Bonne année

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Coucou toi ! Me voici, me voilà pour me confier à toi ! A vrai dire, je me force à paraître joyeuse mais le souvenir d’hier me hante. Quelle nuit affreuse ! Je déteste le nouvel an ! Pourquoi dois-je toujours aller à des soirées affreuses où je n’ai pas ma place ?! Je te jure que si je l’avais pu, je serais partie de là en courant ! 
 
« Je vous souhaite des rêves à n’en plus finir et l’envie furieuse d’en réaliser quelques uns. Je vous souhaite d’aimer ce qu’il faut aimer et d’oublier ce qu’il faut oublier. Je vous souhaite des passions, je vous souhaite des chants d’oiseaux au réveil et des rires d’enfants. Je vous souhaite de respecter les différences des autres, parce que le mérite et la valeur de chacun sont souvent à découvrir. Je vous souhaite de résister à l’enlisement, à l’indifférence et aux vertus négatives de notre époque. Je vous souhaite enfin de ne jamais renoncer à la recherche, à l’aventure, à la vie, à l’amour, car la vie est une magnifique aventure et nul de raisonnable ne doit y renoncer sans livrer une rude bataille. Je vous souhaite surtout d’être vous, fier de l’être et heureux, car le bonheur est notre destin véritable. » Jacques Brel  
 
« 3 ! 2 ! 1 ! BONNE ANNÉE ! »  
Que c’est dur… Dieu que cet instant peut hérisser mes poils. Il m’a toujours semblé que ce moment était empli de partage, de sincérité, d’amour, où l’on souhaite le meilleur à ceux que l’on porte dans notre cœur… Pourquoi est-ce devenu un rituel basique empli de paroles hypocrites avec de purs inconnus ? Pourquoi est-ce devenu une soirée obligatoirement pleine de monde qui boira jusqu’à ne plus marcher droit ?  
Le seul instant qui pourrait sembler beau ne dure qu’une fraction de seconde, ce seul instant d’embrassades bienveillantes quoiqu’un tantinet hypocrites. Seulement tout retombe bien vite, on peut observer chacun retourner avec sa meute ou honorer sa place de loup solitaire. Personne n’est parfait, je suis navrée de déclarer qu’étant une introvertie, lors de ces soirées avec la musique à fond et une foule d’inconnus, mon seul réflexe de survie sera de fuir et me cloitrer dans un coin, seule entraînée par mes pensées dans un trou noir d’émotions. En réalité, je souhaiterais plus que tout passer cette soirée avec ceux que j’aime réellement, je donnerais tout pour abandonner cette masse de gens que je n’ai jamais vu de ma vie.  
 
Deux ans…  
Que je ne trouve pas ma place en cette nouvelle année…  
Deux ans…  
Que je rêve d’être ailleurs,  De m’échapper loin  Loin de tout cela.  
Avant ? Y a-t-il réellement eu un avant dans ma mémoire ?  
 
« Bonne année ! »… Mon téléphone vibre toutes les minutes depuis minuit… Dites-moi, êtes-vous réellement sincères ? Vous souvenez-vous réellement de qui je suis ? Faites-vous ça par réflexe ? Pourquoi me mettre dans cette situation dérangeante de devoir vous répondre sans en avoir l’envie ? Je n’ai envoyé que peu de messages de bonne année qui venaient de mon cœur…  
 
Bonne année. Je hais le premier de l'an.  
Bonne année... Je sens les larmes monter à mes yeux, prêtes à inonder mes joues roses.  
Me voilà à chercher désespérément une solution pour ne pas craquer. Que faire ?  
« Mets-toi sur une chaise, écoute la musique, laisse toi porter progressivement, chante, voilà ne réfléchis plus, danse avec les autres, chante encore, oublie ton mal-être dans cette soirée. 
Capte l'énergie autre de la musique pour la faire tienne. Voilà… »  
Ce que je déteste les fêtes du premier de l'an, je crois sentir l’angoisse au creux de mes reins me faire trembler. Que se passe-t-il ?  
La foule se calme… Pourquoi ? Pourquoi me retirer une de mes solutions pour ne pas m’effondrer ? Que voulez-vous que je fasse ? J’ai l’impression de perdre le peu de lucidité qu’il me reste, la folie entraînée par la fatigue semble m’assaillir.  
« Concentre-toi sur la musique. La musique c'est la clef. Enferme-toi dans une bulle de musique. Allez ça ira. »  
Et si la musique ne me convient pas ? Si elle m’horripile ?  
« La musique ne te plait pas ? Tant pis concentre toi sur le rythme, c'est toujours un minimum rythmé »  
Et voilà que ma seule arme se décharge. Cet instrument me reliant au seul soutien psychologique que je pourrais trouver en cette sombre soirée. Cet objet qui me permet d’aligner des mots pour pouvoir respirer, trouver un semblant de calme.  
Je ne supporte vraiment pas ce genre de soirée.  
Je sens une vague de froid monter en moi, de vieux souvenirs qui me hantent encore certaines nuits. Pas maintenant, par pitié, laissez-moi… Je ne veux me rappeler de ces mains contre mon corps, de cette solitude que j’ai pu sentir, ce dégoût de moi, cette nausée qui nouait mon ventre. 
Je ne veux me rappeler  cet enfer…  
LÂCHEZ-MOI, MAUDITS DÉMONS !  
Je deviens folle… Mes pensées me retournent le cerveau… Mes sentiments me broient le cœur…  
Il est 3h du matin,  
Je suis épuisée, éreintée de cette soirée,  
Mais je rentre enfin chez moi, je peux souffler…  
Retrouver le contact froid et apaisant du carrelage en retirant mes talons,  
Enlever cette coiffure qui arrachait mon crâne… lâcher totalement mes cheveux, m’accorder un peu de liberté…  
Retirer tous mes bijoux, marques de mon besoin de matérialité pour me sentir réelle.  Nettoyer mon visage et retirer ce maquillage que je déteste mettre. Ce masque que j’ai déposé sur mon visage par pure pression sociale.  
Se laver les dents, se mettre en pyjama.  
Retrouver un semblant de routine, de vie normale…  Laisser tout tomber et essayer de décompresser.  
Il ne me reste plus qu’à aller dormir, essayer de me reposer.  
Je me calme enfin….  
 
Et dans un dernier instant, avant de sombrer emportée par la fatigue et la nuit noire, je laisse mon âme me chuchoter quelques mots.  
Je hais ces fêtes, je hais la tournure qu’a pris le premier de l'an, je hais ma façon de réagir, je me hais.  
Bonne nuit.  

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant