L'Or et l'Argent

Soirée entre filles (1)

Lisa

-C'est pas vrai, non ! S'exclame -encore- mon amie.

Je roule des yeux et m'arrête pour la troisième fois sur le trottoir pour attendre Emilie. Il n'y avait pas de place près du restaurant alors on a dû se garer sur un autre parking. Ça ne m'aurait pas dérangé si la blonde qui m'accompagne cessait de s'arrêter tous les cinquante mètres. D'autant plus que j'ai l'impression que les passants commencent à nous reconnaître derrière nos foulards et nos lunettes.

-Mais qu'est-ce qui t'arrives encore ? Souffle-je.

-Regarde dans quel état sont mes bottines ! C'est la catastrophe, je peux pas aller au restaurant avec ça, il faut qu'on rentre à la maison.

Je jette un coup d'œil à ses bottines et la seul tâche que je vois c'est un minuscule point noir d'environ 1 millimètre de diamètre.

-Tu me fais chier Emilie, c'est rien merde !

Ses yeux d'avantages jaune que vert me regardent sévèrement avant qu'elle ne se relève et me toise, hautaine.

-Écoute si tu aimes porter des affaires sales c'est ton problème mais moi je ne supporte pas, d'accord ? Je suis styliste bon sang ! On ne sera pas trop en retard si on repart maintenant.

Elle commence à faire demi-tour mais je lui saisie le bras pour l'arrêter. Elle va vite m'énerver à faire sa gamine capricieuse, parce qu'elle n'obtient pas ce qu'elle veut. Emilie a toujours été comme ça, il lui fallait tout et tout de suite sinon elle commençait à faire une crise. Avec le temps elle a apprit à calmer ses envies compulsives mais il lui arrive parfois de ne pas y parvenir.

-Mais tu te moques de moi c'est pas possible. Il n'y a presque rien là !

Je regrette d'avoir répondu aussi fort quand je croise le regard d'une petit fille qui marche sur le trottoir d'en face en tenant la main de sa mère. Emilie continue de défendre la tâche microscopique qui décore sa bottine pendant que la petite fille tire sur le bras de sa mère pour qu'elle s'arrête. Elle fait des grands signes dans notre direction mais sa mère est au téléphone et elle l'ignore, pour mon plus grand bonheur.

J'adore mes fans mais il y a certains moments où j'aimerai vraiment qu'ils soient plus calmes et indulgents.

-Tu m'écoutes, merde !?

Je sursaute et reporte mon attention sur le boule de fureur blonde qui me fait face.

-On doit aller au restaurant, vite.

Je commence à la tirer par le bras mais elle proteste, avec l'allure d'une petite fille qu'on force à sortir d'un magasin de jouet alors qu'elle n'a pas eu la dernière poupée Barbie.

-Je dois changer de chaussures !

-Les gens vont nous reconnaître, Emilie, alors tu t'actives et tu la ferme.

Elle tourne la tête dans tous les sens et se fige en voyant la petite fille qui continue de tirer sur le bras de sa mère en nous pointant du doigt, ce qui attire davantage l'attention des passants sur nous, qui font des messes basses en ralentissant leur marche. Ma meilleure amie replace correctement son foulard et me passe devant en me priant de me dépêcher.

J'hallucine.

Elle nous ralentit depuis une éternité et elle ose me demander d'aller plus vite. Du Emilie tout craché.

Nous marchons le plus rapidement possible, têtes baissées en tentant tant bien que mal de camoufler les symboles de richesses que nous portons, en direction du petit restaurant chinois à l'angle de la sixième avenue et Market Street.