Mamie Aquarelle

La nouvelle Anna

  La petite famille arrive à Lyon. Il est 18:00 et Anne-Sophie propose d'aller dîner au restaurant. Marguerite et Robert vont se préparer chez eux et Anne-Sophie, Fabien, Anna et Lilou vont à l'hôtel. Ils avaient réservé des chambres avant de prendre la route. Elle réserve une table dans un bouchon lyonnais pour 20:00. Anne-Sophie demande à Fabien de prendre une des chambres avec Lilou car elle souhaiterait être avec Anna dans la seconde chambre. Elle serait plus rassurée de la savoir à côté d'elle. De plus, elle aimerait discuter avec Anna. Bien sûr, Fabien accepte. Anna choisit sa tenue dans les nouveaux vêtements qu'ils ont dû acheter à Lons-le-Saunier. Des vêtements à sa taille et surtout à son goût ! Enfermée, elle portait soit des vêtements qui avaient appartenus à Judith soit achetés selon les goûts de Jean. Jean ! Où est-il maintenant et comment se passe son début de séjour enfermé à son tour? Est-ce qu'elle le reverra un jour? Et s'il s'évadait! Elle espère que non! Il doit y rester s'il veut être soigné !

-  « Anna ? Est-ce que tu es prête ?
-  Oui Maman. J'arrive. »

  Anna sort de la salle de bain. Sa mère la trouve belle !

-  « Anna! Tu es magnifique ! J'ai l'impression que tu as grandi !
-  Oui. Il me semble aussi... J'ai beaucoup grandi maman ! Je ne suis plus la petite fille du mois de juillet !
-  Je le vois. J'imagine que tu n'es plus tout à fait la même personne. Une part de toi a été volé ! Tu vas devoir te reconstruire. Et papa et moi, allons t'y aider.
-  Merci maman... je sais que vous êtes là pour moi.
-  Je pensais prendre un rendez-vous chez un psy. Qu'en penses-tu ?
-  Oui. Je crois que ça me fera du bien de consulter un professionnel.
-  Mais tu sais ? Je suis là si tu as besoin...
-  Merci maman... »

  Anne-Sophie remarque que sa fille parle de façon différente. Presque comme un automate ! Elle remercie beaucoup. Ses phrases sont concises. Est-ce lui qui voulait qu'elle soit comme ça ?

-  « Dis Anna... j'ai une question à te poser... mais c'est très délicat...
-  Je t'écoute maman... tu veux me parler de Jean ?
-  Oui.
-  Sache qu'il n'a jamais voulu me faire du mal. Au début, j'avais peur de lui. Mais j'ai appris à le connaître...
-  Justement ! Quels sont tes sentiments à son égard ?
-  Mes sentiments ?..
-  Oui... j'ai remarqué que tu étais rassurée de savoir qu'il allait dans un hôpital pour être soigné plutôt qu'en prison...
-  À vrai dire, je ne me suis pas posé la question. Je sais qu'il est en souffrance. Il m'aimait vraiment je crois...
-  Et toi? Est-ce que tu as senti quelque chose qui ressemblait à de l'amour ?
-  Parfois, ça m'arrive de penser à lui. Il était la seule personne que je voyais. Il me nourrissait et prenait soin de moi à sa manière. Mais non... ce n'est pas de l'amour ! Je m'inquiète pour lui, c'est vrai ! Il n'a pas eu de chance! Il a été mal aimé !
-  Il t'a fait du mal ! Il t'a enlevé à ta vie pour t'enfermer et si on ne t'avait pas retrouvé, tu serais encore là-bas peut-être !... (des larmes lui coulent le long des joues).
-  C'est sa mère qui voulait faire du mal ! Jean était différent...
-  Oui mais sa mère n'était qu'une image de son esprit... Elle n'existait pas... C'est Jean qui est malade ! Je lui en veux terriblement !
-  Je l'ai vue maman... sa mère, je l'ai vue!
-  Elle est morte!
-  C'est très compliqué à expliquer.
-  Je vois! Écoute... si tu le souhaites, je suis là...
-  Merci maman. »

  Anne-Sophie la serre fort contre elle. L'état de sa fille ne la rassure pas. Sa façon de parler. Elle est comme vide. Ici et ailleurs ! Peut-être que demain, en voyant le lieu de sa détention, elle changera d'avis. Fabien frappe à la porte. Et les filles sortent de la chambre. Il voit que sa femme n'est pas très bien. Il s'approche d'elle, la serre contre lui et lui glisse doucement à l'oreille un « Ça va? ». Anne-Sophie répond avec un sourire pas très convaincant qui signifie : « pas tout à fait, mais ça ira! ».
  Arrivés au restaurant, tout va mieux ! Le cadre est chaleureux. Ils se retrouvent dans une sorte de voûte en pierres comme dans un cocon. Le plafond est assez haut et pas du tout étouffant. Toute la famille se sent bien dans cet espace à la fois, sobre, sophistiqué et en même temps authentique. La soirée se déroule au mieux. Anne-Sophie a du mal à quitter Anna des yeux. Elle l'examine. Elle inspecte chacun de ses sourires. Elle veut voir si sa fille se sent bien ou pas... Elle s'inquiète vraiment pour son enfant enfin retrouvé !Elle sait qu'Anna ne pourra plus être sa petite Anna! Quelle épreuve elle vient de traverser ! Mais ce soir, tout va bien ! On s'en sortira !
L'heure arrive de se coucher. Anna se colle à sa mère comme pour la rassurer. Mais, même blottie contre Anne-Sophie, même heureuse d'être redevenue l'enfant de sa mère, Anna se rend compte qu'elle pense aussi à Jean. Qu'en est-il de ses sentiments ? Pourquoi pense-t-elle autant à lui? Sa mère a-t-elle raison de s'en inquiéter ? Et elle s'endort.
  Le lendemain, on ferme les valises après le petit déjeuner, et Fabien les conduit à Montrottier. Bien sûr la maison est fermée. Anna descend de la voiture. Et se dirige vers le portail. Un policier s'approche d'elle. Elle ne l'avait pas vu. Lui, était posté dans le jardin, à surveiller. Ses parents et Lilou la rejoignent.