Croquer la pomme

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Bonjour journal ! Je viens te faire une mise à jour ! J’ai eu un vrai déclic cette fois-ci, pas un temporaire. Je vais vivre mon aventure pleinement parce qu’au fond c’est comme cela que je deviendrais celle que je veux être. J’ai un peu le trac, comme si je retournais sur scène après une longue pose. Les rideaux se sont ouverts et j’ai dû choisir : entrer dans la lumière des projecteurs ou me terrer dans l’ombre. Lumière me voilà ! L’année est fini. J’aurais mes résultats du bac bientôt. J’ai été acceptée en hypokhâgne, ça y est je pars boucler ma vie avec le travail et les tonnes de connaissances que je vais rencontrer. J’ai décidé de ne plus me prendre la tête sur mes amitiés et de vivre au jour le jour. J’ai trouvé un ange qui fait de mon sourire le plus beau des trésors. J’attends impatiemment le dernier enfant de notre fratrie folle. Ma vie semble avoir repris de l’élan. Je m’en vais vivre l’aventure extraordinaire de ma vie. Je suis si contente si tu savais !  
 
"Carpe Diem" 
Horace 
 
C'était une journée brumeuse. Étonnamment il n'avait pas plu mais de lourds nuages pesaient dans le ciel.  
Le temps était à l'image de mon humeur, lent, pesant, abattu, triste. 
C'était une journée banale. Sans rebond, plate, manquant d'intérêt.  
J'étais assise sur un banc, les yeux dans le vide, le vide dans les yeux. J'étais immobile, statue de pierre que la vie érode.  
Mes précieuses émotions m'avaient quitté, me laissant là désemparée. 
 
Plus rien ni plus personne ne pouvait me relever, j'étais abattue.  
Le temple s'était effondré et les vestiges paraissaient irrécupérables.  
J'étais un ramassis de miettes, d'illusions balayées, de mensonges forcés. 
J'étais perdue dans mon propre monde, sans boussole, sans compas ou carte.  
 
C'était une journée timide. Le soleil cherchait à pointer le bout de son nez sans réellement l'oser.  
J'avais une migraine à en déchirer les cieux, omniprésente, aigüe, insupportable.  
C'était une journée misérable. Sans lumière, sans chaleur, manquant d'air.  
J'étais assise sur une balançoire, la tête en l'air, l'air dans la tête.  
Je me balançais à m'en donner la nausée, bateau qui a trop tangué. Mon invincible coeur s'était déchiré, me laissant là abattue.  
 
Ni mes souvenirs ni mes espoirs ne pouvaient me relever, j'étais effondrée. 
Le château avait chuté et les ruines paraissaient indénombrables. 
J'étais un ramassis d'erreurs, de fables enjolivées, de drames inachevés. 
J'étais perdue dans mon propre océan, sans gouvernail, sans barre ou voiles.  
 
Là bas, il y avait un arbre, gris, décrépis, Atlas de bois.  
Il portait en lui tous les fardeaux du monde, si bien qu'il s'était asséché, décoloré. 
Il était devenu fade, de pauvres feuilles pendaient à ses frêles branches.  Là bas, il y avait un arbre, triste, seul, Chiron abandonné. 
 
Au bout d'une branche, une pomme; rouge, éclatante, étincelante de vie. 
Au bout d'une branche, un trésor inestimable. 
Malgré les tempêtes et les bourrasques, malgré le désespoir et les malheurs, cette pomme était là.  
Et elle était la plus belle d'entre toutes celles que j'avais pu voir. 
 
Le temps, l'espace, tout s'était arrêté. La vie mise en pause. 
Il n'y avait plus que l'arbre, la pomme et moi. 
Il n'y avait plus de l'oubli, la vie et l'indécision.  
Je devais choisir.  
Embrasser l'arbre ou croquer la pomme.  
Dépérir ou vivre.  
 
J'avais le choix.  
J'ai tendu la main.  
L'ombre m'attire.  
La vie m'éclaire.  
Faire un choix.  
 
Alors j'ai croqué la pomme et ai atterri sur mon banc prête à tout recommencer.  
J'étais prête à croquer la vie à pleines dents, le poids sur mes épaules s'était allégé.  
J'ai pris mon sac sur le dos, vissé mes lunettes de soleil sur mon nez, j'étais prête.  
Je suis partie, laissant là mon banc des malheurs.  
Je suis partie, traçant une nouvelle route. 
Je suis partie cueillir le jour.  
Et là dans ma main, 
Une pomme croquée. 

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant