Au Fil De La Rose

Danser jusqu'à n'en plus pouvoir

J’ai jamais aimé danser. Jamais. Pourtant, c’est un thème qui me fascine. Dans certains de mes rêves je me vois danser. C’est étrange, j’ai deux pieds gauches. Dans tous les cas, tout ça m’a inspiré un texte. Le voilà ! 
 
"Quand tu danses, tu peux t'offrir le luxe d'être toi" 
Paulo Coelho 
 
J'ai les pieds écorchés. J'ai égaré mes chaussures. 
Mon manteau est en loques quelque part je ne sais où.  
J'ai les cheveux en pagaille. J'ai du bleu sous les yeux. 
La sueur coule le long de mon front.  
 
Qu'ai-je bien fait pour me retrouver dans un tel état ?  
Je ne sais à vrai dire pas où je suis.  
Qu'ai-je bien fait pour arriver ici ?  
 
Je m'allonge sur l'herbe et laisse échapper un gémissement.  
Aïe. Mon corps entier est endolori.  
Je lève les yeux au ciel. Les nuages sont gris. Trop gris.  
Je ne me souviens de rien.  
 
Il commence à pleuvoir, un peu, beaucoup.  
Ploc, ploc. Je ne bouge pas. 
L'eau vient balayer la sueur. Nettoyer mes jambes pleines de terre.  Peut-être cela ravivera-t-il mes souvenirs. 
 
Que faire pour me séparer de l'oubli ?  
Je ne sais à vrai dire pas quoi faire. 
Que faire pour retrouver la mémoire ? 
 
Je me lève, ma tête tourne. Je m'arrête un instant.  
Des sillons dans l'herbe m'indiquent un chemin. 
Je le suis. J'ai confiance en lui. Je crois qu'il est vivant.  
Ma vision se trouble. Des ombres se mettent à danser. 
 
Soudain, le ciel s'obscurcit et s'illumine de rayons d'argent, tout semble s'apaiser.  
Je vois une jeune fille, à moins que ce ne soit une jeune femme, une sylphide.  
La lune se reflète sur sa peau de nacre, précieuse; une douce lumière dans la nuit. 
Ses cheveux flottent, tourbillonnent et s'entortillent comme des longues vagues sombres.  Le temps s'allonge, mes pas se font plus longs, l'instant se fige, il n'y a plus qu'elle.  
Cette forme ondulante comme un mirage, elle ondoie entre les arbres, insouciante.  
Cette danse fascinante me berce, m'obsède, je ne bouge plus, le monde s'est envolé.  
Ses pieds nus foulent le sol, jouant avec la courbure des brins d'herbe, s'enduisant de terre. 
Les étoiles l'ont couverte d'un voile léger, une robe fluide qui se mélange aux rayons astraux. Elle la porte si bien, cette vision vaporeuse, comme un souvenir oublié, un rêve abandonné. 
 
Je tends ma main. Je n'attrape rien.  
Elle s'est évaporée, laissant place à la réalité. 
Le gris est revenu. Je regarde mon piteux état. 
Je tombe à terre. Rien de tout cela n'était fiction. 
 
Ai-je réellement dansé toute la nuit ? 
Je ne sais à vrai dire pourquoi ni comment.  
Ai-je vraiment été l'être mystique que j'ai croisé ?  
 
Je me rallonge sur le sol et je soupire. 
Pfiou. Mon esprit se réveille. 
Ma peau a été lavée par la pluie. Mes cheveux bouclent. 
Ma robe me colle au corps, épouse mes formes. 
 
J'ai dansé cette nuit. Jusqu'à n'en plus pouvoir. 
J'ai brisé mes chaînes, revêtu mon habit de fortune. 
J'ai tout oublié, j'ai juste dansé, dansé jusqu'à n'en plus pouvoir. Ce mirage est le mien.  
 
Et demain je recommencerai. Je danserai. 
J'userai mes pieds, laisserai mes cheveux virevolter. 
Je sculpterai mon environnement, illuminerai l'ombre. 
Pour danser jusqu'à n'en plus pouvoir.