Début Mars 2015

5 1 0
                                    

La nuit était tombée il y a bien longtemps sur la grande ville de Saitama et le noir avait englouti toutes les chambres de l'hôtel. Le portable de Juliette, posé sur la table de chevet à côté de son lit, indiquait quatre heures trente du matin et des fourmis venaient de dévaler dans ses jambes jusqu'à ses pieds. Incapable de se rendormir depuis maintenant une heure, elle soupira, glissa ses jambes hors des draps encore légèrement humides puis s'étira doucement. Pour une fin de Février, Saitama n'était pas totalement glaciale, juste assez pour qu'elle se plaigne qu'il fasse froid et que Niall suggère quelques idées pour se réchauffer. Juliette étouffa un petit rire en le voyant froncer des sourcils. Elle n'était pas vraiment sûre de savoir comment il pouvait se rendre compte qu'elle quittait le lit alors qu'il dormait mais il lui faisait toujours le même coup et à chaque fois, elle étudiait avec précaution la possibilité de se recoucher. Cette nuit-là, Juliette choisit de le laisser inconsciemment bouder dans le grand lit et de sortir explorer l'hôtel avant qu'elle ne devienne folle. Elle pensait que marcher, prendre l'ascenseur, se dépenser finirait par épuiser le peu d'énergie qu'elle avait et elle remonterait ensuite se coucher, pour finalement s'endormir. Du moins, elle l'espérait vraiment fort.

Dans les couloirs de l'hôtel, la lumière chaude l'enveloppa d'un certain sens de confort qu'elle traîna autour d'elle tout en resserrant le sweat qu'elle avait piqué dans le sac de Niall autour de son buste. Ses jambes la portaient là où elles en avaient envie, sans qu'elle n'ait à réfléchir et c'était aussi bien comme cela. Perdue dans le tissu molletonné bleu marine, elle tira sur le bord pour le rabattre correctement contre ses jambes. Elle se doutait bien que personne ou presque ne serait debout à cette heure mais elle ne voulait pas tenter le diable. Elle n'avait pas envie de faire face à quelqu'un du staff alors que le sweat de Niall recouvrait à peine ses fesses. Tant qu'à faire, elle préférait raser les murs et ne pas se faire voir.

Il y avait un certain sentiment de tranquillité dans le fait de marcher dans un hôtel, en pleine nuit. C'était la pénombre et le calme qui l'entouraient qu'elle aimait le plus dans son escapade nocturne, le silence dans lequel elle baignait était assez réconfortant, finalement. Tout ce qu'elle avait eu dans la journée, c'était le bruit : les téléphones qui sonnent, les mots qu'on échange ou qu'on crie pour se faire entendre, les roadies qui montent et démontent la scène, les malles qu'on fait rouler, les cordes de guitare grattées, les vocalises, les balances, le sèche-cheveux de Lou et puis les cris des fans, les basses sourdes de la musique, jusqu'au ronron des vans quand on retournait à l'hôtel. Toute la journée n'était que bruits et vacarme incessant. C'était agréable de se promener dans un si grand endroit dans le silence le plus complet. Le seul bruit qu'elle pouvait discerner était le faible ronflement de la climatisation. Pieds nus, elle laissa le bout de ses doigts courir sur le mur à sa gauche et prit le temps de respirer correctement. Il faisait définitivement plus frais dans le couloir que dans son lit et elle tira sur les manches du sweat pour recouvrir ses mains. Juliette allait bientôt atteindre le bout du hall, où elle pourrait trouver un petit lobby avec des sofas et des fauteuils, installés face à une immense baie vitrée qui donnait une vue imprenable sur la ville de Saitama. Elle savait qu'elle pourrait s'écraser sur un sofa et regarder la ville avant de retourner se coucher.

Néanmoins, elle fut largement surprise de constater que quelqu'un avait déjà investi le lobby et elle aurait reconnu sa silhouette même s'il était des dizaines de mètres plus loin. Penché sur un carnet, un crayon à papier tournant entre ses doigts, tout ce qu'elle pouvait distinguer était l'encre foncée qui décorait ses bras. Le bruit de ses pas était feutré par la moquette douce qui recouvrait le sol, le faisant sursauter quand elle s'installa à ses côtés, sur le sofa. Il s'était assis au sol, le dos contre le bord du petit canapé. Juliette passa une main dans ses mèches longues, grattant doucement son cuir chevelu du dos des ongles, le faisant grogner doucement. Il leva les yeux de son carnet, observant le ciel en face d'eux et laissa échapper un reniflement.

-  Hey, ça va ? s'inquièta-t-elle.

Les doigts toujours emmêlés dans ses mèches, elle le sentit secouer doucement la tête, de droite à gauche, signifiant que non, il n'allait pas bien. Et comme si l'aveu même de son mal-être l'avait libéré d'un poids, un petit sanglot se glissa entre les parois de sa gorge serrée.

- Hey, je suis là, parle-moi, souffla-t-elle doucement, étendant son bras pour entourer son crâne et poser sa joue sur ses cheveux foncés. Parle-moi, Zee.

Zayn haussa les épaules. Il n'avait aucune idée de ce qui n'allait pas. Ses larmes n'avaient pas cessé de rouler sur ses joues depuis une bonne heure maintenant et il se forçait à être le plus discret possible. Il ne savait pas pourquoi il était dans un tel état mais tout ce qu'il savait, c'était que ça faisait un mal de chien.

- Tu peux pas rester comme ça, Zee. Il va falloir qu'on en parle, tu peux pas tout garder pour toi. Les garçons sont là pour toi aussi, tu sais ?

- Je sais, soupira-t-il d'une voix rauque et abîmée par les larmes. Même Niall est inquiet, finit-il par lâcher, un peu incrédule.

- Tu sais que Niall t'aime, peu importe le bazar qu'on a mis tous les deux.

- Je sais, répéta-t-il. Mais je m'en veux toujours pour ce que je lui ai fait subir. Et ce que je t'ai fait endurer.

- Je t'ai pardonné, Zee. C'est à toi de te pardonner, maintenant.

- C'est plus facile à dire qu'à faire. Et je sais que tu es heureuse avec lui. Je sais que tu l'aimes et qu'il t'aime bien plus que je ne pensais être possible d'aimer quelqu'un.

- Mais ... ? Il y a un « mais » qui arrive, Zee. Parle-moi, supplia-t-elle une nouvelle fois.

Les yeux bruns délavés de Zayn se levèrent de son dessin et de la vue urbaine face à lui pour se porter sur Juliette. La jeune femme n'eut pas besoin de plus d'explications. Le « mais » était clair, il l'avait toujours été, finalement. Si Zayn avait été plus courageux, il aurait pu le dire, avec des vrais mots, ceux que Niall était capable de dire. Ceux que lui n'avait pas le droit de prononcer. « Mais une petite partie de mon cœur t'appartient toujours ».

Juliette soupira et laissa sa main glisser sur le torse de Zayn pour le réconforter. Quelque part, il y aurait toujours cette sensation d'histoire non-finie entre eux, ce goût amer du « Et si .. ? » que Zayn n'arrivait pas à faire passer. Et ce qui lui faisait le plus de mal, c'était peut-être que Juliette avait réussi, elle. Elle avait trouvé en Niall la moitié d'une paire parfaite, elle avait trouvé quelque chose qui était trop fort pour être teinté par ce goût d'inachevé. Zayn n'avait pas ça avec Perrie. Il ne l'avait pas avec sa fiancée.

Réduisant un nouveau sanglot nerveux à un silence relatif, il déposa sa joue sur la cuisse nue de la brunette, la laissant jouer avec ses cheveux pour le réconforter. Il ferma les yeux, tentant de faire passer son malaise. Du coin de l'œil, Juliette jeta un regard sur le carnet de Zayn, s'attendant à y trouver une vue de la ville de Saitama.

Elle n'y trouva qu'un panorama de Bradford, vu de sa chambre.

Stone On Fire | The Journey of NulietteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant