CHAPITRE 8 : La chute

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Mon cœur accélère sous la pression du choix que je dois prendre.
Je veux montrer à l'homme au dessus que je suis plus forte que lui, qu'il ne me soumettra pas et que je ne m'abaisserai pas à son petit jeu de piste.
Je dis ça, car je suis à présent sûre que c'est lui qui a mis ces petits papiers dans ma cave.
Qui d'autre cela aurait-il pu être ? Et sinon comment aurait-il su que je chercherais à chacun des endroits où il a placé ces deux papiers ?
Mais d'un autre côté, comme je ne me cesse de le répéter, il faut que je sorte d'ici. Et je crois bien que c'est également ce que veut l'homme au dessus. Je commence à comprendre. Il me semble que c'est une sorte de défi qu'il m'a lancé, tout en me laissant malgré tout quelques indices.
Mais suis-je vraiment prête à jouer à son jeu ? À relever ce défi ? Mais en réalité... n'aurais-je pas déjà commencé ? Dans ce cas là, il verrait aussi comme une faiblesse le fait que j'abandonne.

Ma respiration s'accélère et je ne me sens pas très bien, j'ai du mal à respirer et ma poitrine se contracte.
Je me lève dans l'espoir que marcher m'aidera sûrement à me soulager.
Je garde toujours le petit papier dans mon poing serré et mon téléphone dans l'autre, un coup d'œil me permet de voir 19:29 et 35%.

Que dois-je faire ? Quelle force veux-je montrer à cet homme ? Celle où je ne m'abaisse pas à son jeu ? Ou celle où je montre que je suis prête et suffisamment forte pour relever son défi ? J'hésite... Mais ma curiosité prend surtout le dessus de mon choix et me fait pencher pour le deuxième.

Je prends une grande inspiration et desserre mon poing, où mes ongles commençaient déjà à marquer ma peau. Je déplie avec précaution le papier, plus petit que le précédant, ce qui est évident pour qu'il puisse rentrer dans cette ampoule. L'écriture est d'autant plus petite, je la lis en plissant les yeux :
Trouver la lumière ne veut pas dire l'allumer.

Alors... Déjà, la première fois, j'étais perdue, mais là, je crois que je suis loin, très loin...
Je ne sais finalement pas si c'était la meilleure des options que de regarder ce message...

Je m'assoie contre le mur des escaliers, par terre, et rapproche mes genoux de ma poitrine, sur lesquels je croise mes bras avant de poser mon menton dessus. Je ferme les yeux. Mais les ouvre assez vite, car je sens malgré moi la fatigue venir. Je prends mon téléphone dont je venais d'éteindre la lampe. 19:30 et toujours 35%. Il n'est pas bien tard, mais la peur, le stress, l'adrénaline et la recherche sont épuisants. Mais ce n'est surtout pas le moment de m'endormir et il faut aussi que je me dépêche avant que mon téléphone ne s'éteigne, car, mine de rien, la batterie s'épuise bien vite, à mon grand regret. Je me relève et tourne en rond, tout en, une fois de plus, réfléchissant au sens de ce nouveau message.
J'ai trouvé la lumière, donc l'ampoule. Mais comment l'allumer. Je pense alors de facto à mon cours de physique de cet après-midi sur l'électricité.

Si la puissance fournie par la pile est inférieure à la puissance nominale de la lampe alors, elle brillera moins que prévue.
En revanche, si la puissance fournie est supérieure à la puissance nominale, elle brillera plus, mais la détérioration interviendra aussi beaucoup plus vite.

Je vois alors apparaître dans ma tête un schéma. Un rectangle coupé par le symbole d'une pile en un endroit et par un cercle entourant une croix de l'autre côté, représentant la lampe.

J'ai déjà la lampe, il me manque donc la pile.
Non. C'est impossible. On ne garde aucune pile à la cave, elles sont toutes dans un tiroir de la cuisine. On utilise trop couramment des piles pour pouvoir les ranger à la cave. Mais alors qu'est-ce qu'il me manque ?
Je revisualise le schéma dans ma tête et cela me parait soudainement évident. Les fils électriques !
Je réfléchis à l'idée. Aurait-on des câbles, quelque part dans la cave ?
Je réfléchis mais rien ne me vient. J'essaie de remonter dans le temps, tentant de me souvenir de ce déclic qu'il me manque pour avoir une réponse. Main sur le front, je plisse les yeux, quand soudain je me rends compte que je dois remonter bien plus loin dans le temps !
Je m'en souviens à présent. À la construction de la maison, il y a déjà longtemps, il nous restait tout pleins de câbles ! Il ne me semble vraiment pas qu'on les ait jetés, ils devraient donc toujours se trouver ici.

Si ma mémoire est bonne, il s'agissait d'un gros carton.
Je rallume la lampe de mon téléphone et observe les étagères, je ne vois d'aussi gros cartons comme celui que je recherche, seulement sur l'étagère du haut et celle en dessous que je viens de parcourir. Deux sur chaque m'ont l'air d'être tel que dans mon souvenir.

Je déplace une fois de plus la chaise là où j'en ai besoin. Je monte sur cette dernière, pose mon téléphone et m'y mets sur demi-pointes comme je commence à en avoir l'habitude. Je tire le carton vers le bord selon ma technique habituelle également mais je m'arrête.
Ce carton est bien trop léger. On dirait même qu'il est vide, c'est impossible qu'il contienne les câbles. Je le pousse alors vers le fond de l'étagère comme il l'était avant.
Il s'avère qu'un autre des cartons repérés se trouve juste au dessus, sur l'autre étagère, mais je doute de pouvoir l'attraper ainsi. Je me hisse pourtant comme je le peux et essaie de m'étirer du plus que mon corps et ma souplesse me le permettent. Mais non, impossible, je frôle à peine le carton du bout de mes doigts. Je soupire tout en reposant mes talons sur le siège.
Je ne vois qu'une seule manière de parvenir au carton.
Sur le rebord d'une étagère, j'agrippe fermement mes mains, soulève ma jambe gauche et pose mon pied sur la deuxième étagère, au dessus de la chaise. Puis je ramène mon pied droit. Je monte ensuite mes mains sur la plus haute étagère.
Je ne suis pas très à l'aise ainsi, j'ai un peu peur. Le carton est un peu large, je suis forcée d'écarter les bras pour pouvoir le prendre, fragilisant ma prise. J'enfonce un peu plus profondément mes pieds dans l'étagère, poussant sur le côté les objets qui s'y trouvent. La position est difficile à maintenir car il m'est impossible de me tenir droite, mon corps légèrement en diagonale, vers l'arrière. Je stabilise donc ma prise, sachant d'avance que je vais devoir lâcher mes mains.

Avant de tenter de prendre le carton, je fais d'abord un test et lâche mes mains que je replace aussitôt sur le bord, me sentant partir vers l'arrière.
« C'est un simple réflexe à cause de la peur. » me dis-je pour me rassurer.
Je prends une grande inspiration et lâche une nouvelle fois mes mains, mais cette fois-ci je les garde levées plus longtemps et conserve les yeux fermés afin de me concentrer. Je reste ainsi périlleusement en équilibre avant de reposer mes mains.
Afin d'être vraiment sûre de moi je recommence mais en gardant cette fois-ci les yeux ouverts, car j'aurai bien besoin de voir pour porter ce carton.

Est-ce très lourd des câbles ? Je n'en ai aucune idée.

Je commence à me sentir mieux, et à être à l'aise, je crois que ça y est, j'ai trouvé mon centre de gravité et mon équilibre. Je remets mes mains avec aisance sur le bord, comme si la position dans laquelle je me trouve était tout à fait naturelle, ou presque, n'exagérons tout de même pas...

Mais une fois le carton en mains, comment vais-je faire pour redescendre ? Cela risque d'être compliqué. Je ferais mieux de déplacer le carton sur l'étagère au dessous, pour ensuite le rattraper en me mettant sur la chaise.

Je cligne lentement des yeux. Je soulève mes mains. Je les pose de chaque côtés du carton que je tire vers moi avec lenteur et précaution, peut-être pas si sûre de moi, finalement.
Quand je me sens enfin prête, je le soulève.
Cependant, j'ai bien sous-estimé le poids de ce carton, que je ne maîtrise plus. Il m'emporte alors dans sa chute vers le sol. Je n'ai pas le temps de le lâcher, que déjà je sens mon dos se courber vers l'arrière. Mon cœur se contracte. Ma poitrine se serre. Ma respiration se coupe. Le carton glisse de mes doigts, tandis que mes pieds glissent de l'étagère. Je sens alors une douleur fulgurante me frapper les côtes, faisant tomber la chaise au sol, au même moment où le carton s'y écrase, bientôt rejoint par mon corps qui s'aplatit au sol. Tout l'air de mes poumons est immédiatement expulsé, je ferme les yeux, une douleur me traversant le corps.

***

Aïe !
Comment va Lucie ?
A t'elle fait le bon choix ?
A t'elle au moins trouvé le bon carton ?
Peut-être est-elle tombée pour rien ?

La cave [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant