Evvie fit quelques pas, mais elle vacillait. Pas tant d'épuisement que de peur. Une peur terrifiante, qui l'avait prise à la gorge, qui l'empêchait de réfléchir correctement. Elle était seule. Et elle ne savait pas où elle était. Autour d'elle, les soldats morts fixaient le vide, inconscients de leur état et de la réalité des choses, poussaient de temps à autre un gémissement plaintif, qui emplissait la plaine d'échos mélancoliques. Le temps s'était arrêté pour eux. Cet endroit semblait s'être figé à une époque révolue. Les hommes, armés de pied en cap, étaient immobiles. Il y avait quelques femmes, en majorité prostrées. Quelques enfants déambulaient entre les jambes des adultes, mais eux aussi paraissaient anesthésiés.
Evvie sentit un frisson la parcourir. Une silhouette qui ressemblait à une petite fille son âge se matérialisa progressivement juste devant elle, traversa la jeune princesse sans même la voir. Evvie s'effondra, incapable de soutenir le choc. Son crâne heurta un morceau de roc, et elle fut happée par l'obscurité.
Elle rouvrit les yeux sans savoir combien de temps elle avait été inconsciente. Le lieu ne semblait pas avoir changé, que des secondes qui se soient écoulées ou bien des heures. Les spectres étaient toujours là, répétant leur litanie de pleurs, et le ciel était désespérément ocre. Mais là, devant ses yeux, une petite pierre ambrée, rattachée à ce qui semblait être un cordelette, se détachait de la poussière grise au sol. Elle tendit péniblement une main pour la récupérer, lancinée par une douleur sourde dans sa tête, se mordit les lèvres. Ses doigts se refermèrent autour du pendentif. Immédiatement, la douleur dans son crâne s'atténua, remplacée par la douce chaleur qui émanait de la pierre et irradiait dans tout son corps.
Evvie demeura allongée, le temps d'être certaine qu'elle allait bien. Elle en profita pour se demander si elle n'avait rien de cassé. Mais a priori, il n'y avait aucun problème.
Enfin, à part le fait qu'elle soit seule, perdue dans un endroit totalement inconnu. Évidemment.
Elle se redressa ensuite. Ignorant délibérément les fantômes, qui de toute façon ne lui accordaient aucune attention, elle se mit en marche. Vers où, elle n'en avait aucune idée. Elle savait seulement qu'elle avançait. Être immobile lui était soudain devenu insupportable. Elle ne voulait pas, ne voulait plus. Elle voulait au moins essayer.
Et puis, dans le fond, elle sentait qu'elle pouvait faire quelque chose. Elle sentait le lien entre son frère et elle pulser, au fond de son être, comme une source d'alimentation permanente. C'était la seule chose qui l'empêchait de sombrer dans le désespoir. Son frère était vivant. Elle le sentait. Aussi, elle enfouit la petite pierre ambrée dans sa poche, sans avoir la moindre idée de ce que cela pouvait être, et avança. Loin devant elle se dessinait, à contre-jour, la silhouette d'une haute montagne. Pourquoi aller là-bas ? Elle n'en avait aucune idée. Mais elle se sentait étrangement attirée par le lieu.
Elle évita de se poser des questions. Cela ne ferait rien d'autre que la perturber, et elle se doutait qu'elle n'obtiendrait pas de réponses. Pas tout de suite, en tout cas.
À chaque pas, elle soulevait des gerbes de sable noir. Les plaines qu'elle traversait étaient désertiques, balayées par un vent au raz du sol qui faisait parfois tanguer la jeune princesse. Elle s'efforçait tant bien que mal d'avancer entre les débris qui, très semblables à la navette dans laquelle elle avait voyagé, jonchaient les lieux.
Une image s'imposa, soudaine, imprévue. Celle de dizaines de vaisseaux dont les propulseurs s'éteignaient brusquement et qui, rattrapés par la gravité, chutaient. Et, à leur point d'impact, des hommes en train de s'affronter. Concerts de cris, de hurlements, craquements des matériaux qui s'effondraient les uns sur les autres, tintements des épées et des armures qui s'entrechoquaient. Un seul vaisseau, sur toute une flotte, qui s'éloignait, laissant derrière lui un champ de milliers de cadavres écrasés. Emportant seulement avec lui une centaine de survivants. Evvie tressaillit.
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Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 3 : Until I find my way to you
FanficIls ont été téléportés, éparpillés aux quatre coins des neuf mondes. Ils ne savent pas où ils sont, ne savent pas ce qu'ils doivent faire. Ils pressentent seulement que les choses s'accélèrent violemment. Qu'ils n'ont plus le temps de s'arrêter. Qu'...