Voyage intérieur

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Penses-tu que Noir désir avait raison ? Qu’un jour le vent nous portera ? Que tout disparaîtra ? Tu penses que tout peut disparaître ? J’aimerais tellement que ce soit le cas. Je me suis égarée quelque part, je voudrais tout effacer et qu’on me remette sur le droit chemin.  
 
«  Et tout disparaîtra, le vent nous portera »  
Noir Désir 
 
Il y a peu de temps, je me suis promenée, musique dans les oreilles, le vent fouettant mon visage et faisant danser mes cheveux. Éblouie par le soleil, j’ai fermé les yeux et en les rouvrant, je l’ai vue. 
 
Une jeune fille enfermée dans une cage. Elle tenait ses genoux dans ses bras posant sa tête par-dessus. Des larmes coulaient lentement sur ses joues. Son regard semblait vide, sans émotion ou bien peut-être était-ce un trop plein d’émotions? Dans tous les cas, elle faisait vraiment peine à voir.  
 
J’ai cherché à m’approcher, à ouvrir sa cage, mais ce fut en vain. Elle était bloquée, enfermée, il n’y avait visiblement pas d’issue. Et elle pleurait, encore, des larmes douces qui coulent par dizaines, de celles qu’il est inutile d’essuyer tellement leur nombre est impressionnant.  
 
Je criais pour qu’elle m’entende, je frappais pour qu’elle m’entende, je frappais cette cage pour qu’elle s’ouvre, la folie vint m’habiter. Je ne pouvais rester là sans rien faire. Mais toutes mes tentatives étaient vouées à l’échec. Comment l’atteindre, comment l’aider ? Que faire ? 
 
Alors, je m’approchais en douceur, je souriais timidement et arborais mon regard si maternel. Alors, avec beaucoup de réserve j’osais m’exprimer : 
 
« Ne pleure pas, par pitié, rien sur cette terre ne devrait faire couler des larmes autant remplies de souffrance. Rien. » 
 
 
Elle restait là en tenant ses genoux, mais je voyais bien que ses muscles se décontractaient progressivement. Alors, je parlais encore et encore, je lui montrais du mieux que je le pouvais que la vie malgré ses hauts et des bas valait la peine d'être vécue.  
 
Je m'attardais sur ses genoux, elle cachait quelque chose, j'aurais pu mettre ma main à couper pour assurer cela. Oui, j'en étais sûre. On n’est jamais bien discret lorsque l'on cache quelque chose. Je lui laissais le temps qu'il lui faudrait pour se confier.  
 
Chaque jour, je revenais la voir. Chaque jour, j'arrivais à la faire parler un peu plus.  
 
 
Elle était dure, très dure avec elle-même, trop dure. 
Elle se détestait sans raison. 
Sa sensibilité était pour elle sa boîte de Pandore. 
Pour moi, c'était sa force. 
 
Cette jeune fille, cette femme en devenir, elle était perdue. Vraiment. Elle ne savait se servir de ses émotions, les exploiter pour en tirer du beau. Elle ne voyait pas l’éclat en elle, la pierre précieuse qu’elle était. Elle ne comprenait pas à quel point elle pouvait sortir du lot et rayonner. Elle pensait que la plus grande erreur de sa vie était d’être née. Elle manquait indubitablement de confiance en elle. Sans aucun doute. Elle se considérait comme sa pire ennemie, à un tel point qu’elle l’était devenue.  
C’était fou de voir comme elle se rongeait sans raison, comme elle créait sa souffrance par la dureté avec laquelle elle se considérait. Elle était sa propre gangrène et se poussait toujours plus au fond du gouffre.  
 
Un jour, elle accepta de me montrer ce qu’elle cachait. Ses genoux, des genoux sur lesquels coulaient des gouttes de sang. Elle éclata en pleurs en me dévoilant ce qu’elle appelait ses « faiblesses ». Et moi, je restais là, ne sachant quoi faire. Comment avait-elle pu être aussi autodestructrice ? Comment avait-elle pu pousser sa haine d’elle-même à un tel point ? Que pouvais-je faire ? Je me sentis inutile, comme si tous mes monologues sur le prix de la vie s’évanouissaient d’un coup, comme si je perdais ma foi en eux.  
 
Alors, emportée par la tristesse et la colère que j’arrivais à ressentir à travers ses larmes et ses entailles, je décidais de prendre les choses en main. Alors, rassemblant toutes mes forces, j’écartais les barreaux de sa cage. Il me sembla alors qu’ils étaient plus fragiles que lorsque j’avais essayé la première fois. Je ne pouvais plus supporter la vue de cet endroit, de cette âme perdue qui semblait s’être renfermée sur la haine qu’elle avait d’elle-même, je n’avais plus la volonté de rester là en attendant qu’elle trouve le courage de se libérer. Je décidais de le faire pour elle, de la sortir de ses retranchements.  
 
Je lui tendis alors la main, souriant du mieux que je le pouvais encore. Elle la prit hésitante avec un regard qui mêlait étonnement et reconnaissance.  
 
Je l’entraînai avec moi hors de sa prison, lui faire découvrir la beauté que le monde cache bien souvent.  
 
Éblouie par le soleil j’ai fermé les yeux et en les rouvrant, je l’ai vue. 
 
Une jeune fille précédemment enfermée dans une cage. Elle retrouvait ses couleurs peu à peu, vivait la vie comme elle venait avec ses hauts et ses bas, elle vivait autant pour elle que pour les autres. Elle essayait du mieux qu’elle le pouvait de prendre confiance en elle, en ses qualités et ses talents. Chantant à tue-tête dans sa chambre, elle respirait toujours plus. Ses crises de larmes persistaient pourtant, la poussant vers la tentation de replonger dans ces anciens vices. Alors, plutôt que de saisir un rasoir, elle attrapait un stylo et traçait un point virgule sur ses genoux, sur son poignet, démontrant ainsi la force qu’elle avait acquise et sa volonté de se battre pour retrouver le sourire.  
 
Et je sais qu’elle y arrivera, elle retrouvera un sourire bien plus pur et bien plus beau qu’avant. Elle déploiera ses ailes. On la verra rayonner de mille feux montrant sa vraie valeur, arrêtant de se renfermer sur elle-même. Je sais qu’elle en a le pouvoir. Alors, la souffrance s’envolera. Alors, elle se laissera aller, se fiant à son instinct.  
 
Alors, le vent la portera; et tout disparaîtra, oui, le vent la portera. 

Au Fil De La RoseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant