J'étais en voiture avec mes deux parents. On allait voir mon Elixir d'amour, Lixir pour les intimes. C'est le poney le plus extraordinaire qu'il m'est été donné de rencontrer. Sa robe baie avec juste une étoile blanche sur la tête et une crinière de jais, est la plus belle que j'ai jamais vue. C'est peut-être l'amour qui parle, je le vois parfait, ignorant tous ses défauts. Oh mais suis-je bête, je présente mon poney sans me présenter moi. Je m'appelle Typhaine, j'ai 15 ans et je suis en seconde. Je suis assez petite, 1m57 précisément, l'avantage c'est que tout le monde baisse les yeux quand je parle. Respect hein ? Je tire mes deux yeux bleus de ma mère et mon blond de mon père. Je ne vais pas me décrire plus que ça, vous me découvrirez moi et mes chevaux lorsque je vous raconterai mon histoire. Oui, voilà pourquoi je suis là avec vous, pour vous racontez mon histoire, si vous voulez bien l'entendre.
Je disais quoi déjà ? Ah oui, tout a commencé alors que j'étais en voiture avec mes parents. On allait voir Lixir pour lui donner son cadeau d'anniversaire, pleins de pommes et de carottes coupées. J'ai essayé des fruits différents mais il a refusé d'en avaler la moindre bouchée. Mon poney est courageux n'est-ce pas ? Ou difficile ? Ou les deux. Le téléphone de ma mère a sonné, tout s'est enchaîné très vite, mon père a fouillé dans son sac pour lui trouver, il le lui a donné et à peine elle avait décroché son regard de la route qu'un immense camion à quatre phares nous a percuté de plein fouet. Puis plus rien, le noir, le silence.
On m'a dit plus tard que ma voiture avait dévaler la pente. Elle a dû être bien amochée, tout comme les personnes à l'intérieur. Quand j'ai rouvert les yeux, j'étais dans un lit avec des draps tout blanc, les néons de la pièce m'éblouissaient. Je pensais me sentir bien, jusqu'au moment où j'ai ressenti un léger tiraillement de ma hanche à mon genou, puis c'est devenu une légère douleur, puis une bonne douleur, puis une douleur insupportable et enfin une torture. Je me rappelle qu'à ce moment là un cri m'a échappé, j'ai vu trois ou quatre infirmières arriver, puis plus rien, à nouveau le noir et le silence.
Quand je me suis réveillée pour la seconde fois je me sentais très raide, surtout au niveau de ma jambe gauche, c'était différent, j'avais mal, mais ça restait supportable. Un docteur est venu me voir dès mon réveil.
« Papa, maman, accident, voiture, coma, décédé, barre de fer, jambe, opération ».
Voilà tout ce dont je me rappelle de la conversation.
Je souffrais, oui, mais j'étais aussi pleine d'incompréhension. A ce moment je ne comprenais pas pourquoi j'étais là, ce qu'il s'était passé... Et je ne savais pas que ma vie allait être changée à jamais. Je ne savais pas que ma vie serait brisée, que mon cœur le serait tout autant et que ma jambe gauche n'était en état que grâce à cette foutue barre.
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On m'a dit et je cite : « L'équitation c'est terminé ».
Donc, on récapitule, j'ai perdu ma mère et mon père dans un accident de voiture, j'ai une barre de fer dans la jambe car mon fémur est hors d'usage, j'ai 2 mois coincée dans cet hôpital puis 2 autres en rééducation et en plus je perds mon poney ? J'ai une question : il me reste quoi dans la vie au juste ? Et vous savez quoi ? Je l'ai posée et on m'a dit je cite encore : « Vous avez au moins la chance de pouvoir encore vous plaindre ». J'ai foutu une claque à cet infirmier de merde et je me suis faite une promesse : Je remonterai à cheval, je retournerais sur les carrés de dressage, et vous savez quoi, j'irai au plus haut, j'accomplirai mon rêve le plus fou ! Même si je me suis toujours dit que c'était impossible, et ça l'est, je réaliserai l'impossible.
Je le ferai pour moi mais aussi pour eux. Ils me manquent. Mes parents... Je regrette tellement, je regrette de ne jamais leur avoir assez dit que je les aimais. Je n'arrive pas a me faire à l'idée que je ne les verrais plus. Jamais... J'ai l'impression d'avoir perdu mes modèles, mes exemples. Même si je leur parlais peu à cause de leur travail et que je ne leur livrais jamais mes problèmes personnels, je les aimais. Je les aimais de tout mon cœur. Sincèrement. Et je ne leur ai jamais réellement dit. Je pensais que j'aurais toute ma vie pour le dire, je me suis trompée. Surtout, ne faites pas les mêmes erreurs que moi, dites leur que vous les aimez ! Dites à tous vos proches à quel point ils comptent pour vous ! Comme ça vous n'aurez aucun remord. Juste la douleur causée par la perte des êtres chers.
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Je suis venue à bout du premier mois de rééducation, je vois le kiné tous les jours sauf le dimanche de 15 heures à 16 heures. Mais au lieu de me limiter à ça, je répète tous mes exercices deux heures tous les matins et une heure le soir. Je guérirai plus vite, et plus vite j'irai mieux, plus vite je remonterai à cheval et plus vite je prouverai au monde que je suis toujours là, que je suis une battante !
« Est-ce que vous avez mal quand je fais ça ?
C'est un euphémisme.
- Pas le moins du monde dis-je avec un grand sourire
- On peut passer à l'étape supérieure ! Debout, sans les béquilles
Je ne peux pas, je vais m'écrouler, j'ai mal. C'est le prix à payer si tu veux remonter un jour à cheval ma vieille, bats-toi, bats-toi pour ce que tu veux vraiment, donne-toi à fond et ne regrette jamais. Tu as déjà bien assez de regrets.
Je secoue la tête comme pour faire partir les démons qui me hantent et me lève. Je me retiens d'hurler de douleur. Si proche du but.
- Facile ! Je fais quoi maintenant ?
Il me montre le bout du couloir d'un signe de tête. Ok on respire, Lixir c'est pour toi, pour nous ! Je me force à marcher presque normalement jusqu'au bout du couloir. Je souris et me retourne.
- Vous avez vu ? Je progresse vite
- Trop vite... »
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Aujourd'hui, ça fait 4 mois que je viens ici tous les jours pour de la rééducation, oui ça a duré plus longtemps que prévu mais je me sens d'attaque pour remonter Elixir. La douleur est supportable dirons-nous. D'ailleurs en parlant de Lixir, ma tante vient d'arriver pour m'emmener directement le voir.
Je vais vivre avec elle maintenant. J'ai toujours beaucoup aimé ma tante mais là je me sens incapable de lui parler, de la regarder. Ce n'est ni ma mère ni mon père, elle ne le sera jamais, et c'est avec eux que je veux vivre. Pas elle.Je vais admettre un truc que vous me verrez plus jamais dire durant le restant de ma vie : j'ai peur. Peur de revoir Elixir après tout ce temps, Lilou ma meilleure amie, mon coach Aurélien et surtout Raphael, on était super proches, et puis j'ai plus donner de nouvelles, j'ai cru qu'il serait bon de couper les ponts avec mon ancienne vie mais je replonge désormais à pieds joints dedans... Ils vont me faire payer de les avoir abandonnés et je le sais.
Ok, ça y est, trop tard pour faire demi-tour. Je descends vite de la voiture, un peu trop vite d'ailleurs car ça m'arrache un léger gémissement de douleur et une belle grimace. Je me redresse et regarde ce qui s'offre à moi, je sens le vent souffler sur mes épaules découvertes, mes cheveux voler, je rentre dans les écuries et je le vois enfin, lui.
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Poney d'une vie
Teen Fiction« Je me suis faite une promesse : Je remonterai à cheval, je retournerais sur les carrés de dressage, et vous savez quoi, j'irai au plus haut, j'accomplirai mon rêve le plus fou ! Même si je me suis toujours dit que c'était impossible, et ça l'est...