Le manque d'héroïnes

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"Ouah qu'est-ce-qu'elle est belle ! Dis, Georges, tu as vu ? Tu as vu comme elle est belle ? Avec des cheveux pareils, tu m'étonnes qu'elle attire même le soleil ! Elle est belle ! Non ?"

Elle, c'était la fille aux airs proscrits. Elle s'était assise sur la rembarre en fer rouillé et elle regardait d'un air absent la vie lui filer entre les doigts. Ses mains aux engelures effritées tremblaient d'un manque d'héroïne. Elle avait des yeux délavés où s'écrivaient ses tumultes. Elle était dévastée, arc-boutée, éteinte.

Maria la contemplait toujours, elle la fixait de ses grands yeux ronds, un peu gentils mais elle, elle la connaissait pas. Elle ne croyait plus en rien alors elle percevait de l'agressivité partout. Elle a froncé ses sourcils tandis que Maria, indifférente, inconsciente, elle souriait.

"Vous êtes belle, madame !''

"Maria, n'importune pas les inconnus !"

"Moi aussi, quand je serai grande, je veux être belle comme vous."

La fille, elle s'est adoucie parce que la candeur transpirait de tous les pores du visage de Maria. Elle s'est levée doucement, elle tanguait un peu. Elle s'est accroupie auprès de Maria et elle a murmuré : 

"Toi, tu seras plus belle encore."

Je ne savais pas si c'était positif ou non mais Maria elle souriait, ses yeux pétillaient avec admiration, c'était assez.

Je me suis dit que j'admirais la faculté de ceux qui faisaient ressortir le bon chez les gens. Peut-être que j'étais trop vieux pour ça.

"Dis, t'as pas d'la came ?" Me murmura le modèle à l'oreille.

Je me suis dit qu'on était tous en manque d'héroïnes et qu'on s'en trouvait comme on peut.  

17.11.18

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