Petit à petit, sans que je ne m'en rende compte, Louis était devenu mon monde, le centre de mon univers. Tout ne tournait plus qu'autour de lui. Il avait pris une place tellement importante dans ma vie, que je m'étais fermé à tout ce qui m'entourait. Tout sauf lui.
Malgré la maladie, nous passions des moments agréables ensemble. Nous ne faisions rien d'exceptionnel, il était trop faible pour ça. Nous nous promenions beaucoup, les médecins disaient que c'était important pour lui de ne pas rester enfermé. Nous retournions souvent au centre commercial pour manger des glaces. Il n'en finissait jamais aucune, il ne mangeait que très peu en réalité. Par mimétisme moi non plus je ne terminais jamais les miennes, je savais que c'était psychologique mais j'avais le sentiment que ma faim s'arrêtait en même temps que la sienne. Je crois que ces moments le rendaient heureux, et comptaient pour lui, quand nous étions dans ce glacier, cela lui donnait l'impression d'être de nouveau normal, d'être un adolescent comme les autres.
"Je veux que tu continues à le faire quand je serai plus là."
C'était un mercredi après-midi, étrangement il n'y avait pas trop de monde ce jour-là. J'avais relevé les yeux de ma glace fondue, pour le regarder. Je me souviens encore du ton sarcastique de ma voix quand je lui ai répondu :
"Quoi ? Payer une glace pour la regarder fondre ?
- Non, de venir ici. Avec n'importe qui, celui ou celle qui te plaira.
- Arrête...
- Je suis sérieux Harry. Je ne veux pas que tu te serves de ma mort comme d'une excuse pour ne plus vivre."
Si Louis n'aimait pas parler de sa vie avant sa maladie, moi je détestais parler de la mienne après son départ. Je savais que c'était important pour lui de le faire, mais il ne comprenait pas que c'était trop dur à entendre pour moi. À ce moment-là je n'étais pas encore prêt à penser au après, à ma vie sans lui qui m'attendait.
Mes parents n'avaient pas voulu attendre que Louis nous quitte pour que j'aille voir un psychologue. C'était difficile de me confier à lui, je n'avais jamais aimé parler, alors parler de Louis à un inconnu n'était vraiment pas évident pour moi. Mais j'obéissais et j'allais à chaque rendez-vous, je n'en ai jamais manqué aucun.
Mes parents ont fait beaucoup de sacrifices et de compromis pour moi, ils me laissaient dormir chez Louis tous les week-ends et le mardi soir, parce que le mercredi je n'avais cours que la matinée. Ça a duré comme ça pendant un mois.
Puis l'état de Louis s'est dégradé.
La fin approchait, nous le savions tous. Je ne me mentais pas, je savais que Louis allait nous quitter. Un soir nous avons longuement discuté avec mes parents, même si ce n'était pas facile, ils ont pris la décision de me retirer du lycée, je voulais à tout prix passer les derniers moments de Louis auprès de lui. Mes parents savaient que quand il s'en irait, ce serait dur pour moi, et que j'irais mal. Contrairement à Louis j'avais la vie devant moi, je pouvais redoubler une année scolaire, cela n'aurait pas de conséquences irréversibles sur mon avenir, alors que la perte de Louis, elle... à ce moment-là je ne voulais pas y penser, je savais que j'allais en souffrir, mais je ne voulais pas penser à la douleur qui m'attendait. Elle me faisait déjà trop de mal alors que je ne la ressentais pas encore.
Je profitais de chaque instant auprès de Louis, c'était la seule chose que je pouvais faire et que je voulais faire. À partir du moment où j'ai quitté le lycée, je voyais Louis pratiquement tous les jours, je dormais souvent chez lui. Parfois il allait tellement mal que j'étais obligé de partir, c'est lui qui me le demandait. J'ai compris avec le recul qu'il faisait ça pour me préserver.
Je n'aimais pas être loin de lui. Quand le temps d'une personne est compté, chaque seconde devient précieuse.
Grâce à l'aide financière de mes parents, Louis a pu continué d'être hospitalisé à domicile. Ses parents n'en avaient plus les moyens, tous les traitements, les hospitalisations et l'organisation des futures obsèques avaient dilapidé toutes leurs économies. Mourir coûte cher, je crois que c'est la dernière cruauté que la vie peut nous faire subir, nous retirer le droit de partir dignement quand l'on n'a pas suffisamment d'argent.
Je serai reconnaissant à tout jamais envers mes parents d'avoir aidé financièrement ceux de Louis, car je savais qu'il n'aurait pas supporté de passer les derniers instants de sa vie enfermé dans un hôpital.
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À Demain
Fiksi PenggemarUne nouvelle histoire à partager avec vous. En espérant que vous l'aimerez, comme moi j'ai aimé l'écrire. Bonne lecture. ♡