Obéir au Maître (texte court)

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Je vins au monde par un clair matin de printemps, dernier né d'une portée déjà conséquente...


― Une PORTEE ?! T'es pas encore en train d'imaginer me sortir une histoire de bestiole, hein ?

― Et bien... en quelque sorte, oui... J'aime assez ça, moi, raconter des histoires d'animaux, vous le savez bien...

― C'est super chiant, les histoires d'animaux. Tu gonfles tout le monde avec tes trucs naturalistes que personne ne comprend.

― Ha... D'accord... Je change pour un héros humain, alors ?

― Voilà, fais donc ça.

― Très bien...

― Très bien qui ?

― Oups, désolée... « Très bien, Maître ».

― Ça ira pour cette fois, mais que je ne t'y reprenne plus. Poursuis ton écriture, à présent.

― Oui, Maître.


Je vins au monde par un clair matin de printemps, dernier né d'une famille déjà conséquente. Mon arrivée fut saluée à l'instar d'un miracle inespéré, car ma mère était déjà bien avancée en âge. Je fus donc choyé au-delà du raisonnable : rien n'était trop beau pour moi, velours raffinés et taffetas chatoyants destinés à flatter ma silhouette, dorures des passementeries les plus fines, métaux rares et pierres précieuses dont j'étais paré, tous les jours différents, à chaque fois plus magnifiques.


― Non mais c'est quoi ces phrases à rallonge et ce dégueulis de descriptions ? Tu te prends pour un auteur classique ?!

― Loin de moi une telle idée, Maître ! Mon style n'est pas assez riche...

― Pas assez riche ?! Tu veux rajouter quoi, là ! Un gyrophare et une sirène hurlante ?! Il pue la naphtaline, ton style. Trop compliqué je te dis ! On simplifie. Des phrases courtes et percutantes. Et puis c'est quoi ce héros de merde ? Un prince ? Tu essaies de me coller une autre histoire de prince, hein, c'est bien ça ?

― Pas du tout, Maître ! Je n'écris pas ce genre d'histoires...

― A d'autres, tu crois que je ne te connais pas ?

― Mais, Maître...

― Mais que dalle, « le dernier prince d'Ankara », je l'ai rêvé peut-être ?

― C'est tout juste un projet, Maître... Moins de 40.000 caractères écrits, ça ne compte pas comme un roman, pas vraiment...

― C'est toujours un de trop. Les princes, c'est has been. Je veux que tu écrives une fiction avec un bad boy.

― Heu... Je ne crois pas pouvoir faire ça, Maître.

― Si tu continues à bavasser, c'est sûr. Ça va pas s'écrire tout seul. Au boulot : des phrases courtes et simples, un langage actuel, et surtout... un bad boy. Des cités, c'est encore mieux. Plus cliché.

―... Oui, Maître...


J'suis né au printemps, dernier ajout à une smala de douze. A mon arrivée les gens ont dit : « Yallah ! Elle pond encore, à son âge, la Zorah ?! ». J'étais le plus jeune de la tribu, alors ils m'ont pourri-gâté : super jeans à la mode, veste Bombers en cuir, les pompes qui vont bien, l'iPhone dernière génération, les Ray bans et tutti quanti. J'avais trop la classe.

En Vers et contre tous - Tome IIOù les histoires vivent. Découvrez maintenant