La Mort drague (mal) (12)

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PDV Karma :

Je ne me remémorais seulement très rarement du visage et encore moins couramment du nom de ma victime, mais ce jeune couple m'avais un minimum marqué. Ils avaient l'air de gens bien et tout ce qu'il y a de plus respectable, je me souvenais même avoir hésité un instant avant de tirer dans leurs jugulaires. C'était également la première fois que je laissais une enfant orpheline. A peine le sang eut-il giclé qu'une gamine avait accourut, épouvantée. La peur de me faire démasquer avait pris le dessus, accompagné d'un troublant sentiment de honte et j'ai pris congé du pathétique spectacle dont j'étais l'unique responsable.

La sensation de ne jamais rien comprendre avait, je pense, finis par devenir une habitude. Aussi, je fus bien moins ébranlé par l'odieuse nouvelle, mais je ne pus tout de même pas soutenir le regard inquiet de la fillette lorsqu'elle se tourna vers moi. Je cherchais du réconfort dans les yeux, mais Akira s'était éclipsé je-ne-sais-où, et Nagisa m'adressa un sourire amèrement désolé, d'une sincérité mal exprimée. Je n'osais pas affronter son regard à lui aussi, dévasté à l'idée d'y trouver de la haine ou du dégoût. 

La petite demanda où était "copain Akira", à qui elle semblait vouer un attachement enfantin. L'androgyne désigna du doigts une pièce à la porte entrebâillée au fond de l'appartement, dont on entendit un "merdouillette" jaillir suite à un bruit fracassant. Miu s'y précipita et minauda "pas de gros mot, je suis petite", et Nagisa se leva.

Peut-être était-il encore alcoolisé, sans doute, quel merdeux, bref; il vint s'affaler dans mon fauteuil, ou précisément sur moi.

- J'ai mal au crâne, se plaignit-il.

Sa douce odeur me provenait. Je m'imaginais quelques secondes plonger mon nez dans ses cheveux pour me droguer avec mais détournais la tête, gêné.

- J'suis pas une chaise, grimaçais-je.

Mon cœur rata un battement quand il se retourna pour me fixer de ses deux océans. Un sourire moqueur naquit sur ses lèvre et il se mit sur ses pieds, à ma plus grande peine :

- Tu as raison, une chaise, ça bande pas, lança-t-il en allumant un poste informatique.

J'étouffai un juron et pris stratégiquement la fuite.

PDV Nagisa :

Karma sortit de la pièce, je ne retenais plus un rire nerveux. Jouer au gars encore saoul avait été un jeu d'enfant, et idéal pour tester les réactions de mon ami.

Alors ça y était, j'avais enfin pu savoir ce que ce mec ingrat ressentait pour moi. Bon, ce n'était pas DU TOUT le scénario auquel je rêvais adolescent, mais c'était mieux que rien, non ? Au moins j'y voyais désormais bien plus claire. Enfin, ce n'était qu'une stupide impression, parce qu'au final j'étais encore plus embrouillé.

Depuis toujours, on ressemblait à deux funambules. Notre fils était si fragile qu'il menaçait de rompre à chaque instant que l'on passait ensemble. Parfois, l'un de nous arrivait à faire quelques pas vers l'autre, mais une secousse agitait dangereusement notre drôle de relation. Alors on faisait tout pour ne pas tomber, se rattrapant piteusement à ce fils. Un jour, il s'est approché trop près, trop vite. Du coup, on est tombé.

Aujourd'hui encore j'espère lui avouer mes sentiments. Mais c'était compliqué, quand on est faible et lâche au point de s'en aller quand quelque chose va trop rapidement. J'essayais de me résonner en me disant "pas tout de suite". C'était vrai, on ne pouvait pas bâtir un couple sur ces bases, il fallait tout recommencer, ou aussi tout finir : démolir cette société, lui avouer qu'il m'avais par le passé fais peur avec sa demande si brutal, repartir de zéro.

Dans Mon ViseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant