« Ne dis que la vérité, ne parle que des bonnes qualités des autres, sois un confident et ne répands aucune rumeur, écarte le voile de la colère pour libérer la beauté inhérente à chacun. » Dhyani Ywahoo
Jayden
Le pain de viande au bison commençait à embaumer la maison quand on frappa à la porte. Les petits coups me firent sursauter, bien trop occupé à revivre chaque son émis ce soir-là par Lila. Je sentais sa tristesse, sa souffrance au plus profonde de mes tripes, le murmure de sa voix brisée par l'émotion, par l'incompréhension, mais surtout par la peur. Avais-je bien agi en la laissant seule, dans cette grange ? Pourtant sur le coup, je restais persuader de la véracité de mes propos. Et, finalement quelques heures plus tard, je me repassais en boucle cette tragique soirée. Je souhaitai qu'une chose, que Lila soit derrière cette porte...
J'ouvris rapidement, de peur qu'elle ne s'échappe, je pouvais à présent voir toute sa peine, son visage angélique venait de perdre toute son innocence. Ses iris vert kaki étaient rougis par les larmes. Elle tenait son portable à la main, Lila respirait profondément comme pour balayer des sanglots susceptibles de surgir à tout moment. Un instant, une envie de la serrer dans mes bras me traversa l'esprit. Mais je tenais particulièrement à mes parties intimes...
Alors, je fis une chose rare, je ne parlai pas et lui proposai de rentrer en me décalant légèrement sur le côté. La fine brise de son corps traversant la pièce parcourut mon visage, mes bras nus. Je l'observais en catimini, elle se recroquevilla immédiatement dans l'angle du canapé, entouré de coussins.
– Pain de viande au bison et Hucleberry Pie ? proposai-je de la cuisine.
– C'est parfait, merci.
Sa voix tremblotait encore, elle évitait également mon regard et faisait mine de contempler la télévision. Sachant que l'appareil retransmettait une œuvre d'art que je venais de choisir en rentrant. « La nuit étoilée » de Vincent Van Gogh faisait office de tableau. J'avais été séduit de retrouver un écran à taille humaine dans un appartement, encore plus celui qui proposait un immense choix d'œuvres d'art de galeries internationales. Cet appareil si discret, se fondait littéralement dans le décor. A l'image de mon invitée surprise. Elle resta là, un long moment à fixer cette toile.
J'apportai nos plateaux télés, lorsqu'elle brisa le silence.
– On a l'impression que la nuit balaye tout sur son passage et pourtant, les astres sont bien là, tout comme certaines maisons aux fenêtres éclairées...
– Vincent Van Gogh a peint cette toile dans une chambre d'hôpital psychiatrique dans le sud de la France. Il devait vivre à ce moment-là des nuits assez mouvementées.
– Une spirale infernale...
– Peut-être faut-il parfois trouver la lumière dans le ciel étoilé. Quand elle n'est pas ici-bas...
– Mouai, tu es vraiment bizarre comme mec quand même.
Lila version lionne n'était pas bien loin. Un mini rictus se dessina sur mon visage. Elle avait besoin de se détendre, de penser à autre chose.
– Un film plutôt ? suggérai-je. Et je ne suis pas bizarre, juste différent.
Elle sourit à son tour.
– C'est la réponse des gens bizarres ça !
Je fis mine de me vexer et lançai un film que j'adorai sur Netflix.
– Ça parle de quoi ? bougonna-t-elle, la bouche pleine.
Cette fille était surprenante, avec tout ce qu'elle venait de vivre, elle dévorait le repas de sa grand-mère sans retenue ! Le stress ne coupait donc pas l'appétit à tout le monde.
– Tu verras bien. Sérieux, tu es le genre de filles à parler pendant les films ? À poser des millions de questions ? m'inquiétai-je, tout à coup.
À vrai dire, quand ma cousine faisait cela, j'étais obligée de retenir Hugo, nous ne pouvions pas être deux contre elle, ce n'était pas loyal. Mais j'avais autant envie que lui de la sortir de la pièce ! Et en observant le petit sourire machiavélique de mon invitée, je savais que ma soirée ciné/détente était fichue.
– Non parce que ton film là, « Il était temps », il ressemble étrangement à « L'effet papillon » et sérieusement, la fin était flippante ! ajouta-t-elle. Encore une histoire que mon père...
Sa voix changea lorsqu'elle évoqua son géniteur. Je n'insistai pas non plus et constatai simplement que la peine, la peur, la souffrance n'empêchaient pas une fille de parler. Décidément, cette soirée allait être riche en apprentissage sur la gent féminine. Non que je ne sois pas expérimenté dans ce domaine. Quoique, quelques aventures, de quelques mois tout au plus. Souvent des filles sympas, mais rien de bien transcendant non plus. Comme le disait si bien le père de la psychanalyse, la femme est le continent noir de la psychologie ! Bref, j'avais également vu « L'effet papillon », et pus répondre facilement à sa première question :
– Pas du tout, c'est une comédie romantique anglaise qui ...
Elle ricana.
– Tu l'as mis pour moi ou tu apprécies ce genre de film ?
– Les deux.
Quoi ? Un homme ne pouvait-il donc pas aimer une romance cinématographique ou littéraire ? Ok, je devais absolument arrêter de faire confiance à Meily, ou arrêter de la fréquenter tout court. Hugo avait raison, j'allais finir à quarante ans, médecin, célibataire, avec trois chats. Merde, j'adorai les chats. Ok ne surtout pas lui dire que Dexter m'attendait chez mes parents, avant de retrouver notre petit studio sur Missoula. Et que ce petit solitaire, égoïste et mignon me manquait déjà ! À ma décharge, mon vieux compagnon me suivait depuis mes treize ans. Je l'avais trouvé en revenant du collège, une souris dans le museau. Il neigeait, je ne pouvais pas le laisser là. D'après le véto, il avait six mois, tout au plus.
– Ils finissent ensemble, j'espère, sinon tu es un homme mort, Jay-Jay ! Je ne suis vraiment pas d'humeur à regarder un truc qui va m'empêcher de dormir. J'ai déjà assez de...
Elle avait vraiment du mal à finir ses phrases, ne voulant pas parler de ce qu'il bouleversait sa vie. Je pouvais comprendre, nous nous connaissions depuis quelques jours à peine. Ces premières confidences semblaient déjà si précieuses. Et c'était déjà un sacré miracle qu'elle soit là !
– Quand je pense que certaines personnes se permettent d'accuser les gens d'être des Serial Killer. Chutttt et regarde.
Elle croqua une énorme bouchée de Hucleberry Pie, lorsqu'un bout entier plein de myrtilles s'étala sur son tee-shirt. Elle me jeta un regard noir à mon premier ricanement. Je levai immédiatement les deux mains feignant l'innocence.
– Pourquoi on se retrouve toujours à manger ensemble ? pesta-t-elle.
– Parce que manger, c'est la vie Lila ! Je t'imagine trop dévorer les pizzas au feu de bois, tomates fraîches, mozzarella, pesto, de mon oncle !
Elle me regardait bizarrement, ses grands yeux vert kaki mi interrogateurs mi accusateurs. Partager entre l'envie d'en savoir plus sur ce délicieux mets et l'envie de me faire taire une bonne fois pour toutes ! Finalement, elle bailla une vingtaine de fois, mais têtue comme une mule, elle voulait absolument connaître la fin du film. Pensant sincèrement qu'une fin heureuse lui remonterait un peu le moral. J'espérerai là même chose...
Elle s'endormit finalement après la fin du générique. Je déposai simplement une de mes vestes de survêtement sur elle. Le canapé gris en forme d'U était bien assez grand pour tous les deux. Pas un seul instant, j'aurais pu penser la laisser seule ici. Pas un seul instant, je n'aurais cru passer autant de temps avec la fille d'Ash Bradley et plus je me retrouvai près de sa fille plus je doutais que cet homme puisse être aussi horrible... Ou peut-être essayai-je de m'en persuader ?
Bonsoir ! Après un bon mois sans publication, je me relance dans l'écriture ;) ! Un vrai bonheur de retrouver Lila et Jay-Jay !
J'espère pouvoir poursuivre mes publications une fois par semaine, le dimanche ;)
A bientôt !
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Cette vie et celle d'après... Tome 2 (Premier Jet)
RomanceCette histoire est le tome 2 de « cette nuit et celle d'après », il est conseillé de lire le tome 1, mais pas nécessaire ;) ! Je m'appelle Lila Bradley, je sais qui je suis, mais je ne sais pas d'où je viens. Ma particularité, j'ai eu dix-huit ans...