On passe à table en silence. Je suis assise en face de Raphael et aucun de nous deux ne parle. Je sais que l'on se regarde tous les deux l'un après l'autre mais sans jamais croiser le regard de l'autre. Pensez que je suis niaise si vous voulez mais ça me brise de savoir à quel point nous étions proches et maintenant de nous voir incapables de se regarder en face et d'aligner 3 mots.
Aurélien essaye de faire progresser la conversation mais seul Raphael répond. J'écoute juste. En fait, notre coach nous raconte une nouvelle fois comment il est devenu champion de France Pro Elite de CCE et à quel point il regrette d'avoir quitté sa famille et sa copine pour sa carrière quand il avait notre âge. Ça a le mérite de me mettre très mal à l'aise, et ce n'étais rien comparé à ce que je ressens quand Raphael ouvre la bouche.
« Ici c'est plutôt dans l'autre sens.
Aurélien le regarde sans comprendre pendant que je me concentre sur mon assiette toujours pleine.
- Elle part, sans un mot, sans une explication, sans pitié, sans conscience, sans sensibilité, sans sentiments, sans cœur !
Plus il continue son énumération plus il parle fort. Quand il prononce le mot « cœur » je lâche ma fourchette d'un coup dans mon assiette et me lève d'un coup. J'attrape mon téléphone et mes écouteurs et sors dehors sans un mot.
Je sais que j'ai fait des erreurs ! Je ne suis pas la première et je ne serais pas la dernière à en faire. Mais je n'ai pas besoin qu'on me les rebalance dans la gueule toutes les deux minutes. Vous allez dire que j'en fais trop mais c'est un enfer. C'est un enfer de revivre en boucle les pires erreurs de ta vie. Je me les rappelle suffisamment seule je n'ai besoin de personne pour ça. En fait, je crois qu'il n'y a qu'à cheval où je suis libre. Où ma tête est libérée de tous mes maux, de tous mes démons, et de toutes mes souffrances. Il n'y a qu'à cheval où je me sens bien, qu'à cheval où je me sens pousser des ailes, où je me sens capable d'aller plus loin, plus haut et d'être la meilleure possible. Il n'y a qu'a cheval où je me sens capable de repousser mes limites jusqu'à mon point de non retour. Ce jour là, je saurais que j'en aurais trop fait, mais je ne regretterais rien car j'aurais profité de ma vie, de mon bonheur, de ma passion et de mon temps.
Je rentre plus de deux heures plus tard. Aurélien me passe un savon mais je n'entends que des bribes, « dangereux de partir seule... insensée... tu nous as fais peur... » c'est tout ce dont je m'en rappelle. Je suis comme à demi-morte dans mon corps à demi-vivant. Je monte sans un mot dans ma chambre. J'attrape mes affaires dans mon sac et part me doucher. Les larmes qui roulent sur mes joues se fondent à travers l'eau qui coule de la douche. L'eau très chaude soulage mes muscles et me les détends. Mais au fond je suis toujours aussi crispée, j'aurais beau prendre une douche bouillante, je resterais toujours gelée à l'intérieur.
Je sors de la douche, met mon pyjama et retourne à la chambre. Je m'allonge sous la couette et essaye de trouver le sommeil. Je me laisse emporter dans le monde des ombres, des cauchemars et du noir pour échapper à la dure réalité parfois bien pire que le plus horrible des cauchemars.
Je me réveille à 1 heure du matin. Je décide de descendre à la cuisine pour boire un peu. En remontant les escaliers je tombe nez à nez sur Raphael. J'allais crier de surprise mais il me fait signe de me taire. Et pour une fois dans ma vie j'obéis. Il m'attrape la main et m'emmène dans sa chambre. Je sens mes joues rougir à son contact mais il me refroidit directement en me lâchant à peine la porte passée et en me parlant froidement.
« Qu'est-ce que tu faisais ?
- Je te retourne la question.
- J'ai demandé en premier.
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Poney d'une vie
Novela Juvenil« Je me suis faite une promesse : Je remonterai à cheval, je retournerais sur les carrés de dressage, et vous savez quoi, j'irai au plus haut, j'accomplirai mon rêve le plus fou ! Même si je me suis toujours dit que c'était impossible, et ça l'est...