Poney d'une vie

57. Stage fédéral (2/2)

Je sens une main se poser délicatement sur mon épaule mais je décide d'ignorer cette intrusion dans mon espace personnel et me retourne pour essayer de retrouver le sommeil. Cette main insiste et s'accompagne même d'une voix assourdissante.

« Typhaine ? Faut te lever là ton poney ne va pas attendre son déjeuner pendant deux heures, il est 9 heures là »

J'ouvre les yeux d'un coup et me redresse brusquement.

« Oh mon dieu il va me détester ! C'est à 8 heures le petit déjeuner ! Je dois aller le nourrir. »

Je me lève en chancelant. Wow, fallait me prévenir que la terre tournait comme ça. Raphael me force à me rassoir.

« Je l'ai nourri ton stupide bestiot tinquiète pas, même s'il avait l'air très déçu de me voir et de très mauvaise humeur.

- Pourquoi ça ? »

Il me tend son bras où je distingue les marques des dents d'Elixir. J'éclate de rire. Lixir n'a jamais aimé Raphael les deux sont en constante guerre ce qui m'amuse beaucoup.

« Plus jamais je le nourris pour toi cette enflure. »

Il s'assoit à côté de moi et me prend dans ses bras.

« Je t'ai entendue te lever cette nuit, tu fais encore des cauchemars ?

- Oui... Chaque nuit je revois l'accident se produire, encore et encore. Ils me manquent tellement Raphael si tu savais...

- Je sais..

- Pourquoi ça fait toujours aussi mal qu'au début ? Après un an et demi ? Pourquoi la douleur ne s'estompe pas ? On ne dit pas que le temps répare tout ? Pourquoi le temps ne répare pas mon coeur ? Pourquoi ?

- Il faut plus de temps encore... Tu es tellement brisée Typhaine. Laisse toi le temps d'aller mieux.

- J'en peux plus d'attendre et de me laisser le temps ! Je veux que ça s'arrête. »

Je me mets à pleurer dans ses bras pendant qu'il me caresse les cheveux. Je me détache de lui, j'ai assez pleuré, je vais me relever maintenant, et je vais affronter mon destin.

***

« Touche-le avec ton stick la dans le ferme à ferme. Voilà très bien, tu sens comme le postérieur est bien passé dans la transition Diana ? Toi Raphael je veux un peu plus de mouvement en avant dans l'appuyé. Comme ça exactement. Alexi incurve-le un peu plus que ça dans ton appuyé, il ne faut pas trop de pli certes mais il ne doit pas être droit. »

Je commence mes allongements au trot sur les grandes diagonales de la carrière où Elixir se montre très expressif.

« Remonte lui un peu la tête Typhaine, il s'est un peu renfermé, on veut toujours la nuque point le plus haut. Refait, garde le dans la même attitude qu'au trot rassemblé. »

Je reprends la diagonale suivante en le forçant à donner la même qualité d'allure et d'amplitude que dans le premier tout en conservant une attitude plus haute et surtout plus juste. Je caresse après ma transition et reprend cet exercice quelque fois jusqu'à encrer dans ma tête ces sensations plus juste.

Je continue le travail sur quelques voltes et appuyés, puis j'attaque le sujet qui fâche : les épaules en dedans.

« Ok, Typhaine pas plus d'angle que ça dans l'épaule en dedans, elle est suffisamment sortie, par contre on veut plus d'incurvation dans tout son corps, oui voilà c'est ça, mais dans la même attitude que sur le reste des exercices, mieux ! Continue comme ça, et surtout, essaie de le garder régulier, même angle, même attitude, même incurvation, même rythme. »

Après encore trois quarts d'heure d'intense travail pour nous et nos poneys. Le coach prend de nouveau la parole.

« Aller c'est bien, on a terminé, ce que vous m'avez montré là ? C'était très bien, c'est ça qu'on veut dans 15 jours en Pologne. »

On se regarde tous les 5, heureux et fatigués, fiers de poneys et prêts à se battre aux Europe. Nous sommes unis, nous sommes une équipe, et ensemble nous irons loin je peux vous l'assurer.

***

J'enlève les bandes de repos d'Elixir pour les remplacer par ses guêtres de transport, nous embarquons les deux poneys et prenons la route de nos écuries. Raphael et moi avons des étoiles plein les yeux et nous allons nous dépasser pour être encore meilleurs. Les poneys sont au top de leur forme et nous offrent chaque jour un peu plus, ils sentent l'échéance arriver. Et après ça, plus rien ne sera jamais pareil.

Biens arrivés aux écuries, je descends mon poney du camion et le rentre dans son box confortable ou sa ration l'attend. Il se jette dessus pendant que je m'assure que tout va bien avant de vider le camion et de prendre le chemin de chez moi.

Je n'ai pas pu cacher ma surprise quand j'ai vu que ma tante était toujours dans le salon et qu'elle m'attendait. Elle me prend dans ses bras, ce qu'elle n'a jamais fait et me prépare une assiette pour dîner. Elle s'assoit avec moi et prend la parole.

« Je sais que j'ai été dure avec toi, je n'ai pas été présente, je t'ai toujours rejetée, tu n'as jamais pu te sentir chez toi ici, alors que c'est ta maison autant que la mienne, je ne t'ai jamais comprise, mais je crois que c'est le cas maintenant, j'ai compris que ce n'est pas l'école qui t'importe et que tu ne feras pas d'études longues, et je ne t'y forcerai pas. J'ai compris que ce que tu veux c'est monter à cheval, et maintenant je te soutiendrai jusqu'au bout. Je t'accompagne aux championnats d'Europe, et je serais maintenant toujours là pour toi Typhaine, j'apprends de mes erreurs. Je te le promets, je suis là pour toi. »

Je me mets à pleurer et à serrer ma tante dans mes bras. Si vous saviez comme ça fait du bien, une présence familiale, presque maternelle. Après avoir été seule pendant des mois, je retrouve enfin un point d'accroche, j'ai à nouveau une famille, je crois que je vais pouvoir me sentir enfin chez moi. Comme si c'était ma maison ici

Pour la première fois depuis des mois, je ne regrette plus de ne pas avoir succombé. Tout s'offre à moi, j'ai une famille, un copain génial, un poney exceptionnel qui m'ouvre des portes que je ne m'imaginait jamais franchir et une place en équipe de France poney. J'avance blessée, mais plus forte, je me suis toujours battue et je me battrais toujours, les efforts finissent par payer.