3 - Ljösalfheim

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Eirik n'eut pas le temps de réagir. Les silhouettes noires s'étaient d'abord rapprochées, muettes, jusqu'à émerger dans la lumière de la clairière, révélant des créatures altières, aux visages fins, presque chevalins, aux oreilles pointues. Des elfes. Armés jusqu'aux dents, de couteaux de chasse, d'arcs, de filets. Et leurs yeux fendus, comme ceux des chats, étaient fichés sur les deux intrus. Eirik sentit un filet de sueur couler le long de son dos. Il frissonna. Ça ne lui arrivait jamais, d'habitude.

Et puis, alors que les elfes allaient s'approcher encore, une forme blanche tapie au sol, qu'Eirik avait d'abord prise pour un rocher, se mit brusquement en mouvement. L'ourson qu'Elsa avait créé se redressa sur ses pattes arrière, fixa les nouveaux arrivants de son regard intelligent. Il n'était pas particulièrement agressif, mais sa posture les incita immédiatement à la méfiance.

Un frémissement, juste à côté. Silvester, accroupi, reculait doucement, et tirait le jeune prince par la manche pour l'inciter à faire de même. Mais Eirik l'ignora, demeura planté là où il était.

— Euh... bonjour ? fit-il à l'intention des elfes.

Ceux-ci détournèrent brièvement les yeux de l'ours, pour le fixer, interloqués. Le garçon comprit immédiatement qu'ils ne parlaient pas la même langue. Néanmoins, il continua à parler, en essayant d'adopter un ton paisible, pour les rassurer.

— Nous ne sommes pas dangereux... Nous sommes juste perdus. Si vous pouviez nous aider à trouver...

Il s'interrompit. L'un des elfes avait esquissé un pas en avant. Une femme, apparemment. Le pas de trop. Elle avait toujours une dague argentée en main. L'ourson rugit, se métamorphosa instantanément en une créature gigantesque qui faisait deux fois la taille de son adversaire. Eirik, stupéfait, bascula en arrière. Soudain statufiée, l'elfe n'esquissa pas un geste de plus. Elle s'accroupit au sol, dans une position défensive. Fuir ou combattre, on voyait l'interrogation dans ses yeux.

— Eirik ? Qu'est-ce que... ?

Silvester, effrayé, se redressa néanmoins pour se placer devant le petit garçon. Qui, l'ignorant totalement, le contourna, pour s'approcher de l'ours. Il posa une main sur le poil rêche, ferma les yeux. Ce n'est pas un danger... songea-t-il. Enfin je ne crois pas. Calme-toi...

Il ne sut jamais si l'ours n'avait entendu. Toujours était-il que, de dressée sur ses pattes arrière, la créature retomba au sol. Mais elle ne semblait pas vouloir quitter les elfes du regard, ni abandonner sa posture protectrice.


Soudain, la femme elfe qui s'était avancée hoqueta. Elle lança quelques mots, dans une langue étrange aux sonorités chantantes. Ses compagnons regardèrent alternativement l'ours, puis la femme, puis se mirent à parler. Tous en même temps. Eirik, stupéfait, les observa alors qu'ils rangeaient lentement leurs armes. La femme, apparemment instigatrice de ce mouvement, fut pourtant la dernière à le faire. Puis, elle se remit lentement debout, leva une main. Les autres elfes se turent.

Elle se mit à psalmodier. Sa voix prit des inflexions hypnotiques, langoureuses. Elle exécuta une série de gestes particuliers avec ses doigts. Sans vraiment savoir comment, le garçon devinait que tout ce qu'elle faisait était dirigé vers l'ours, et pas vers lui ni Silvester. Mais il sentait confusément qu'elle essayait d'établir quelque chose, comme une forme de communication.

Les secondes s'écoulèrent lentement, rythmées par la lente mélodie de l'elfe, campée au milieu de la clairière. Les autres se contentaient d'observer, muets, attentifs. Un vent froid s'était levé dans la clairière, balayait les chevilles de tous ceux qui étaient présents, faisait onduler les brins d'herbe.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 3 : Until I find my way to youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant