Si je savais ce qu'il se passe, je pourrais faire quelque chose.
Mais je ne sais rien du tout...La porte s'ouvrit si violemment devant Shûichi que celui-ci se la serait prise dans le front s'il ne s'était pas écarté à temps.
Il avait déjà assez avec ses mains, pas la peine d'en rajouter...Ce qu'il vit ensuite le surprit encore plus.
Rantarô, les dents serrées, tenant Kaede par la main, sortait à grands pas du bureau.Ils pleuraient tous les deux. Kaede évita le regard du noiraud, tandis que Rantarô ne sembla même pas le remarquer.
Shûichi entendit leurs pas résonner dans l'escalier, si fort qu'il crut que les marches allaient se briser.
Il rentra alors dans le bureau, d'un pas plus décidé que d'ordinaire, mais ses pensées étaient à présent perturbées.
Le directeur avait posé ses coudes sur son bureau et avait enfouit son visage dans ses mains, une pose que le noiraud ne l'avait jamais vu adopter.
Il s'en serait bien passé.
- ... Kirigiri-san ? demanda-t-il d'une voix hésitante après quelques instants.
Le directeur releva soudain la tête, comme pris en faute, et reprit immédiatement son air le plus sérieux.
- Ah, Saihara-kun... J'imagine que tu viens pour me faire le rapport de cette première journée avec Ôma-kun.
Shûichi ouvrit la bouche pour répondre par l'affirmative, mais soudain, les visages larmoyants de Kaede et Rantarô lui revinrent en mémoire, et sa voix mourut sur ses lèvres.
Il sentit alors une colère immense monter à l'intérieur de lui. Il détestait voir quelqu'un pleurer, encore plus s'il s'agissait de sa propre famille.
Et finalement, sa voix lui échappa des lèvres, froide et sèche comme une enclume.
- Pas vraiment, non.
Lorsqu'il croisa le regard du directeur, il sut qu'il entrait en terrain miné, mais il ne s'arrêta pas de parler pour autant.
- Pourquoi Amami-kun et Kaede pleuraient-ils ? Il s'est passé quelque chose ?
- Ils ont simplement voulu déroger à la règle principale de Kibougamine, répliqua Kirigiri-san, tout aussi froidement.
- ... Et si jamais ils bravaient l'interdit, que leur arriverait-il ? demanda le noiraud, qui sentait la rage pénétrer insidieusement son cœur - si cela n'était pas déjà fait.
- Je n'en sais rien, puisque ce n'est pas moi qui ai créé cette règle.
Shûichi eut l'impression que son cœur venait de sauter au plafond.
- ... Quoi ? Mais... qui, alors ?!
Le directeur, soudain conscient d'en avoir trop dit, pointa la porte du doigt.
- Sors.
- Mais-
- SORS !!
C'était si rare qu'il lui crie dessus que le noiraud sortit sans demander son reste.
Il avait l'impression d'entendre Kokichi ricaner dans son oreille : "Alors, tu vois à quel point ta soi-disant famille est en train de se briser ?"
Il secoua vivement la tête pour chasser ces sombres pensées, mais son instinct de détective le poussait à vouloir en savoir plus.
Alors qu'il marchait jusqu'à sa chambre en réfléchissant, une étrange odeur l'arrêta.
Une odeur qu'il aurait reconnue entre mille.
Il changea de direction pour se précipiter vers la chambre d'Angie et ouvrit la porte d'un seul coup.
La scène qui l'attendait était tout sauf prévisible.
Angie, armée d'une bougie, récitait des incantations dans une langue inconnue, debout au milieu d'un cercle magique (certainement tracé par Korekiyo). Plusieurs vases, d'où s'échappait une étrange vapeur à l'odeur douceâtre, étaient disposés aux quatre coins de la pièce.
Et, dans un coin, passant presque inaperçu pour une fois, Kokichi, étendu au sol, une tige pourvue de feuilles violacées à la main, et l'air pas vraiment net.
Angie était une artiste. Extrêmement croyante, pour ne pas dire fanatique.
- Oh, mon dieu...
Ce fut tout ce que Shûichi réussit à lâcher.
- Grand frère Shûichi ! s'exclama Angie, des étoiles dans les yeux. Si tu voulais te joindre à nous, il fallait le dire tout de suite !
Le noiraud s'empressa de nier.
- Non, non, sans façon, merci, Angie-san...
Il jeta un coup d'œil à la loque qui avait été Kokichi.
- Par contre, je vais ramener Ôma-kun dans sa chambre, il ne m'a pas l'air très en forme.
- Fais comme tu veux ! Son âme est si souillée que même Dieu, qui n'est pourtant pas si regardant, ne veut pas de lui en sacrifice ! s'exclama la blanche, semblant scandalisée.
Shûichi décida de faire comme s'il n'avait rien entendu, et s'approcha de Kokichi pour passer le bras de celui-ci par dessus ses épaules.
Lorsqu'il le souleva, le violet émit une suite de sons tellement improbables qu'on aurait dit qu'il avait la tête coincée dans une chasse d'eau.
"Je pense qu'il n'est pas prêt de recommencer..." songea le noiraud avant de sortir en toute hâte de la chambre et de claquer la porte.
Il respira l'air frais du couloir avec soulagement. Il faisait une chaleur étouffante dans la chambre d'Angie, et les vapeurs de ces plantes douteuses n'étaient pas favorables à la réflexion.
C'était peut-être pour ça qu'il avait proposé sans réfléchir de ramener Kokichi dans son antre.
Bon gré mal gré, Shûichi commença à traîner le violet dans le couloir, se rendant compte qu'il était beaucoup plus lourd qu'escompté.
- MmfffggbllAnanasffll...
Il ne put s'empêcher de pouffer de rire en entendant les délires de Kokichi. Si l'occasion se présentait, il ne manquerait pas de lui balancer ce magnifique dossier...
Après dix mètres qui lui parurent interminables, Shûichi poussa finalement la porte de la chambre du violet, et le balança sur son lit sans aucun ménagement, trop heureux d'être parvenu au bout du couloir.
C'est alors qu'il sentit un courant d'air glacial, et qu'il s'aperçut que la fenêtre était ouverte.
Il allait pour la refermer, mais quelque chose à l'extérieur attira son attention... et le pétrifia sur place.
Il y avait quelqu'un dehors, sous la fenêtre de Kokichi. Pourquoi la sienne en particulier ? Ce fut la première question que se posa Shûichi, alors qu'il distinguait un sourire sur le visage de l'individu.
Une voiture passa dans la rue, éclairant un instant le jardin.
Deux prunelles bleues se plongèrent dans celles, dorées, de Shûichi, puis, un instant plus tard, s'évanouirent dans la nuit.
VOUS LISEZ
Ce que nous aurions dû nous dire... 「Kokichi X Shûichi」
De Todo" Mon souhait le plus cher ? Une machine à remonter le temps ! " Shûichi Saihara est l'un de ces nombreux enfants auquel la vie a tourné le dos. Privé de ses deux parents, il entre à l'âge de quatre ans à l'orphelinat Kibougamine, où il réussit enf...