43. Se battre

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Hier soir, Lilou a dormi chez moi. J'ai pu lui faire part de mes douleurs, de mes peines, de mes questions. Elle a pu me rassurer, me consoler, me soulager. J'ai enfin pu dormir correctement, mais ce soir, c'est autre chose. Elle n'est plus là, je suis de nouveau seule. Seule avec mes démons, tous mes démons, et si vous saviez comme il y en a.

J'ai mal, j'ai mal à la jambe, j'ai mal à la tête, j'ai mal au ventre, j'ai mal au cœur. Je n'en peux plus, une seule fois j'aimerai tout oublier, une seule fois j'aimerai faire comme si rien ne s'était passé.

Il est minuit passé quand je descends dans la cuisine, plusieurs choix s'offrent à moi, vodka ou rhum. Les deux. Je ramène les deux bouteilles déjà à moitié vides dans ma chambre. Je me noie dans l'alcool. Je sais que ce n'est pas une solution. Mais pour le moment je suis trop démunie. Je ne sais plus quoi dire, plus quoi faire, plus quoi penser. Alors juste une nuit, j'aimerai me sentir bien.

Après avoir bu l'intégralité du reste de la bouteille de vodka je prends trois cachets anti douleur. Je sais que l'alcool et les médicaments ne font pas bon ménage. Mais je m'en fiche. Je veux simplement me sentir bien, juste une nuit.

Quand j'arrive au bout de la bouteille de rhum je commence à me sentir très mal. Ma vision est réduite, ma tête tourne et me fait mal. Je tiens à peine debout. Rectification, je ne tiens plus debout. Je sens mes yeux se fermer et je suis aspirée dans le noir.

Le silence, le noir. Le noir, le silence.

****

J'ouvre les yeux dans un lieu que je ne connais que trop bien. Les néons m'aveuglent et je ne peux que plisser les yeux. Quand je tourne légèrement la tête je le regrette fortement. Je ne peux pas. La douleur est telle que je ne peux plus bouger la tête.

Qu'est ce qu'il s'est passé ? Je ne me souviens de rien. Rien du tout. Pourquoi suis-je ici ?

On vient me voir et l'on me dit que j'étais plongée dans un coma éthylique. Mon corps n'aurait pas supporter l'alcool. On m'a encore demander si je me drogais à cause des médicaments, je répondais que non bien entendu, mais l'on ne me croyait pas. On me demande aussi si j'ai fait un régime ces derniers temps, j'ai beaucoup de carences et j'ai beaucoup perdu de poids depuis la dernière fois qui n'étais pas si lointaine.

Au vu de tous ces événements, me voilà contrainte de me rendre voir un psychologue, tous les jeudis de 14 h à 15 h. Tout le monde espère que je parlerai, mais il n'en est rien. Mes problèmes m'appartiennent et c'est a moi qu'appartient le devoir de trouver la solution.

D'ailleurs, tout ceci m'a déjà emmenée bien trop loin. J'ai envoyé valser les psys, je n'en verrai plus jamais. J'ai envoyé valser ma tante et sa fausse préoccupation. Et j'ai envoyé valser mes maux. Je vais avancer, me battre comme je l'ai toujours fait, je vais revenir, encore plus forte qu'avant. Et je ne me laisserait jamais plus abattre comme ça. J'ai été faible, je ne le serais plus. Plus jamais. J'étais, je suis et je serais toujours une battante, une guerrière. J'ai perdu cette bataille, mais je gagnerai la guerre soyez en certains.

Je pense que chaque évènement, du meilleur au pire n'arrive pas par hasard. Les choses se produisent pour une raison, et il faut réussir a tirer la bonne conclusion de ces choses.
Ce qu'il s'est produit, je ne le regrette pas, ça m'a permis de comprendre qu'il ne fallait plus que je me laisse abattre de cette manière, je suis plus forte et plus courageuse que ça.

Rien que par esprit de compétition je gagnerai le jeu qu'est ma vie.

****

Je suis en train de pionter Pomme, la musique à fond dans les écouteurs. On ne m'a pas vue aux écuries pendant trois jours mais je n'ai expliqué pourquoi a personne. Pas même Aurélien, pas même Lilou. Personne.

Une fois la jument prête, je me rends dans la sellerie ranger mes élastiques. Je m'apprête à en sortir quand Raphael me bloque la route et referme la porte derrière lui. Je me souviens la dernière fois qu'il a fait ça. Il m'avait poussée contre le mur et m'avait embrassé. On ne sortait pas encore ensemble à cette période. Je chasse ce souvenir de ma tête et dirige mon regard droit sur ses yeux verts. Il s'approche de moi et pose ses deux mains sur mes bras couverts de cicatrices, la plupart sont refermées mais pas toutes. Quelle conne j'ai pu être. Ma raison me pousse à m'éloigner de lui mais mon cœur me hurle de me rapprocher. Alors je ne bouge pas. Que puis-je faire d'autre ?

"Est-ce que tu vas bien ?"

Il se paye ma tête ou quoi ? Est-ce qu'il m'a regardée ? J'ai le teint pâle, les yeux rouges, les joues creusées, les bras déchiquetés et je nage dans les vêtements qui m'étaient parfaitement ajustés. Est-il aveugle ? Ou refuse-t-il de voir la réalité. Il semble réaliser la stupidité de sa question puisqu'une de ses mains quitte mes bras pour caresser ma joue. Et comme une idiote je ne peux m'empêcher de frissoner.

"Dis moi que ce n'est pas à cause de moi Typhaine...

- Je peux te le dire, mais ce serait te mentir."

Je lis sans peine les regrets dans son regard. Je n'attends pas de lui qu'il s'en veuille. Je ne veux pas qu'il regrette. J'aimerai seulement savoir pourquoi. J'aimerai seulement réussir à apaiser mon esprit.

"Je t'aime, je suis si désolé je...

- Je t'interdis de me dire ça. Pas maintenant. Pas après tout ça. Tu ne m'aurais jamais quittée si tu m'aimais !"

Le ton monte. Je commence à crier. Mes mains commencent à trembler et mes jambes ne sont plus très stables.

"Au contraire, je t'ai quittée uniquement pour ça. Tu ne me faisais pas confiance ! Tu ne me disais rien. Je sais que communiquer n'a jamais été ton fort, mais j'espérais pouvoir t'aider et être là pour toi. Je... J'ai pensé que tu te débrouillerais mieux sans moi. Je pensais que tu vivrais mieux seule. Alors je t'ai quittée, pour te laisser vivre heureuse, pour te laisser faire ce que tu fais le mieux, briller."

Une larme roule sur ma joue.

"Je te laisse voir à présent si je suis mieux sans toi..."

Et je repars sans un mot de plus. Tout ça pour ça ? De telles conséquences pour une si petite chose ? Que l'espèce humaine est ridicule... Que je suis ridicule...

****

Une heure plus tard, c'est toujours aussi perturbée que je monte me coucher sans dîner, dans une des chambres d'amis d'Aurélien. Toutes mes affaires et celles de Pomme sont dans le camion. Demain nous prendrons la route des championnats régionaux.

Je laisse mes muscles se détendre sous l'eau chaude de la douche. J'avale un anti douleur puis un somnifère pour enfin espérer trouver le sommeil.

Poney d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant