9 - Je n'étais pas la fée clochette

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J'étais dans un coin du hall de l'hôtel avec mon ordinateur sur les genoux. Avec ma capuche sur les oreilles et mon short de sport j'étais méconnaissable. Je regardai l'heure. Il était trois heures du matin bien tapées. Je ne pouvais pas appeler mon frère, alors je lui laissai un long audio dans lequel je lui expliquais en détails ce qui c'était passé la vieille et l'heure précédente en lui quémandant de me rebooster comme il avait déjà su le faire. Regardant les rares clients qui revenaient de soirée un peu bourrés ou avec à leurs bras de jolies dames, je méditais sur ce que je pouvais faire de mieux pour les gars. La réaction de Paul m'avait un peu étonnée, il avait été si prévenant non pas à une mais à deux reprises, dans le bus aussi. Je l'appréciais sincèrement, il me semblait que pour lui c'était un fait tout naturel de prendre soin des gens, et je croyais que j'avais besoin qu'on s'occupât un peu de moi. Cependant ce n'était pas le mieux pour eux que je restasse, mais le mieux pour moi. Je me flagellais de penser à moi dans ces circonstances. Mon supérieur hiérarchique militaire m'avait dit que c'était aussi pour me soigner, je devais penser à autre chose et redevenir forte, plus forte. Je voyais un long chemin tortueux qui m'attendait dans cette voie.

J'envoyai un message à André, mon cher cuisinier. Je voulais savoir comment il se portait et s'il faisait bien attention de ne pas brusquer son bras et je repensai au reste de mon premier jour, à la chauffeuse de taxis, à la découverte de ma chambre et au téléphone qui sonne. Je revis l'allure pressé de Raphaël qui apparaissait derrière la porte de la cage d'escaliers. Son visage qui s'était éclairé en me voyant. Il me renvoyait cette aura sûre et confiante dont je manquais. Je pouvais copier son attitude en façade pour garder mon poste et essayer de m'en imprégner profondément pour retrouver mes anciennes sensations. Une voix résonna :

_ Anna?

Je sursautai puis me retournai, personne n'aurait pu mieux tomber que lui. Comme si je l'attendais impatiemment, lorsque je le vis ça m'étonna autant que me soulagea :

_ Raphaël?

_ Qu'est-ce que tu fais là?

_ Je me change les idées.

Il s'assit sur le canapé qui s'affaissa, je glissai légèrement de son côté, mes pieds emmitouflés dans de fines chaussettes se mirent en contact avec la chaleur de son corps.

_ Vous devriez être au lit, dis-je pour la forme, au fond je n'avais aucune envie qu'il s'en allât.

Je me concentrai faussement sur un article que je venais d'ouvrir sur internet. J'étais obnubilée par la fermeté de son quadriceps sous mes doigts de pieds.
_ Toi aussi.

Il marquait un point. Je tapotai sur les touches de mon clavier dans le vide, je ne savais que faire de mes membres restants. Une vraie enfant pensai-je.
_ Que s'est-il passé? Je t'ai entendu crier, je perçu une pointe d'inquiétude.

_ Juste un cauchemar.

Je me revêtis d'un manteau de quiétude, je ne voulais pas qu'il s'en fît. Il se tourna et s'assit en tailleur face à moi, je repliai mes jambes avec regret. Il n'insista pas, ou bien n'avait-il même pas entendu ce que je lui avais dit. Ça m'arrangea. Il ne devait pas se rajouter des problèmes qui n'étaient pas les siens, pas pendant la compétition. Il baissa le regard triturant ses chaussettes, je compris que quelque chose d'autre le tracassait.

_ Vous m'avez l'air pensif, c'est moi qui vous ai réveillé?

Il se perdit dans le noir qui pesait sur la pièce.

_Et toi? C'est juste un cauchemar qui te fait attendre notre réveil en pyjama dans le hall?

Je le sentis sur la défensive, peut-être parce que je l'avais sévèrement interrompu dans son sommeil qu'il ne pouvait pas retrouver. Je regrettais de les avoir tous, si ce n'étais pas moins, réveillés, je le regrettais tellement, mais je n'avais eu aucun contrôle dessus, cela ne servait à rien. Simplement si je ne trouvais pas une manière de me contrôler, j'allais vraiment tout pourrir dans mon rapport avec eux, surtout si Grégory avait décidé de me garder. Je tentai de détendre l'atmosphère.

Une victoire pour oublier la guerre | R.Varane & les BleusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant