36. Sentiments

260 16 12
                                    

Raphael prend ma jambe et me hisse sur mon poney noir. Il est surexcité. Je crois qu'il sait qu'on est pas là pour plaisanter. J'attends mon copain qui se met à cheval et nous partons vers la détente, en botte a botte. Nous n'avons pas de coach ce weekend, ça va nous faire tout drôle.

Je commence ma détente comme à mon habitude par des extensions d'encolure aux trois allures.

Mon poney est très énergique, je vais avoir besoin de ça pour leur montrer son maximum.

Quand je remonte sur mes rênes, Lixir s'agite un peu avant de venir se tendre sur mes rênes. Je l'incurve autour de ma jambe intérieure et reprend le travail au trot. Je m'assois et travaille les difficultés de l'imposée. J'ai encore deux poneys avant moi. Je peux marcher un peu. 

Je me sens fatiguée, très fatiguée, très faible. J'ai pris trois cachets ce matin ça devrait le faire. Je ne peux pas lâcher maintenant.

Raphael et sa ponette nous rejoignent. Il passe juste après moi. Il me regarde l'air soucieux. Je suis pâle et je n'ai pas bonne mine je sais. Je pose doucement ma main sur sa cuisse pour le rassurer. Il n'abordera pas le sujet, je lui fais confiance.

"Elle est comment ?
- Prête à te voler la première place."

Je rigole, terminer derrière un cavalier comme lui ne serais pas une honte. Il est plus qu'excellent.

Bon, plus qu'un poney, je vais bosser au galop avant d'aller en piste.
Élixir est aux ordres, attentif à chaque demande, prêt à réaliser chacune de mes envies.

On m'appelle à la porte, il est temps de tout oublier. Tout. Il n'y a plus qu'Elixir et moi. Tout les deux face au reste du monde. Le jury m'annonce, le public se tait. A nous de jouer. 

Je suis tendue. Inconsciemment je me raidis énormément. Qu'est ce qu'il me prends ? Alors je décide de prendre le galop et de rassembler instantanément mon poney. Il me sens différente, il n'aime pas ça, je n'aime pas ça. 

La reprise se déroule proprement, mais rien n'est parfait, il n'y a pas l'étincelle qui fait toute la différence. A peine ai-je saluer que je m'écroule légèrement sur l'encolure de mon poney, heureusement qu'il est là. Nous sortons tant bien que mal du carré et je m'empresse de descendre. Mes jambes s'écroulent sous le choc et je me relève en m'appuyant à mon poney.

Heureusement que mon copain est déjà en piste sinon j'aurai eu droit à beaucoup trop de questions. Je vais quand même l'attendre pour rentrer au box, par précaution. Je vois certaines personnes me regarder soucieusement. J'aimerai leur sourire mais j'en suis incapable, qu'est ce qu'il m'arrive ? 

Raphael sort de piste avec un sourire radieux. Son sourire retombe quand il croise mon regard. Il descend de sa ponette et s'approche de moi. J'essaye de me redresser et de lâcher l'encolure de mon poney. Mauvaise idée puisque je m'écroule dans ses bras, je sens mes paupières se fermer et je suis incapable de parler. Je le sens me soulever délicatement puis plus rien. Le noir. Le silence.

****

J'ouvre à nouveau les yeux et voit Raphael à côté de moi qui tient ma main. Je m'en veux de lui faire peur comme ça. Je serre légèrement sa main et prends la parole : 

"Tu as gagné j'espère."

Il me sourit.

"Oui et tu es troisième

- Je prendrai ma revanche demain ne t'inquiète pas" 

Il me tire la langue et je redresse. Il me raconte ce que le médecin a dit. Hipoglycémie. Je n'ai rien de grave et tant mieux. Je commence à rassembler mes affaires quand il m'arrête.

"Je ne veux pas que tu montes demain, je veux que tu déclare forfait. 

- Il en est hors de question, je joue ma carrière ! 

- S'il te plaît, on parle de ta santé. 

- Je m'en fiche, ça fait bien longtemps que ma santé déconne, que veux tu c'est la vie ! 

- T'es vraiment bornée, t'écoute rien ! J'ai peur pour toi bordel Typhaine ! Tu comprends ça ou pas ? Je suis amoureux de toi ! Est ce que tu peux comprendre ça ou ça te dépasse ?"

Ca fait mal. Bien sûr que je comprends. Je sens les larmes rouler sur mes joues. Quand il me voit sa tête change d'expression, il s'en veut. Il essaye de s'approcher de moi mais je recule, il a peut être raison...

Je récupère mes affaires et part aussi vite que mon état me le permet voir mon poney avant de monter dans la chambre d'hôtel dormir. Je suis exténuée, blessée, j'ai mal, j'ai mal à la jambe, j'ai mal au cœur, je suis faible.

****

Je suis allongée sur le côté, dos à la porte, je ne dors pas, je ne peux pas, et pourtant j'en aurai besoin. Je sens qu'on soulève mes cheveux pour m'embrasser la nuque. Je me lève, vexée, et j'ignore royalement l'auteur de mes maux.

"Je suis tellement désolé je... 

- Je comprends Raphael, je suis amoureuse de toi aussi, j'ai besoin de toi et tu es la personne que j'aime le plus ici, alors oui je comprends, mais je vis pour monter à cheval, je vis pour ces concours, je t'en prie ne m'en empêche pas parcequ'il y a des chances que je t'écoute et que je foute en l'air ma carrière

- Fais juste attention à toi, s'il te plaît."

Pour toute réponse je dépose mes lèvres sur les siennes, il en est même surpris, j'enroule mes bras autour de son cou et ses mains se posent sur ma taille. On détache à bout de souffle. 

Une de ses mains quitte ma taille et vient se poser juste dans le creux de ma joue. Je frémis. Un sourire lui échappe et ses lèvres se posent sur les miennes. Je perds soudainement le contrôle de mon corps et de mes pensées. Il a tout le contrôle sur moi. Je déteste ça. Il me pousse doucement jusqu'à ce que je m'allonge complètement sur le lit.

Ses lèvres quittent finalement les miennes et se déposent tendrement ici et là, dans mon cou, sous ma mâchoire, sur mon épaule. J'en ai la chair de poule. Ses mains descendent le long de mes côtes et s'infiltrent sous mon tee shirt. Mon regard se perd dans le sien, mes lèvres se perdent sur les siennes, et mon cœur se perd entre ses mains.

Quand j'arrive enfin à reprendre un tant soit peu de contrôle sur moi-même, je passe mes mains dans son dos, sous son tee shirt. Je le sens frémir à mon contact. C'est chacun son tour mon cher. J'en profite pour nous faire basculer et passer au dessus de lui. Il enlève son tee shirt d'un geste et s'attarde avant d'oser toucher au mien. Je pense qu'il m'attend, mais moi-même je ne sais pas où j'en suis. Ou alors il a peur de me casser ? Je ne suis pas de la porcelaine pourtant. Je m'approche de lui, dépose un baiser sur ses lèvres et lui chuchote à l'oreille.

« Je te fais confiance ».

Il repasse au dessus de moi et je ferme les yeux, il reprend le contrôle. Il m'ôte délicatement mon débardeur et commence à me faire languir. Rien que pour ça je le détesterai. Il est tellement doux, comme s'il faisait attention à ma douleur, c'est peut être ce qu'il fait. Ce que je sais, c'est que j'aurai passé une des meilleures nuits de ma vie, avec ce garçon que j'aime tant, en qui j'ai une confiance absolue et à qui je confierai ma vie, peut être pas mon poney, mais ma vie oui.




Poney d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant