Chapitre 21

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Quand j'arrive au cabinet, j'ai les mains moites, le cœur qui palpite. Ça me stresse toujours autant d'y aller même si je commence à m'y faire peu à peu. Parler à une inconnue n'est plus aussi compliqué qu'avant. J'ai l'impression d'avoir avancé, un peu, même s'il y a encore des choses dont je n'arrive pas à parler. Le Dr Carter me salua et m'invita à entrer dans son bureau. Je m'assis toujours à la même place, ce sentiment d'habitude me mit beaucoup plus à l'aise.

- Avant qu'on commence à discuter, j'aimerais savoir si tu as réussi à écrire les lettres dont je t'ai parlé.

- Seulement une, pour le moment.

- A qui s'adresse-t-elle ?

- Ma mère.

Avec un peu de recul, je pense que c'était la plus simple à écrire. Même si commencer n'a pas été facile.

- Qu'est-ce que tu as ressenti pendant que tu écrivais ?

- J'avais tellement de chose à lui dire depuis tout ce temps, toute ces choses que je gardais pour moi. Quand j'ai réussi à les mettre sur le papier c'était comme si je signais un contrat avec moi-même, pour que je sois enfin libre. Ça a été comme un déclic.

Je dirais même une révélation.

- Et après l'avoir écrite ?

- J'étais comme apaisée, c'est comme si elle avait été en face de moi et que j'avais pu tout lui dire. Je me suis débarrassée d'un ce poids qui grossissait au fil des années.

Cependant il est toujours là. Il prend juste un peu moins de place maintenant.

- Est-ce que tu accepterais de me la lire ?

- Je ne sais pas.

Ma lettre est si personnelle. C'est comme si je me mettais à nu devant elle.

- Ne t'inquiète pas je ne te forcerais pas à le faire. Mais quand tu y arriveras, tu auras fait un grand pas dans ta guérison.

- Comment ça ? demandais-je confuse.

- Me lire cette lettre signifiera que tu assumes enfin de ressentir des choses, que tu assumes d'avoir des faiblesses, que certaines choses te blessent malgré cette façade que tu t'imposes devant les gens.

Ces paroles me firent l'effet d'un électrochoc. Je n'avais jamais remarqué que quand je m'empêchais de montrer mes faiblesses, je m'empêcher d'avancer. Pour moi c'était simplement une façon de me protéger des autres mais en faisant ça je me nuisais moi-même.
Sans réfléchir je pris la lettre dans mon sac et la déplia, en silence.

Je pris mon temps pour calmer les émotions qui se bousculèrent dans ma tête. Je fuis le regard de ma thérapeute, j'essaye de me donner l'impression d'être seule. Que personne ne m'écoute.

Je fis le vide dans ma tête et commença à lire :

« J'ai commencé cette lettre des dizaines de fois mais je n'y arrive pas. Parler de toi me fait encore trop mal. Pourtant il le faut, tu mérites que je parle de toi sans avoir les larmes aux yeux, que je parle de toi le sourire aux lèvres. Mais pour l'instant c'est impossible car tu n'es pas là, et depuis je fais n'importe quoi. Tu n'es plus là, et c'est le « plus » qui me fait si mal. Et je ne m'y ferai sans doute jamais. Dès qu'arrive la date de ton départ, je ne suis plus la même. Les souvenirs que j'ai de toi me meurtris au plus profond de moi. Je ne te l'ai jamais dit mais j'ai toujours eu peur de me retrouver sans toi un jour. Je n'ai jamais osé imaginer ce que serait ma vie sans toi. Et quand ce jour est arrivé, je n'ai pas tout de suite réalisé. J'étais dans un état second. Dans un monde où tu étais encore là. Puis j'ai enfin réalisé que tu étais parti et là mon monde s'est effondré. Je me suis surprise à pleurer à chaudes larmes lorsque que j'avais besoin de toi et que tu n'étais pas là, un peu comme s'il me manquait une partie de moi. La plus importante. Et aujourd'hui j'ai toujours autant mal, d'une douleur incomparable, qui me tue toujours autant. Tu me manques, c'est tragique, ça pue, le manque pathologique, la maladie, ça pue le tabac, la drogue, toutes ces foutaises qui me détruisent, mais qui ne me détruiront jamais autant que ton absence, ça c'est inévitable.
J'aimerais pouvoir te dire à quel point je suis désolé, désolé de ne pas avoir vu la souffrance dans tes yeux, désolé que tu aies du vivre tout ça en silence. J'aimerais tellement revenir en arrière et échangé ma vie contre la tienne mais je ne peux pas et je dois vivre avec ça.

Let me love you! Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant