Chapitre 30

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« Ne me regardez pas comme ça.

Je suis pas d'humeur à me battre, d'accord ? De toute façon je suis trop fatigué pour ça. C'est sympa que tout le monde s'entretue, mais là, je veux juste parler, pigé ? Juste parler. A la rigueur, je vous tuerai après, si je suis moins shooté... Shooté au désespoir, bien sûr !

Mais en attendant on va dire que je vous accorde un sursis, alors remerciez-moi, asseyez-vous, mettez-vous à l'aise, j'en ai pour un petit bout de temps. Et arrêtez de tripoter votre pantalon, c'est pas discret. On dirait que vous vous branlez.

Ah, voilà, j'ai votre attention. Parfait. Je me lance...

J'aimerais commencer cette histoire par "il était une fois", mais nous savons tous les deux que c'est pas un conte de fées. Alors on va plutôt dire "à Laffiera", ça laisse moins d'espoir, ça pose direct le cadre. "A Laffiera", ouais, ça sonne mieux. Ça revient à dire... hum... laissez-moi trouver les mots exacts... Oh, j'ai trouvé : "au pays des brutes, des hypocrites, parfois les deux, mais des putains de monstres dans tous les cas". J'aime bien !

Enfin après, je pourrais aussi dire "aux Gritants", mais... De nos jours, les cadavres, y en a dans toute la ville – surtout ceux de gosses à Vieufaune, n'est-ce pas docteur ?

Oups, excusez-moi, on dirait que j'appuie sur un point sensible ! Je pensais pas que même l'arrogant Saïd Denn avait un coeur... Peu importe. De toute façon c'est pas le vôtre, le sujet, mais le mien.

A Laffiera, donc, il y avait un prince et une princesse. Le prince, vous l'aurez deviné, n'est autre que votre... "dévoué serviteur" Ikare Dussant. Un nom pareil, avouez que ça en jette pour un prince charmant, non ? La princesse s'appelait Oriane Souaignot. C'était la plus belle femme du monde, mais un docteur totalement débile l'avait prise pour une idiote qui pensait qu'à ses règles – sérieux, vous l'avez crue ? faut vraiment être un incapable pour gober des conneries pareilles !

Ce prince et cette princesse s'amusaient drôlement bien dans leur petit château, avec tous leurs amis de l'Organisation. Ils enchainaient séances de torture et meurtres, c'était la belle vie... Surtout quand ils ont tué la fille du docteur débile. Oh oui ! un vrai plaisir de défoncer sa tronche de gamine qui se croit supérieure à tout ! Elle ressemblait trop à son minable papa.

Ne gardez pas les yeux baissés comme ça : on dirait que vous allez pleurer, sérieux ! Je ne voulais pas vous blesser mais... Entre amis on peut se dire les choses franchement, non ?

Alors je vais être franc avec vous, docteur : à l'Organisation, ils font des fous des tueurs en série. Et moi, je suis fou, alors logique, ils m'ont vite foutu du sang sur les mains. Je ne me contrôle pas, vous voyez ? Mais avec eux, pas de problème, ils le font pour moi : j'ai qu'à faire le dingue, ils se chargent du reste ! Mettez-vous en travers de leur route, et ils me lâcheront sur vous !

Mais si le prince était un gros malade, alors la princesse était encore pire, croyez-moi ! Elle aussi elle adorait ça, peut-être même encore plus que son amant. Elle avait aucune pitié, oh que non ! Surtout quand elle avait bu avant ! Oh oui, c'était une vraie merveille... Une vraie tueuse... Si belle qu'avec elle, le prince perdait toujours les pédales...

Hé, regardez-moi quand je vous parle ! Baissez pas les yeux ! Si c'est la peur qui vous fait ça, dites-vous que j'ai même pas abordé le plus drôle. Alors gardez ça pour plus tard, mon cher docteur : je veux pas vous entendre hurler avant la fin, ça vous empêcherait d'entendre le meilleur.

Bon, je disais ? Ah, oui...

Le prince et la princesse, donc, s'amusaient bien. Ils foutaient le bordel autour d'eux. Si vous saviez ce qu'ils avaient fait tous les deux... Oh, docteur, si vous saviez...! Si vous étiez au moins capable d'imaginer...!

Mauvais RêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant