5 - Midgard

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Anna s'éveilla en percevant du mouvement à côté d'elle. Elle tourna légèrement la tête sur le côté puis, agressée par la lumière qui filtrait au travers des rideaux, replongea le nez entre les coussins. Elle aurait préféré dormir encore un peu, mais les crissements du drap et les déformations constantes du matelas l'en empêchèrent. Alors elle resta à écouter, silencieuse, plongée dans un demi-sommeil dont elle émergeait par intermittence.

Les oreillers sentaient la lavande, se rendit-elle compte alors qu'elle peinait à se sortir de sa léthargie. Elle aimait bien la lavande. Ça lui rappelait les jardins, l'air frais...

Brusquement, elle fut prise d'une nausée soudaine, qui l'obligea à se rouler en boule sous le drap, genoux remontés contre la poitrine. Elle se mordit les lèvres, attendit en essayant de penser à autre chose.

La nausée passa au bout de quelques minutes seulement, mais elle avait totalement réveillé la jeune femme. Elle se retourna sur le dos. Les cheveux blonds de son mari rentrèrent alors dans son champ de vision pour un bref instant, elle sourit. Il était déjà assis, mains refermées autour d'une lourde barre de bois sculpté qui avait été ajoutée au lit récemment. Il s'en servait comme d'un point d'appui pour pouvoir se redresser, rien qu'à la force des bras. Cela lui permettait d'être dans une position plus confortable, et non plus allongé à longueur de journée, et en prime, il pouvait reprendre ses obligations. Comble de l'honneur, son petit-déjeuner était servi au lit.

Laia entra juste au moment où Anna se faisait la réflexion qu'il était étrangement tard, et qu'elle n'avait pas encore été réveillée par une horde de courtisans affairés. Étrange. Enfin, depuis que les jumeaux étaient partis, le château était déjà bien plus calme.

La servante esquissa un semblant de révérence au couple royal, tâche rendue difficile par le lourd plateau qu'elle tenait entre ses mains. Deux majordomes la suivaient. Ils tirèrent vers le lit une table haute, la calèrent de manière à ce que le couple royal puisse simplement s'asseoir en haut du lit, et manger ainsi. La princesse se redressa sur ses coudes. Laia déposa son plateau sur la table, s'inclina une nouvelle fois, plus profondément, et tourna les talons, suivie des deux hommes.

Sans préavis, Anna se jeta sur les croissants frais, livrés directement de la pâtisserie la plus proche. Ils étaient encore chauds. Kristoff, amusé, la regarda manger sans toucher à sa propre nourriture. C'était la même chose depuis quelques jours déjà : alors qu'elle mangeait pour deux, lui n'avalait absolument rien, ou presque.

— Je n'ai pas faim, répondit-il encore une fois, alors qu'elle lui reposait la même question que la veille.

Mais cette fois-ci, la rousse n'entendait pas se laisser faire ainsi. Elle fit une grimace, arrêta de manger.

— Alors moi non plus.

— Anna !

— Quoi ?

Elle laissa entrevoir un moment un sourire étincelant, taquine, puis, redevenant sérieuse, asséna :

— Je ne touche à rien tant que tu n'as pas mangé au moins la moitié de cette assiette.

Elle fit glisser l'assiette en question face à son mari, la remplit de nourriture à raz bord – l'avantage d'être princesse, se disait-elle toujours, était d'avoir toujours de la nourriture à disposition – et se laissa tomber dans ses coussins en couvant son mari d'un regard à la fois attendri et étrangement sérieux. Kristoff leva les yeux au ciel.

— Dis-moi que tu n'es pas sérieuse... soupira-t-il.

En guise de réponse, elle se contenta de lever un sourcil, provocatrice.

Les Ténèbres dans nos Cœurs / Partie 3 : Until I find my way to youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant