"Réagir à l'imprévu : tu devais retrouver tes ami.e.s à [endroit au choix] pour la journée mais tu rates le seul bus qui aurait pu t'y amener... Que fais-tu alors ? (récit en prose, se veut introspectif)„
Alors là, mais déjà les trois premiers mots je nope x) je ne sais PAS réagir à l'imprévu
Y a tellement rien à dire sur ce thème genre ???
Fin peut-être, il y aurait moyen en créant un personnage absolument fictif
Mais comme j'ai la flemme et pas trop le temps, je vais me contenter de ma petite personne comme modèle c'est plus facile
Haletante, je vis le bus l'éloigner alors même que j'atteignais enfin l'arrêt. Pourquoi fallait-il que j'arrive toujours en retard ?
Le brusque éclat de colère fut immédiatement remplacé par une certaine résignation.
C'était le destin. Après tout, je me portais toujours mieux toute seule, il était prétentieux de sacrifier une journée entière de productivité pour passer du temps à regarder son gsm chacun.e dans son coin. En plus, il faisait froid. Frissonnante, je refermai les pans de ma veste sur moi et enfouis profondément les mains dans mes poches.
Une personne normale et sociable se serait sûrement demandé « que vais-je faire maintenant ? » avec un air dramatique.
Le souci c'est que j'avais toujours quelque chose à faire. Sale manie de gamine paniquée à l'idée de s'ennuyer ou de se retrouver seule face à ses pensées, j'avais toujours un plan B, un plan C, un plan D et un plan Z au cas où. Et je prévoyais trop de choses que je n'en pouvais faire en une journée, aussi. Alors quand quelqu'un avait la prétention de s'immiscer dans mes plans en rajoutant un évènement sous prétexte que je n'avais « rien de mieux à faire », je le remballais sec ou pleurais de frustration. Prévois ton rendez-vous une semaine à l'avance comme tout le monde, chouchou.
Sur ces pensées, je dégainai mon téléphone pour demander à mes parents de venir me chercher. C'était ça qui était chiant avec les villages éparpillés au fin fond de nulle part : mes parents acceptaient de me conduire à l'arrêt de bus mais pas plus loin. Et Athéna sait combien je hais les bus.
L'écran devint noir et afficha un voyant rouge. Et merde. Je laissais toujours à la dernière minute le moment où je devais charger cet outil démoniaque de tentation et dans ma hâte, je m'étais dit que je rechargerais bien sur place. Génial. Demander à quelqu'un pour lui emprunter le sien ? Jamais de la vie, mon cœur s'affolait rien qu'à l'idée d'adresser la parole à un autre être humain, et puis, personne n'accepterait, et de toute façon, il n'y avait personne dehors par ce froid, sauf les fumeurs et je ne supportais pas les cigarettes. Il y avait beaucoup de choses que je ne supportais pas finalement.
Non, je marcherais. Il faudrait bien un peu plus d'une heure pour retourner chez moi. Ce n'était pas si grave, ce n'était pas une perte de productivité parce que si tout s'était passé comme prévu, je serais de toute façon chez les amis et pas productive. Et puis, marcher m'inspirait beaucoup et me permettait d'apprécier pleinement la musique... La musique. J'en tremblais presque en sortant mon smartphone. Comment est-ce que tellement de choses qui m'apparaissaient vitales pouvaient-elles dépendre d'une si petite chose ?
Il fallait donc que je marche, une petite heure, dans le froid mouillé, sans musique. Absolument génial. Et que j'avoue à mes parents que j'avais raté le bus et que je ne verrais pas mes ami.e.s. Et ils croiraient que je l'aurais fait exprès, eux qui voudraient absolument que je sorte plus souvent.
Ce n'était pas grave, pensai-je en entamant ma marche. De toute façon quand je rentrerais je pourrais avancer dans la matière à étudier comme ça je n'aurais pas à la faire demain (gâchée pour gâchée autant rendre cette journée désagréable jusqu'au bout), je pourrais avancer dans ma fic, lire une cinquantaine de pages de mon livre pour enfin pouvoir le finir et en commencer un nouveau, avancer dans ma série comme ça je pourrais recopier mes synthèses en même temps et puis au cas où je m'embêterais, je pourrais faire des cookies ou essayer un morceau au ukulele jusqu'à ce que ça me lasse.
Je m'arrêtai, assaillie par des larmes qui brouillaient ma vue. Non, ce n'était pas « pas grave ». J'avais besoin de cette journée. J'avais besoin de cette journée inutile, certes, mais qui m'arracherait du cycle infini de ces obligations illusoires qui m'écrasaient. J'avais besoin de voir mes ami.e.s, de rire un peu, d'oublier le sérieux, d'essayer de ne pas penser à ce que j'allais faire après. Si ça se trouve j'en aurais... profité ?
J'aurais aimé être une de ces personnes déterminées, -paumées, c'est vrai, après tout qui ne l'est pas ?-, et peut-être pas toujours joyeuses, peu importait, mais une de ces personnes qui avaient une passion dans la vie. Quelque chose dans laquelle elles pouvaient se jeter corps et âme en oubliant tout le reste. Quelque chose qui les mettrait à l'abri de la réalité et qui leur ferait oublier la marche inéluctable du temps.
Ce n'était pas que je m'intéressais à rien. Au contraire, je m'intéressais à beaucoup trop de choses. Non, pardon, beaucoup trop de choses m'intéressaient. Il y avait là une nuance essentielle. Je ne me plongeais pas à la recherche d'approfondissements. J'attendais que les informations viennent à moi au détour d'un chemin et je m'en imprégnais. J'avais l'impression que dans un monde où tou.te.s avaient une âme sœur, j'errais et trouvais tout le monde séduisant mais personne qui ne le soit assez. J'étais écartelée, m'accrochant à trop de trucs, trop de hobbies, tellement qu'ils en devenaient contraignants. Tellement que j'avais toujours les yeux fixés sur les aiguilles de l'horloge. Tellement que perdre des heures sans voir le temps passer à faire des recherches m'était inimaginable.
Et j'en avais marre.
Pour la première fois, je levai les yeux sur la petite ville autour de moi. J'observai les enseignes et les gens que je ne connaissais que trop peu. Je me dis qu'après tout je pourrais tout aussi bien rester ici, me balader dans les rues, découvrir tous les recoins de cet endroit. Je me dis que sans portable, je n'aurais pas de barrière derrière laquelle me réfugier. Que je pourrais commander un chocolat chaud à défaut d'une bière immonde et oser parler à quelqu'un que je ne reverrais peut-être jamais, juste pour la beauté des gens que je louais de loin mais niais de près. Un vieillard par exemple : ils devaient tellement avoir besoin d'attention, et tellement de choses à apprendre quand on sait poser des questions.Que je pourrais dénicher une petite librairie, parler à la libraire. Et toutes ces possibilités d'une vie plus insouciante, plus légère, plus aimable, plus soleil dans ce froid d'hiver défilaient devant moi.
Mais c'était encore une autre fiction, un personnage meilleur dans lequel je me projetais mais que je n'étais pas. Que je ne pouvais pas être. Pas maintenant, tout du moins.
Non loin, le clocher sonna trois heures. Et ce simple son que je ne pouvais m'empêcher d'écouter ramena brutalement l'angoisse sur mes épaules. Je n'arrivais pas à croire que j'avais encore perdu une demi-heure. C'était énorme ! Les ami.e.s devaient déjà être en train de rire ou de s'inquiéter. Vite, je pressai le pas sur le chemin du retour, le visage fouetté par le froid et la tête emplie de scénarios de ce que ferait l'autre Héloïse, si elle n'était pas moi.
C'est incroyable comment j'arrive à parler autant quand je parle de moi beurk, je suppose que je suis la seule chose que je connaisse vraiment à fond x)
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Writober 2018
RandomBienvenue à toi sur ma version du Writober 2018 proposé par @allonsbriserleciel ((@writober)) c: bonne lecture ! CRÉDITS COUVERTURE : l'image m'appartient ~novembre -décembre 2018