Plus que prévu

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Cher journal, t’ai-je déjà parlé de lui ? Il s'appelait Ethan. Il avait un an de moins que moi. C’était le meilleur ami de ma boussole. J’étais, du moins je croyais être amoureuse. Il voulait avancer vite sur certains plans, moi je ne voulais pas. Je pensais que je devais apprendre à suivre son rythme pour apprendre à aimer ça. Certaines fois je savais dire non. Certaines fois non, je pensais que c’était anodin, que lui céder ça me permettrai de dire non au reste sans conséquences. Mais ces petites choses étaient trop, bien trop. Je l’ai quitté quand j’ai commencé à comprendre. Cela fait plus de 2 ans que je pensais avoir caché ses souvenirs au fond de moi, avoir réussi à les accepter. Foutaises ! Je suis là, des années plus tard et ces souvenirs sont des plus ardents… Au début j’ai bien cru que ce n’était rien, que je n’étais pas victime de viol alors ma voix ne comptait pas. Mais au moins je l'écris ici. C’était des attouchements et j’en ai détesté mon corps à cause de ça. J’en ai pleuré dans ma douche, devant mon miroir, j’ai senti un goût amer dans ma gorge quand j’ai accepté de confier mon corps à un autre, j’ai tant souffert. Il s'appelait Ethan. Je ne peux toujours pas évoquer son nom sans avoir les larmes aux yeux.  
 
"Rien n'imprime si vivement quelque chose à notre souvenance que le désir de l'oublier" Michel de Montaigne 
 
Il l'a blessé plus que prévu. 
Elle pensait aller mieux, avoir balayé son image totalement.  
Mais son ombre l'a rattrapé, maudis confinement. Pourquoi fallait-il que l'on réveille ses souvenirs ? 
Son téléphone à la main elle venait de se pétrifier face à la lecture de ce poste. "Quelqu'un que tu souhaiterais oublier" 
 
Quelqu'un... 
 
Qu'elle... 
 
Souhaiterait.... 
 
Oublier.... 
 
Oublier ! Ce qu'elle voulait oublier ! 
Mais il l'avait blessé bien plus que prévu.  
 
Et ces mains, cette langue glissant le long de son corps. 
Elle revoit toutes les images passer devant ses yeux. 
Elle sent son odeur, entend son souffle, ressent ces doigts rugueux se poser sur elle. Son reflet dans le miroir n'a plus jamais été le même. 
 
La nausée vient encore s'emparer de tout son être en se remémorant tout cela. 
Des larmes montent à l'énonciation d'un simple prénom. 
Deux syllabes et une femme en miettes.  
Elle se faisait entraîner dans un tourbillon écoeurant. 
Sa langue dans sa bouche, 
Sur son cou, 
Encore et encore le long de sa poitrine. 
Et elle tombait là dans ce trou noir qui lui ouvrait les bras.  Il l'avait bien amoché cette créature fragile.  
 
Et elle voyait un reflet déformé dans le miroir, un corps qui n'était pas sien et ne le serait peut-être réellement. 
Et elle dessinait des SOS dans la buée pour oublier les empreintes de ces mains sur son corps. 
 
Des mots, des gestes, quelques notes de musiques, un rien pouvait provoquer en elle un raz de marée.  
C'est ce rien qui la tourmentait encore et toujours, la poussant à haïr ce corps qui était le sien. 
 
Alors elle a peur. Peur de voir sa vie changer, de ne jamais pouvoir se lâcher, oublier; aimer qui elle est, comment son corps est fait. 
Alors elle vit, tente de dépasser cette montagne dressée devant elle.  
Alors elle espère, elle se bat, encore et toujours. 
Elle rit, danse, chante, sourit, aime. 
Elle met son cauchemar sur pause en attente du prochain petit rien qui lui tirera en plein coeur. Il l'a blessé plus que prévu. 
Elle était moins forte que prévu. 
 
Mais, un jour tout cela ne sera plus que poussière, Et ce jour là, elle renaîtra. 

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant