Stone On Fire | The Journey of Nuliette

1er juillet 2015

L'atmosphère feutrée de la salle était pesante, que ce soit sur les épaules de la troupe ou sur celles de certains membres du public. Assis en plein milieu de la salle, le petit groupe formé par des célébrités qui n'auraient jamais dû se retrouver là faisait jaser autour de lui. Pour quiconque ne serait pas très bien informé, il n'y avait aucune raison pour que les boysbands le plus en vogue du moment soient assis là, sur les fauteuils bordeaux en velours du théâtre. Mais ils étaient là et tentaient de se cacher derrière des programmes pour se faire tout petit. Ils étaient tous là, en fait. Y compris des garçons dont le look n'allait pas du tout avec le caractère solennel du ballet. Une vieille dame au chignon relevé et collier en perles avait froncé des sourcils en apercevant le piercing à l'arcade d'un jeune homme assis là, engoncé dans son sweat trop large. Son voisin n'était pas beaucoup mieux, avec son anneau accroché à la lèvre inférieure et sa veste en cuir. Dieu sait comment elle aurait réagi si elle avait vu qu'un troisième membre du groupe de jeunes portait des converses déchirées et trouées ...

Mais ils étaient là. Tous.

Y compris le plus perdu de tous, qui avait choisi de s'exiler pour ne pas créer d'histoires. Seul avec son programme, au dernier rang du théâtre, Zayn patientait en tentant de ne pas regarder devant lui, de ne pas voir la rangée pleine de ses anciens compagnons. Silencieux et calme, il tâchait de se concentrer sur ce qui allait arriver. Mais c'était sans compter sur la main qui venait de tapoter son épaule.

- Is this seat taken?

Zayn secoua la tête de gauche à droite, le regard absorbé par son programme en papier glacé. Et puis quelque chose s'enclencha dans son esprit. Quelques sons qui avaient été prononcés n'étaient pas exactement habituels. Ou du moins, ils ne l'avaient pas été depuis un moment. Levant le regard, il rencontra des prunelles brunes et une tignasse de cheveux bouclés.

- Hey mate, souffla Danielle.

- Hi, Zayn murmura.

- I won't ask if you're okay, you're obviously not, but I figured you shouldn't be left alone like this. And we're both trying to avoid some people tonight.

Zayn hocha la tête. En effet, il n'appréciait que moyennement la solitude qui était arrivée avec sa décision de quitter le groupe. Il avait reçu quelques messages mais il avait été incapable, émotionnellement, d'y répondre. Depuis, il subissait un silence radio des plus pesants.

De son côté, la blonde tâchait de se concentrer. Elle était en train d'enrouler un sparadrap épais entre ses orteils, première étape de sa longue préparation pour supporter les pointes tout au long de sa prestation. Viendrait ensuite la petite chaussette épaisse, juste sous ses voûtes plantaires, puis le coton, puis les collants, puis les chaussons. Tout cela était maintenant une habitude, alors que son partenaire, à côté d'elle, tentait d'ajuster le haut de son justaucorps. Juliette ne s'était pas vraiment liée d'amitié avec lui, il était distant et plutôt froid, probablement un de ceux qui pensaient qu'elle ne méritait pas sa place ici. Ils avaient travaillé lors de séances communes pour mémoriser et parfaire la chorégraphie mais ils ne s'étaient jamais retrouvés en dehors des heures de travail pour faire connaissance ou du moins pour s'entraîner un peu plus. Ils se donnaient rendez-vous à l'école, dans une salle avec un professeur pour les encadrer, et se quittaient quelques heures plus tard, se souhaitant cordialement une bonne fin de journée. Juliette avait essayé, à certains moments, de tisser un lien, en vain. Les réponses étaient courtes, lointaines, puis les questions étaient balayées d'un revers de main, comme si elles n'importaient que peu. De son côté, il n'avait jamais demandé quoique ce soit. Cependant, elle avait noté que son nez se retroussait légèrement quand son portable sonnait avec cette sonnerie spécifique qu'elle avait attribuée à Niall. Au départ, il ne disait rien. Puis un jour, il lui avait tendu son portable quand il avait sonné et il avait vu l'expéditeur du SMS. Depuis, il savait que la sonnerie courte de son téléphone correspondait à un message de son compagnon et il n'appréciait que moyennement l'échange. Au bout de quelques jours, Juliette avait mis son portable sur silencieux et tentait d'ignorer au maximum les messages qu'elle pouvait recevoir.