L'éléphant, l'hirondelle et moi

17 3 0
                                    

J'aime bien les rimes enfantines,

Du style qu'on chantonne comme des comptines,

Au fond, j'crois que j'ai grandi trop vite,

Ou j'ai jamais passé le cap,

J'sais pas, je sais pas trop si ça m'intéresse,

J'vois les grises mines dans le métro et j'ai du mal à retenir mon sourire rêveur,

C'est pas que j'ai pas peur du monde, de la mort au croisement de la prochaine rue,

Des maladies, de la vieillesse, des gens mal intentionnés,

C'est juste... je sais pas, un nuage en forme d'éléphant a happé mon regard et,

J'ai pas envie de garder les pieds sur Terre, trop longtemps.

C'est pas que ça m'ennuie ou que ça me déprime, non, c'est juste que je suis trop

Perchée, perchée comme un oiseau sur sa branche, pour piquer du nez

Et j'aime bien ça, moi, voir des halos de couleur autour des silhouettes des gens,

Et ressentir leurs émotions et entendre les bruits trop fort, fort,

Et vivre intensément et pleurer, pleurer, pleurer sans raison,

Parce que la fille à côté de moi dans le bus ce matin retenait ses larmes

Et que du coup ça a déclenché les miennes, par extension de chagrin, j'sais pas,

Ou parce qu'on m'a dit une blague qui m'a fait rire, rire, rire aux larmes

J'ai pas envie de réfléchir trop longtemps au sens des choses,

Aux pourquoi des comment,

Moi j'me ballade en bord de mer, j'fais l'équilibriste sur le rebord du trottoir,

Et j'tomberai pas dans le vide parce que je suis déjà plus là,

Je m'envole, vole comme une hirondelle à la recherche d'un printemps éternel,

J'ai des ailes de papier, percées, froissées, raffistolées,

Et je tombe dans une chute éternelle qui m'fait tomber bas,

Bas, bas, de nouveau dans le monde d'en bas,

Et, le vent se lève, las, bourrasque d'ivresse, l'hiver est là,

Mon nez coule, mes doigts gonflent et mes joues rougissent,

Hirondelle, hirondelle, ne reviens pas encore, ne m'attends pas,

Le printemps n'est pas ici, les fleurs sont endormies,

Migre loin, dans des contrées au soleil éternel,

Les portes du métro s'ouvrent, l'éléphant remue sa trompe,

Et, dans un dernier barrissement, un avion lui coupe la tête.


N - 22.12.20 00:33

MéditationsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant