En Vers et contre tous - Tome II

Rouge sang

Vois cette bouche ouverte au flanc de la colline :

Ici bien des mineurs ont glissé au néant ;

Ils ont usé leurs yeux à ce gouffre béant

Où la lueur du jour jamais rien n'illumine.

Il a fallu cent ans pour creuser cette mine ;

Ceux qui travaillaient là n'avaient rien de géants,

Eux qui pour quelque argent ont brisé leurs enfants,

En proscrits de la guerre, échappés de famine.

La pierre est rouge sang, et il faut l'arracher

A de glissants tunnels gagnés sur le rocher,

Que l'eau tombant du ciel menace d'engloutir.

Ici rien de glorieux, rien que tristes humains,

Au cœur de Gambatesa usant jambes et mains,

Courbés sur des chariots que chacun pousse ou tire.

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© Clelia Maria CASANOVA - 3 décembre 2018

La mine de Gambatesa était la plus grande mine de manganèse d'Europe. J'ai pu visiter les galeries encore non-inondées lors d'un de mes voyages en Ligurie (reportage à venir sur mon tote-book 😎), et ainsi découvrir un petit morceau de la vie ouvrière italienne du siècle dernier.

A l'époque, les mineurs mouraient jeunes : la poussière ça n'est pas bon pour les poumons... La silicose a fait des ravages, là aussi... Et pour ouvrir de nouvelles galeries ou creuser les parois pour l'exploitation, il fallait employer la dynamite. A l'époque où cela se faisait avec des mèches, ce sont les enfants des mineurs qui étaient chargés de l'opération, car les gamins sont plus rapides que les adultes. Pas assez pour sortir de la mine à temps, toutefois : instruction leur était donnée de courir jusqu'à la galerie la plus proche, de s'accroupir au sol en bouchant leurs oreilles, et surtout de garder la bouche ouverte, pour des questions de pression... Ces enfants perdaient leurs dents au passage...  Mais tous les travailleurs de la mine étaient bien payés pour l'époque,le prix du sang sans doute. Et les mineurs étaient exemptés d'engagement en période de guerre, il fallait bien que les industries tournent, n'est-ce pas ? 🙄