Cœur égaré

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Je suis brisée. Tu sais, on ne comprends les choses qu’après en avoir vu les conséquences. Aujourd’hui, dans mon lycée, une fille s’est suicidée. C’est arrivé comme ça entre deux cours, les journaux en ont parlé 2h après que sa vie se soit envolée… Tout à l’heure en anglais, beaucoup d’entre nous ont pleuré, je crois bien que nous n’étions pas prêt. On s’est réconforté et câliné, je crois que l’on est tous choqué. Notre prof nous a conseillé d’écrire. C’est ce que je compte faire. J’espère m’en remettre vite. 
 
"Saute... et laisse toi pousser des ailes pendant ta chute."  
Ray Bradbury 
 
Et si nos ailes ne fonctionnaient pas ? Si elles étaient brisées ? Elle, elle qui a sauté, ses ailes étaient déchirées depuis bien trop de temps... Elle n'a pas survécu... Mathilde, petit ange perdu n'est plus.  
 
Pourquoi ? Pourquoi ai-je besoin de cela pour comprendre les conséquences de mes actions, de mes pensées sombres ? Oui, pourquoi ? J'ai tant de fois rêvé de m'en aller, m'envoler là où elle est partie... Et aujourd'hui... Aujourd'hui...Je ne sais plus rien, je comprends enfin. Je devrais être soulagée, être heureuse d'avoir enfin compris avant que cela ne soit irrattrapable, non ? Mais je ne peux. 
Mon cœur en décomposition, n'arrive pas à pleurer autant qu'il le voudrait.  
 
« Comment un être peut-il en arriver à vouloir mourir ? Pourquoi ? » 
Pour te répondre je vais te narrer l'histoire d'un cœur égaré dans son univers. 
 
Cœur meurtri avait mal, tellement mal qu'il était ébloui, aveuglé par la douleur, qu'il ne voulait rien d'autre que la fin de la souffrance.  
Petit cœur se demandait si la mort n'était pas plus douce que la vie.  
Il était persuadé que la mort était si belle, si attirante, si lumineuse.  
Il détestait sa vie ; cet enfer où tourbillonnaient un ouragan de problèmes, d'inquiétudes et mille autres démons qui le hantaient nuits et jours, qui l'empêchaient de dormir, qui le rongeaient, qui effaçaient toutes ses couleurs... 
Âme perdue voulait s'évader car elle avait perdu le goût de vivre, car elle ne faisait que survivre dans un affreux cauchemar.  
 
Alors cœur blessé se retrouva seul sur la route, face à différents chemins.  
 
Petit cœur plissait les yeux pour essayer de les distinguer, mais il n'en n'était pas capable.  
 
Trois panneaux indiquaient leurs noms :  

Lutter, aussi appelé Mutilation 

Abandonner, aussi nommé Mourir 

Guérir, sous-titré par le mot Vivre 

 
Petit cœur se demanda alors lequel serait le meilleur. Les deux premiers chemins semblaient attirants, ils avaient l'air simples, courts, expéditifs comme si en un claquement de doigts tout se résoudrait.  
 
Alors il emprunta le premier chemin, au début il semblait presque héroïque, presque trop simple, petit cœur avait alors deux visages sans que cela ne le dérange. Il avait trouvé une amie. Puis, il apprit, il découvrit le vrai visage de sa sainte patronne, il comprit que malgré son apparence maternelle rassurante, malgré ses bras tendus vers lui pour le rassurer, Mutilation ne faisait que jouer avec la perception de petit cœur. Il aperçut la réalité, balayant l'illusion. Il observa sa protectrice montrer son vrai visage, devenir une démone couverte du sang de milliers de personnes avec un sourire malsain au coin de la bouche. Il découvrit qu'elle ne prenait pas les âmes perdues sous son aile mais les y enfermait. Alors elle lui expliqua, avec une flamme dans les yeux, qu'elle aimait par-dessus tout voir couler le précieux sang de ses protégés ; qu'elle ne tolérait pas qu'ils s'éloignent ; qu'elle rendait fou de manque ceux qui osaient la repousser. Elle était leur drogue et elle adorait cela. 
 
Mais, petit cœur voyait que comme toute drogue, elle rongeait de l'intérieur et qu'elle était nocive malgré son doux sourire qui semblait apaiser les peines.  
Mais, cœur prisonnier de cette drogue ne savait comment y échapper.  
Il regrettait le jour où il avait sombré dans son monde. Il lui fallait trouver un moyen de s'échapper, de ne pas aller trop loin pour les beaux yeux avides de sang qui le menaçaient.  Par pitié, qui que tu soies, prends soin de toi et arrête tout de suite de faire perler ton sang si précieux. 
 
Alors petit cœur réfléchit en se remémorant les chemins qui s'étaient présentés à lui, et si il abandonnait ? S'il clouait le bec de cette harpie qui le menaçait en se donnant la mort ? 
Mais il se remémora les soldats qu'il avait vu tomber au combat, 
La douleur, 
Le bouleversement qu'il avait ressenti. 
 
Il se rappela les plaies qu'il avait dû panser.  
Il se souvint de ce qu'une nymphe lui avait dit lorsque petit cœur débutait son errance : 
 
« Ecoute,  
Apprends, 
Comprends que rien n'est plus précieux qu'une vie. Que la lueur ne devrait en aucun cas s'éteindre. Que cette aventure vaut la peine d'être vécue, 
Que tu trébucheras, 
Te verras assommé par toutes les embûches.  
Que même s'il se cache, 
Le bonheur viendra, 
Que même si tout semble perdu, 
La lumière apparaîtra au bout du couloir. 
Tu sais, je livrerai mon âme au diable pour sauver une vie.  
Je crois même que Satan lui même serait si effrayé par ma volonté qu'il ne chercherait en aucun cas à me piéger.  
Tu sais, je ne suis pas parfaite, 
J'aurais pu aider tant d'âme sans jamais ne voir que j'avais ce pouvoir. 
Vois-tu, 
J'aimerais être un ange gardien, 
J'aimerais savoir balayer les pensées noires, 
Chasser les démons, 
Empêcher le sang de couler, 
Sauver les vies qui souhaitent abandonner. 
Alors je fais naître l'espoir, 
L'espoir que tout être voulant mettre fin à ses jours trouve de l'aide, Que chacun découvre la lumière au fond de son cœur. 
Alors je rêve au bonheur pour chacun,  
Me fie à la Lune pour qu'elle me guide, 
Et qu'elle m'aide à faire lever le soleil dans les cœurs. » 
 
Petit cœur se réchauffa grâce à ses paroles, Il voulait s'échapper. Il le fallait.  
Cœur effrayé se saisit d'une plume qui volait dans les airs pour trouver le réconfort dans les mots. 
Petit cœur fit de ses poèmes des armes, de ses contes une armure, 
Cœur courageux brisa le sortilège de son bourreau,  
Cœur plein d'espoir retourna à son point de départ pour réécrire son histoire, Pour écrire, Pour vivre.  
Mais il arrive que d'autres cœurs ne sachent pas se libérer de leurs chaînes.  
 
Elle s'appelait Mathilde et elle s'est envolée loin de cette vie.  
Qu'en aurait-il été si elle avait aperçu la lueur, l'étincelle de lumière qui lui manquait ?  
Si elle avait rencontré un cœur qui comprenait sa souffrance parce qu'il l'avait surmonté ?  
La vie n'a pas de prix. Et rien n'est plus douloureux que de savoir que l'on n'a pu en sauver une. 
 
Petit cœur venait de l'apprendre. 
Petit cœur en décomposition, n'arrive pas à pleurer autant qu'il le voudrait. 
Dans sa salle de classe, il tremble, de minces gouttes d'eau glissent le long de ses joues.  
Grand cœur a froid, 
Grand cœur aurait voulu la sauver.  
 
Mathilde, petit ange perdu n'était plus, 
Et cœur effondré souffrait d'avoir souhaité le même destin.  
Mathilde, petit ange perdu n'était plus, 
Et cœur meurtri prenait sa plume pour ne jamais oublier ce qu'elle venait de lui enseigner.

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant