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"Réécriture de Barbe Bleue : en fait, ce n'étaient pas des cadavres derrière la porte de la pièce interdite mais... (récit en prose ; registre au choix)„

Ok je me suis remise plus ou moins de mes trois  jours de pls passons à la suite x)

J'ai un concept mais alors pour le mettre en place... ugh

Épuisée, elle s'affala sur une chaise pour s'éventer. Voilà qu'elle avait récuré toute la cuisine ! Son regard distrait se posa sur l'horloge. Il était à peine quatorze heures. Misère ! Elle avait déjà tout nettoyé, il était trop tôt pour faire à souper pour une seule personne et elle avait déjà récuré toutes les salles deux fois !

Se relevant, elle se dirigea néanmoins vers le couloir et ouvrit à nouveau la porte de la chambre. Encore une fois, elle se pencha dans tous les coins, poussant des exclamations guerrières dès qu'elle dénichait un grain de poussière à déloger. Elle se retint de s'asseoir sur le lit sans un pli et finit par s'accouder au mur. Elle balaya la pièce du regard. Impeccable. Une étrange satisfaction l'emplit, accompagnée d'un grand vide. Bientôt, demain, la poussière envahirait de nouveau l'endroit. Il faudrait encore récurer les casseroles. Le lit serait à refaire. Alors qu'elle regardait cette œuvre de propreté sous ses yeux, elle se disait qu'un seul pas ruinerait tout. Et il faudrait tout recommencer.

Néanmoins, elle aurait quelque chose à faire.

Désespérée, elle se rendit compte que sa mission était non seulement éphémère mais qu'elle ne remplissait pas ses journées, ni son esprit.

Elle pourrait faire sa toilette. Il lui faudrait des heures, au moins, pour purger son corps des petits poils, pour pallier à toutes ses imperfections, pour enfiler une tenue élaborée et pleine de rubans, pour monter ses cheveux en une coiffure intriquée... Mais à quoi bon ? Puisque son mari n'était pas là et que sa sœur Anne refusait de venir la visiter.

C'est alors que la tentation s'insinua à nouveau dans son esprit. La seule chose passionnante qui l'occupait dès qu'elle n'était pas concentrée sur une tâche. Qu'y avait-il derrière la porte ? Qu'y avait-il donc ? Désemparée, elle cherchait une occupation, mais il n'y avait rien, tout était propre, tout était impeccable, tout, tout ! Elle se mit à trembler.

Au début, elle s'était imaginé un trésor incroyable rempli d'or et de diamants. Ou un cadeau spécial que son mari comptait lui offrir ! Ensuite, aux tréfonds de la nuit, alors que son imagination avait épuisé toutes les solutions tentantes, elle avait trouvé autre chose. Une bête monstrueuse qui servirait à la guerre. Des armes puissantes. Des prisonniers qu'il allait torturer. Et si c'étaient des cadavres de femmes qui étaient venues avant elle ?

Terrifiée, elle ne pouvait pas s'empêcher d'imaginer les pires cauchemars qui ne la laissaient pas une seconde tranquille.

« Mais voyons, pauvre idiote, tu te fais des idées, ce n'est rien de tout ça ! »

Et pourtant, elle ne pouvait pas s'en empêcher.

Bientôt, cela devint insoutenable. Elle devait en avoir le cœur net. Frémissante, elle s'empara du trousseau de clefs et fit défiler les tiges de métal qui tintaient dans le silence de la maison. Deux fois, il tomba à terre, glissant d'entre ses doigts moites.

Enfin, elle mit la main sur la minuscule clé dorée.

Fébrile, le cœur battant, elle se dirigea vers la porte.

À travers l'entrebâillement, aucune créature du démon ne s'était mise à hurler. Elle n'apercevait qu'une masse sombre déchirée du rayon de lumière qu'offrait l'ouverture de la porte.

Retenant son souffle, elle ouvrit plus amplement. L'air était pesant, renfermé, chargé de particules qui voltigeaient à chaque mouvement. Il y avait une table encombrée au centre. Des épaisses étagères sur les côtés. Rien de bien dangereux. Au fond, elle aperçut une fenêtre barrée. Surmontant sa réticence, elle franchit le seuil de la pièce, posant chaque pas avec précaution, et alla libérer la lumière qui s'engouffra dans la pièce. Sur les étagères, des centaines de livres.

S'approchant de la table, elle dégagea une carte du monde, ainsi que celle de son pays, sous une pile d'ouvrages. Epoustouflée, elle les examina toutes deux dans les moindres détails. Elle ne savait pas que cela existait ! Avec amusement, elle s'amusa à rechercher des noms qu'elle connaissait, retrouver sa ville natale, les rivières et plateaux qui l'encadraient... elle se buta à des dizaines d'endroits inconnus. Qu'étaient donc des... Amériques ?

Se tournant vers les ouvrages, elle déchiffra : « Le monde d'aujourd'hui : découvrez des contrées inconnues. », « Traité de politique : comment prendre la vie des autres en main. », « Science : des découvertes qui vont révolutionner votre quotidien. », « Créons notre lendemain. ». Ses yeux parcoururent la bibliothèque : « Comment prendre le pouvoir et le garder ? », « Les bienfaits du travail. », « Discussions internationales. », « Plaidoiries célèbres », « Comment changer le monde ? », « Pensées d'un condamné. », « Qu'est-ce que la liberté ? ». Ses doigts effleuraient les tranches, s'inquiétant peu de la poussière qui s'accrochait à leur pulpe. Fascinée, elle dégagea un étrange livre intitulé « Le Second Sexe » par Simoire de Beauvone. Et elle commença à lire.

Quelques jours plus tard, elle entendit le bruit fracassant de la porte d'entrée qui se fermait et la voix tonitruante de Barbe Bleue qui criait : « Femme ! J'ai faim ! ».

Elle releva la tête, une lueur de défi dans les yeux. Elle avait négligé la maison, les poussières, la grande cuisine, la toilette, cela lui importait bien peu maintenant qu'elle pouvait découvrir des choses si passionnantes.

Un sentiment de peur et de détresse s'insinua dans son corps tremblant. Que ferait son mari quand il apprendrait ? Quand il saurait qu'elle ne lui était plus soumise ? Comment ferait-elle pour revenir à son ancienne vie, maintenant qu'elle savait tant de choses ? Comment pourrait-elle s'ennuyer encore alors qu'il y avait tellement à faire, tellement à apprendre ?

Une détermination étrange emplit son être. Avec audace, elle reprit le trousseau de clefs, introduisit la petite dorée dans la serrure et tourna. Non, maintenant ce serait lui qui resterait enfermé de l'autre côté, lui qui s'occuperait de tâches insignifiantes tout le jour, lui qui serait à l'écart de toute cette richesse qu'auparavant elle ignorait.

Elle avait rempli sa promesse. Au retour de son mari, la porte était toujours fermée. Mais elle était de l'autre côté. Regardant par la fenêtre, elle se dit qu'il serait facile de passer à travers et s'enfuir.

Elle qui n'avait pas de nom, maintenant, elle avait de quoi se créer un rôle dans la société. Maintenant, elle s'était affranchie de son incapacité. Maintenant, elle avait droit à une vraie place dans le monde. Maintenant, elle était libre, et personne ne pourrait l'enfermer à nouveau.

Cela, ni sa sœur Anne ni personne ne l'avait vu venir.

Hihi, je suis plutôt contente de la tournure que ça a pris c:

Writober 2018Où les histoires vivent. Découvrez maintenant