CHAPITRE 13 : Surprise

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« Ah ! »
Voilà tout ce que je parviens à dire dans ma tête.
Le psy me regarde, il est impassible, aucune émotion ne traverse son visage. Il a dû acquérir une grande expérience avec toutes ses années de travail, aux quelles je compte bien mettre un terme. Si bien sûr, je sors d'ici.
J'aimerais, mais je ne vois aucun moyen. Je suis complètement bloquée, autant physiquement que mentalement.

Ma mère n'arrive que dans une heure, c'est dans bien trop longtemps. Je n'arriverai jamais à gagner du temps jusque là. Le seul moyen que j'ai, est pour l'instant de le retenir et peut-être de faire en sorte qu'il détourne un peu son attention, me laissant le champ libre pour me rendre jusqu'à la porte de la cave où se trouvent encore les clés. Mais cela est tellement plus facile à dire qu'à faire. Seuls les personnages dans les films y arrivent. Ou alors, il faut  être chanceux, or on peut déjà affirmer que ce n'est pas mon cas.

Je vais improviser.
Ne dit-on pas que les médecins sont toujours passionnés par le travail et que quand ils commencent à en parler, ils ne savent pas s'arrêter ? Si le psy considère cette séquestration comme une part de son travail et de mon rétablissement, peut-être que je pourrais réussir à le lui en faire parler, lui faire me donner plus de détails, que je comprenne mieux et vraiment comment cela s'est organisé, mais surtout pourquoi car j'éprouve encore beaucoup de difficultés à cerner l'enjeu de tout ce cirque.

« Comment ?!

- Pardon ?

- Comment ? répété-je.
Comment avez-vous fait une fois que vous étiez chez moi, pour placer tous ces mots, exactement au bon endroit et là où je chercherai ? Comment ?

- C'est bien simple ma chère Lucie. Après avoir exceptionnellement fermé mon cabinet et une fois chez toi, j'ai refermé la porte et suis allé ouvrir celle de la cave, j'ai eu tout mon temps pour l'observer, et c'est ainsi que j'ai trouvé la corde à sauter pour placer le 1er message. Sans elle, j'aurais trouvé un autre endroit où placer ce mot. Quant au message, je me souvenais parfaitement du moment que tu m'avais raconté lors de l'une de nos séances, du départ de ton frère et surtout de ce poème que tu lui avais écris. J'avais prévu d'y faire référence.

Il marque une pause mais je repris avant qu'il ne le fasse :

- Mais où étiez vous tout ce temps ?

- Sous les escaliers; me répond-t-il d'un ton désinvolte comme si cela était naturel.
Tu étais très peu attentive, très loin de me remarquer. »

Je décide de changer de sujet, trop énervée par mon inattention qui aurait pu me causer bien des soucis en moins :
« La tempête... La coupure de courant... Vous saviez ?

- En effet, cela faisait un moment que j'avais cette idée en tête, mais j'ai dû attendre le bon jour pour la mettre en œuvre. Il me fallait bien une raison pour que tu te rendes dans ta cave, même si pendant un moment, j'ai bien cru que tu n'irais pas... »

Eh bah, j'aurais mieux fait de pas y aller.

« Les tempêtes entraînent souvent des coupures de courant dans notre petite ville, c'est ce que j'espérais. Mais j'avoue que je suis surpris qu'elle dure encore. »

Il marque une nouvelle pause mais je reste cette fois-ci silencieuse.

« Et puis, il faut avouer que j'ai eu tout le temps d'explorer ta cave, disons que je dois y être depuis le début de l'après-midi.
Je suis tombé sur le carton d'ampoules par un heureux hasard, je l'avoue. Quant aux câbles, je m'en doutais. Ta mère l'une de nos premières séances, avait exprimé l'envie de remettre de l'ordre dans sa vie, et pour cela je lui ai conseillé d'essayer de commencer par remettre de l'ordre dans certains endroits du quotidien, comme un bureau, une cuisine, et que au fur et à mesure, viendrait l'ordre dans des lieux plus compliqués telle que la famille, par exemple. Enfin bref, elle avait alors affirmé que la cave avait grand besoin de rangement et pour me le prouver elle avait énuméré différentes choses et autres qui s'y trouvaient entassées depuis des années, sans que personne n'y touche, et elle avait cité parmi tant d'autres choses, une quantité astronomique de câbles, datant de la construction de la maison.
Le reste des mots est venu par lui-même dans ma découverte de ce lieu riche en trésors qu'est votre cave.
En ce qui concerne le message de chacun, j'ai pu étudier ton fonctionnement au travers de toutes nos séances, ainsi, je sais que tu as un esprit logique et une très bonne mémoire. Je savais donc comment te guider vers chaque étape suivante. Malgré certains endroits périlleux, je n'ai pas voulu déplacer les cartons, je voulais voir si tu étais capable de surmonter la difficulté. Je suis navré que tu sois tombée dans ta quête. finit-il avec un air désolé.

- Mais... Je... Je ne comprends toujours pas en quoi c'est censé m'aider ... ? bégayé-je

- Si comprendre peut t'éviter de me dénoncer... J'espère que ce sera le cas, et que tu vas te ranger de mon côté. »

Je hoche la tête en signe d'encouragement pour qu'il continue et je croise les bras en signe d'attente.

Il prend une inspiration :
« Cette expérience est en quelque sorte une métaphore de ce que tu as traversé.
Tu t'es refermée sur toi même, de la même façon je t'ai enfermée dans la cave. Pendant un moment tu as tourné en rond dans ta vie, comme lorsque tu n'avais aucun papier. Puis tu as commencé à te retrouver, comme je l'ai symbolisé en te remémorant le souvenir de ce poème, qui je le savais, te guiderait. Puis tu as commencé à chercher la lumière, une lumière qui pourrait ensuite te guider dans le cercle infernal dans lequel tu étais rentrée. Tu as avancé pas à pas comme dans la cave. Malgré la difficulté, tu as continué d'avancer, tu as su la surmonter dans la cave comme dans la vie. Et tu continues d'avancer encore aujourd'hui, mais tu n'es pas encore sortie.
Grâce à l'épreuve de la cave, j'ai pu te montrer que tu en étais capable. Si tu continues d'avancer Lucie, tu finiras par sortir, mais j'avais peur que tu abandonnes, c'est pourquoi, j'ai constitué cette épreuve, pour te montrer que tu ne devais pas, que tu étais forte. J'espère que tu en as désormais et enfin pris conscience, et que tu vas reprendre confiance en toi. »

Il me sourit, il parait heureux de sa petite invention et de toute l'intelligence dont il a usée pour créer ce jeu. Il me donne presque envie de le croire. Il est doué. Je lutte actuellement en moi pour savoir en qui dois-je faire confiance, mais je me souviens d'un détail dont il n'a pas parlé :
« L'album photo ? Vous saviez ?

- Comment ça ? Quel album ?

- Peut-être n'avez vous pas si bien exploré ma cave tout compte fait. affirmé-je un rictus sur les lèvres. »

Il cligne des yeux, il parait perturbé, il n'avait pas prévu cela.

« Dans la cave, nous avons un album photos. Cela peut paraître étrange de l'y avoir rangé là bas, mais vous savez qu'une période ayant été assez conflictuelle dans notre famille... disons que nous n'avions pas très envie de regarder de vieilles photos familiales, qui n'auraient apporté que nostalgie. Je pense que c'est de cette façon que cet album a atterri là bas. Ne l'avez-vous pas vu ? le questionné-je avec un air de défi. »

Je prends son silence pour un non et continue :
« Dans la cave, comme dans la vie, ce ne sont pas vos étapes ou vos rendez-vous qui me permettent désormais d'avancer, même si dans les deux situations cela a, au début, été le cas. Aujourd'hui, il s'agit de ma famille. Vous ne m'aidez plus. Dans la cave, c'est cet album de famille qui m'a donné le courage de continuer d'avancer car je voulais les retrouver, comme dans la vraie vie, j'ai enfin retrouvé ma famille et mon père. »

L'homme devant moi, paraît perdre toute sa fierté, son arrogance. Il a soudainement moins de prestance.

« Peut-être n'ai-je pas encore retrouvé toute ma confiance en moi, mais seul le temps me permettra d'y parvenir, avec le soutient de mes proches et de ceux que j'aime, avec qui je sais désormais m'ouvrir et avec qui j'ai arrêté de m'isoler. Car sachez que j'avance, mais lui temps, lui aussi avance, et je n'ai plus aucunement envie de perdre mon temps à rester seule, et encore moins avec vous !! »

Le psy semblait complètement perdu et désemparé. Je profite de ce moment de faiblesse de sa part, pour attraper le porte-manteau à ma gauche. Le médecin commence à reculer. Maintenant que j'ai cette arme sommaire et improvisée en mains, je ne sais plus vraiment quoi en faire. Il est difficile d'en user pour blesser quelqu'un, même s'il vous a blessé. Il m'a fait mal, il m'a fait peur. Cependant, je ne sais plus ce dont cet homme en face de moi est capable, et je crois bien qu'il soit capable de faire bien plus que de me séquestrer. Je reprends confiance en moi et alors que je prends une meilleure prise autour du manche, je me retourne à l'entente d'un cliquetis. La porte d'entrée s'ouvre.

« SUR!!!prise... »

***

Qui est-ce encore ?
La porte est enfin ouverte... que va-t'elle faire ?
Fuir ou se défendre ?

La cave [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant