Cette vie et celle d'après... Tome 2 (Premier Jet)

Chapitre 8 - Tragique miracle

«Joie et chagrin, plaisir et tristesse nous habitent alternativement, tout comme le jour et la nuit, la vie et la mort. Si tu souhaites progresser spirituellement, considère-les comme les deux rives d'un fleuve qui coule dans le même sens.» Citation amérindienne.

Lila

Je regardai ma grand-mère se dandiner d'un pied sur l'autre depuis une bonne dizaine de minutes. Impossible de rester assises sur le petit banc du porche, nous nous retrouvions appuyés sur la rambarde en bois. Rassurer les autres ce n'était pas spécialement mon truc. Je demeurais toutefois près d'elle et écoutais ses nombreuses inquiétudes.
Comment une personne si bienveillante, si aimante pouvait-elle douter autant ? Est-ce que le doute était la preuve d'une certaine sagesse ? Comment n'arriverait-elle pas à accueillir des personnes âgées ? Cela semblait impossible. Chaque personne qu'elle pouvait croiser vivait ce sentiment d'être unique, d'être un hôte à part.

Personne en ville ne comprenait pourquoi mamie Ellen proposait ce type de prestations. Le marché du luxe et plus particulièrement l'hôtellerie de haut de gamme battaient leur plein, l'investissement pour rénover le ranch aurait largement pu être utilisé pour rajouter des petits services dont raffole la classe d'origine supérieure. Mais les spas, hammam et sauna, avaient laissé place à un espace de balnéothérapie, une salle consacrée à la relaxation, au bien-être et à un aménagement des locaux pour les personnes à mobilité réduite.

Pour ce premier centre de vacances Alzheimer et maladies apparentées, l'institution ne pouvant détacher trop de salariés, certaines familles désireuses de passer du temps avec leurs proches seraient du voyage. Malgré cela, ma grand-mère n'arrivait toujours pas à s'apaiser. Elle travaillait pourtant depuis de nombreuses années avec une psychomotricienne spécialisée dans l'équithérapie, encore un atout de ses services adaptés. J'avais d'ailleurs déjà eu l'occasion de l'aider lors de mes étés passés au ranch. Quel bonheur d'accompagner les enfants auprès des chevaux. Ils adoraient les brosser, les câliner et promener quelques heures autour du ranch.

Quand on parle du loup... Brianne arrivait des écuries, suivie de près par Jayden, pour accueillir nos nouveaux pensionnaires. Je pouvais au moins lui reconnaître une qualité, Jayden passa toute la matinée à organiser la venue de nos hôtes. En vrai chef d'orchestre, il coordonnait chacun des services afin d'adapter les pratiques aux besoins des personnes fragilisées par la maladie.

Il s'approcha de ma grand-mère sans un mot, lui posa la main sur l'épaule, celle-ci ne bougeait déjà plus dans tous les sens et lui rendit son sourire. Même rictus sur le visage de Brianne, l'effet Jay-Jay. Il essaya de répandre sa joie et sa bonne humeur sur moi par un furtif regard. Je restai impassible à ses petites flatteries qui avaient l'air de faire sensation sur les femmes de plus de quarante ans. Ce mec finirait avec une cougar, c'était maintenant une évidence.

– Merci beaucoup Jayden, tu es un don du ciel ! N'est-ce pas Lila ?

– Un vrai miracle, répondis-je, du tac au tac.

Je commençais sérieusement à penser qu'il pouvait y avoir un inconscient collectif. Plus précisément, dans chacune de mes connaissances, qu'elles soient familiales ou amicales et dont le seul but était de mettre Jayden Bennett dans mes pattes.

– J'ai expliqué à Jayden que tu m'aiderais pour les séances de thérapie, continua Brianne. Il aimerait bien participer aussi, je pense que ce serait un plus pour sa formation.

– Mais bien sûr, plus on est de fous, plus on rit, ironisai-je.

Voilà, je venais de valider ma théorie. Personne ne faisait exception et devant ma grand-mère, j'avais plutôt intérêt à ne pas trop faire de vagues, mais avec lui, je pensais vraiment que l'été pourrait bien se finir en tsunami. Il venait d'ailleurs de s'installer près de moi lorsque le car arriva. Mamie et Brianne partirent immédiatement à leurs rencontres.