Je n'ai que de très vagues souvenirs de ma vie d'avant l'orphelinat. Je n'avais que quatre ans lorsque je suis arrivé, après tout.
Mais je me souviens de l'odeur étouffante de la fumée, de la chaleur suffoquante des flammes, du parfum âcre du sang chaud, et de la main pourtant glacée posée sur ma joue.
"- Shûi...chi..."
Après, il y a eu comme un trou noir, donc j'imagine que j'ai perdu conscience à ce moment là.
Lorsque j'ai repris mes esprits, j'étais allongé dans un endroit blanc où régnait une forte odeur d'antiseptique, un hôpital, très certainement. J'étais incapable de bouger, mes membres ankylosés refusaient de m'obéir.
Je me rappelle du visage flou d'une femme, penchée au dessus de moi, qui me parlait d'une voix rassurante."- Tout va bien... Tu es sauvé, tu n'as plus rien à craindre. "
Je crois qu'à ce moment-là, je me suis mis à pleurer. Parce que je savais certainement ce qu'on allait m'annoncer ensuite.
Mes parents, eux, n'avaient pas été sauvés.
Shûichi fut accueilli à l'orphelinat Kibougamine alors que l'ouverture celui-ci était encore toute récente.
Le grand salon était beaucoup moins rempli, y jouaient seulement trois ou quatre enfants en bas âge, et Kirumi, alors âgée de sept ans à peine.Il n'était pas tout à fait exagéré de dire qu'elle avait presque élevé Shûichi.
Elle prenait d'ailleurs un malin plaisir à lui rappeler que, lorsqu'il était petit, il l'appelait parfois "maman".Il avait ainsi vu arriver beaucoup d'enfants, qui aujourd'hui étaient sa nouvelle famille.
Kaede Akamatsu, une petite blondinette d'abord timide et craintive, mais qui s'était rapidement ouverte aux autres en rencontrant Shûichi, et en dépoussiérant le vieux piano inutilisé du salon ;
Kaito Momota, qui masquait une grande tristesse derrière son hyperactivité et ses défauts de concentration assez marqués ;
Maki Harukawa, qui, le lendemain de son arrivée, avait essayé d'enfoncer une fourchette dans l'œil de Kaito ;
Angie Yonaga, qui était arrivée perdue dans une grande veste jaune qui ne l'avait plus jamais quittée, et dont les dessins avaient recouvert les murs et le sol de l'orphelinat ;
Himiko Yumeno, que ses tours de magie très amusants avaient rendue très populaire auprès des autres orphelins ;
Tenko Chabashira, toujours fourrée avec Himiko, et qui vouait une haine quasi viscérale à la gente masculine ;
Rantarô Amami, qui était arrivé après plusieurs semaines de convalescence à l'hôpital, tout comme Shûichi ;
Et aussi Gonta Gokuhara, Miu Iruma, Korekiyo Shingûji, Tsumugi Shirogane, Ki-bo, Ryôma Hoshi...
Tous ces enfants qui lui étaient tout d'abord inconnus étaient devenus comme ses frères et sœurs.
Ils avaient tout ce qu'il leur fallait.
Un toit, à manger, un lit et des vêtements propres, une scolarisation...Ils étaient une famille.
C'est pourquoi la règle numéro un de l'orphelinat était :
"Ne jamais tomber amoureux de qui que ce soit."
La première fois qu'on lui avait dit cela, Shûichi n'avait pas réalisé tout ce que cela impliquait, sans doute était-il trop jeune pour comprendre.
Mais il y avait eu ce jour, où toute la maisonnée avait compris.
Shûichi avait alors sept ans, et faisait tranquillement ses devoirs dans le salon avec les autres, lorsqu'il avait entendu Rantarô s'exclamer joyeusement :
- Moi, plus tard, je me marierai avec Kaede-chan !
Il s'était alors désintéressé de son exercice de maths pour se retourner, et avait alors vu Kirumi blêmir d'un seul coup, comme si elle avait vu un fantôme.
Elle s'était accroupie près de Rantarô, et l'avait fébrilement empoigné par les épaules, le visage crispé, et lui avait chuchoté, assez fort pour que tout le monde entende :
- Rantarô-kun, écoute-moi bien. Tu sais quelle est la règle, ici, non ? Tu n'as pas le droit de tomber amoureux !
Les lèvres du jeune garçon s'étaient mise à trembler, tandis que ses yeux se remplissaient de larmes.
- M-Mais... Moi, j'aime Kaede-chan... J'ai pas fait exprès...
Kirumi s'était alors radoucie, et lui avait dit d'une voix compatissante :
- Rantarô-kun... Kaede-chan est comme ta sœur, pas vrai ? Nous sommes une grande famille, ici.
Elle souriait toujours, mais son regard était devenu glacial.
- Tu crois que tu peux tomber amoureux de ta sœur ?
Rantarô s'était figé, et avait secoué frénétiquement la tête de gauche à droite.
- N-Non...
Le regard de Kirumi était alors redevenu normal, et elle lui avait doucement ébouriffé les cheveux.
- Allez, je ne dirai rien à Kirigiri-san pour cette fois, mais tu dois oublier cette idée, d'accord ?
Et elle était retournée à ses occupations sans attendre la réponse du garçon.
Et pour la première fois, Shûichi l'avait trouvée effrayante, pour une fille d'à peine dix ans.
Il avait ensuite tourné un regard inquiet vers Kaede, juste à temps pour voir une larme brouiller l'encre sur son cahier.
Par la suite, plus personne ne reparla de cet incident, et la vie à l'orphelinat se déroula sans autre anicroche.
Jusqu'à l'arrivée de Kokichi Ôma.
Dès la première semaine de son arrivée, il se moqua de Shûichi sur le fait qu'il portait toujours "une casquette d'emo pourrie".
Cette casquette était tout ce qu'il lui restait de ses parents, aussi le noiraud le prit-il très mal.
Au début, il essaya d'être le plus sympathique possible avec lui, mais bien vite, il se rendit compte que c'était peine perdue.
Le violet était un véritable fauteur de troubles. Il n'y avait pas un seul enfant à Kibougamine qui ne se soit pas plaint de lui.
Il provoquait des bagarres, générait des disputes, il avait même entièrement tagué le bureau du directeur, recouvrant au passage les dessins d'Angie, qui avait sangloté pendant des heures.
L'orphelinat Kibougamine était la maison de Shûichi.
Les orphelins étaient ses frères et sœurs.
Le directeur, son père.Il avait une famille, un endroit où rentrer, et il y tenait plus que tout.
Tout ça, Kokichi Ôma était en train de le bouleverser, au point de presque le détruire, et il savait que ce n'était qu'un début.
Il essayait de détruire l'harmonie à laquelle il tenait tant.
Il essayait de détruire sa vie, et pour cela, Shûichi le haïssait.
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Ce que nous aurions dû nous dire... 「Kokichi X Shûichi」
Random" Mon souhait le plus cher ? Une machine à remonter le temps ! " Shûichi Saihara est l'un de ces nombreux enfants auquel la vie a tourné le dos. Privé de ses deux parents, il entre à l'âge de quatre ans à l'orphelinat Kibougamine, où il réussit enf...