là pendant deux jours. Je demande à Fiore s'il aurait un créneau d'une demie heure jeudi, aucun. Elle salue d'un mouvement de tête des collègues dans mon dos mais je ne prends même pas la peine de me tourner. Quand elle trouve un créneau vendredi après le déjeuner, elle me demande le motif, ça me serre l'estomac mais il faut bien que ça sorte, « rupture de contrat anticipée ».
Elle lève son regard subitement vers moi en même temps qu'une voix dans mon dos.
_ Comment ça ? Tu... Vous nous quittez Adèle ? demande Flavio totalement perdu.
_ Rien est fait pour l'instant Monsieur VALENTINO mais je crains que j'y sois contrainte.
_ Pour quelles raisons ?
Je me tourne vers le bureau de son frère, absent pour l'instant.
_ Veuillez m'excuser mais je préfère me taire pour l'heure. J'exposerai les raisons de cette mesure malheureusement radicale mais nécessaire à votre père, vendredi à 14 heures. D'ici là je tiens à votre discrétion afin de finir mon contrat dans des conditions optimales.
_ Bien sûr. se contente-t'il de répondre totalement décontenancé.
_ Je vous en remercie, bonne journée Monsieur VALENTINO.

J'affiche un sourire de façade en croisant les collègues fraîchement arrivés. Je redoute le moment où il va se pointer, diaboliquement beau dans son costume taillé sur mesure. Quel gâchis, c'est le fruit gâté de la famille, quel dommage. En même temps pour être avec une garce comme Katrina, faut bien être pourri jusqu'à la moelle, mais je n'arrive pas à me faire totalement à cette idée. Où est passé cet homme spontané ? Est-il resté à Milan ?
J'en ai absolument aucune idée mais celui qui est bel est bien devant moi en ce moment va me faire perdre un contrat et l'estime de son père.
_ Monsieur VALENTINO.
Il regarde à droite et à gauche avant de s'approcher.
_ Adèle. dit-il sur un ton qui me rappelle la Lombardie.
_ Vous êtes attendu, il me semble que vous avez des réunions ce matin. Veuillez m'excuser mais j'ai à faire. Bonne journée Monsieur. dis-je en coupant court à une éventuelle discussion stérile.

Des éclats de voix m'arrivent aux oreilles. Je crois reconnaître les voix des deux frères, je passe la cloison et tombe nez à nez avec Laura.
_ Fais quelque chose s'il te plaît. me demande-t'elle.
_ Pourquoi moi ?
_ Je crois qu'ils se disputent par rapport à ta rupture de contrat, c'est vrai ? Tu vas...
Oh bazar.
_ Ok, j'y vais, prend l'accueil s'il te plaît, Roxane arrive dans une demie heure.
Les voix essaient de se contenir mais elles explosent d'elles-mêmes. Dans ce cas précis, la paroie de verre paraît ridiculement insonorisée. Fiore me regarde comme si j'étais le messie mais appréhende en fronçant les sourcils.
Je respire un bon coup, toque à la porte, attend une seconde et rentre directement sans y être invitée. L'air est irrespirable, les mauvaises ondes viennent de suite se coller à moi, les garçons me regardent, totalement ahuris.
_ Où vous croyez-vous ? Avez-vous oublié qui vous êtes ? Pensez-vous que c'est une bonne chose que la quarantaine d'employés entende les héritiers de la société se disputer de la sorte ? Où est passée votre image de marque ? Vous ne faites pas que représenter la maison VALENTINO, vous êtes le sang VALENTINO, vous vous devez d'être irréprochables. Tant que vous êtes ici, retenez vos griefs. Si vous n'avez pas fini partez d'ici, allez vous expliquer loin de La Défense.
Raffaele ne dit pas un mot et se contente de serrer la mâchoire. Flavio le dévisage avant de répliquer les mots suivant.
_ Tu vois, ça y est ? T'as compris à quel point t'es con ?
_ La ferme. rétorque son aîné.
_ Tu le regretteras, ça te bouffera. dit-il d'un ton acerbe.
Flavio touche mon épaule et me dit quelques mots avant de sortir du bureau.
_ S'il te plaît Adèle, réfléchis encore un peu.

J'attends qu'il ferme la porte avant de demander des comptes à Raffaele qui me tourne le dos.
_ Tu peux m'expliquer ?
_ Divergence d'opinion.
_ A quel propos ?
_ Ça ne te regardes pas.
_ Ne te moques pas de moi, les filles ont très bien compris et certainement tout le monde.
_ Alors pourquoi tu me le demandes ?
_ Écoutes moi bien, je n'ai pas la moindre envie de m'attarder dans ton bureau alors dépêches toi. Tu aimes la précision et moi les explications, développes.
_ Flavio m'en veut pour ton départ.
_ A qui la faute ?
_ Tu te trompes.
_ Pardon ? Tu as été assez clair il me semble.
Enfin, il se retourne vers moi, avec la même flamme dans le regard, c'est perturbant. Quand il a ce regard, je ne sais pas comment réagir, ça me déstabilise complètement.
_ Tu ne m'as pas laissé finir. Tu fais fausse route, tu es bien loin de la vérité. Je ne suis pas celui que tu crois avoir découvert.
_ Mais qu'est-ce que tu racontes ? Arrêtes de tourner autour du pot.
Les mains sur les hanches, je fulmine et me retiens de le secouer comme un prunier. Ça le fait sourire en plus ?
Oh, mais que ... ?
Il fronce les sourcils, contourne son bureau et se rapproche de moi, de plus en plus, c'est trop, trop près pour moi.
Pourquoi mon corps réagit comme ça ?
Le cœur qui palpite, mon ventre qui se tortille, mes jambes qui flageolent.
Pourquoi est-il si prêt ?
_ Je suis incapable de travailler avec toi. Est-ce que tu comprends maintenant pourquoi ?
Je me tords le cou pour voir danser cette flamme endiablée dans la noirceur de ses yeux. Mon souffle devient court, je ne comprends rien de ce qu'il me dit. Tout ce que je sais, c'est que j'ai une envie irrépressible de lui sauter dessus. Il fixe ma bouche que je viens d'humecter, lève sa main vers mon visage et suspend son geste. Je brûle d'impatience qu'il me touche, je me perds dans son regard, je ...
_ Sors de mon bureau. peine-t'il à dire. De suite. ordonne-t'il.

Tant qu'il fait danser mon cœur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant