12 - C'est une blague vaseuse mets des bottes

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Quand je m'éveillai au petit matin, les alentours étaient calmes, j'avais devant moi un lit de patient vide dans lequel je n'avais pas osé m'allonger, trop habituée à me tenir aux côtés de celui-ci. Je m'étirai de ma petite longueur, mon cou de faisait mal, et mes membres étaient courbaturés. Je me tins à mon bureau douloureusement, vacillais sur mes courtes jambes qui me rappelaient l'exercice que j'avais fait le jour précédent. Je tentai de me craquer le dos en me retournant à demie comme un chien qui cherche sa queue. La nuit que j'avais passée m'avait aplatie d'au moins dix centimètres si ce n'était plus. Ce fut avec effroi que je découvrai que le petit déjeuner touchait sa fin. L'envie d'aller prendre une douche me titillait sérieusement mais je devais m'assurer que chacun des militaires qui étaient à la tente infirmerie étaient sur la voie de la guérison. J'aurais voulu enlever mes rangers qui me bouffaient les pieds mais je n'avais plus le droit, la nuit étaient largement passée et désormais le soleil éclaircissait peu à peu les lieux.

_ Conan ? Qu'est-ce que tu fous? On t'attend pour le tour.

La voix de Ben me donna un coup au derrière. J'étais à l'ouest. J'observais les hommes blessés dont les corps étaient couverts par une légère couette. Ils attendaient l'avion qui allait arriver dans la journée. En suivant mon regard il s'interrogea et se remit en question.

_ T'étais de garde cette nuit? Je suis désolé, croyais que... Enfin c'était marqué que... Je le coupai net sachant bien que je n'avais rien à faire là.

_ Non. Non... je suis bien sur la feuille de tournées. Je me grattai le front, laisse-moi deux minutes, je me retape.

_ Tu t'es déjà occupée d'eux ce matin? me demanda-il en s'orientant vers les les soldats qui dormaient encore.

Alors que je m'éloignais vers un robinet de fortune dos à lui, je lançai un regard qui en disait long. Quand il allait me répondre, des paroles l'interrompirent:

_ Non elle ne s'est pas occupée de nous, le patient gesticula en étouffant un juron, elle vient de se réveiller figure toi, et j'ai trop besoin d'un pain au chocolat.

L'eau commença à couler sur mes mains déshydratées en un filet délicat. Dehors je percevais les hommes qui s'activaient, des ordres commençaient à fuser me donnant une raison de me presser. Ben rejoignit son interlocuteur, il venait d'un camp voisin dont le service médical était davantage restreint que le nôtre. L'environnement de la base s'était calmé peu à peu et je pu entendre leur conversation.

_ Que si tu me ramènes un pain au chocolat, mon ventre crie famine.

_Désolé, je le vis hausser les épaules, je ne sais pas ce que c'est... Pain au truc là...

Mon blessé se bougea encore, je sentis dans son mouvement une hésitation puis il s'arrêta. Mes responsabilités allaient reprendre le dessus, il pesta de nouveau et reprit sérieusement.

_ Comment ça ? T'es sérieux tu ne sais pas ce que c'est ?

Après m'être rincée le visage, je les rejoignis chaque pas me déchirant un peu plus les muscles, et je m'incrustai.

_ Il vient de Bordeaux, lui expliquai-je en m'appuyant physiquement sur Ben.

Le militaire blessé par-balle hocha grandement la tête en écartant les sourcils et ajouta:

_ Ahhh... Effectivement ça change la donne. Carrément même! Par le fait, je ne lui parle plus.

Il essaya une nouvelle fois de se tourner sur son côté opposé en continuant de médire, mais je l'arrêtai priant pour que son bandage ne se défît pas.
_S'il te-plaît, bouge le moins possible. Je ne veux pas prendre de risques inutiles.

Une victoire pour oublier la guerre | R.Varane & les BleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant