L'Accident [Inac]

Marraine ou raclette?

Lundi 8 Avril, Jour 53 - 7e semaine

-Donc t'es sûre de toi?

-Oui, Camille, pour la vingtième fois!

-Ah nan mais on sait jamais, hein!

Je grommelle légèrement, et sors mon ordinateur portable de mon sac afin de le poser devant moi, prête à prendre des notes dès que le cours commencera. Pour l'instant, l'amphithéâtre est rempli de bavardages bruyants et de clameurs de retrouvailles. Les retrouvailles après le week end sont chaleureuses. Il a fait particulièrement beau, nous avons une très belle année. Mais cette année me semble à la fois magnifique et terrifiante. Mon quotidien de femme enceinte va-t-il commencer à se mettre en place? Comment vont réagir les autres?

Putain, est ce que ça veut dire que...

-Tu ne vas plus pouvoir boire d'alcool. Lâche Robin, mettant des mots sur les pensées qui allaient me franchir les lèvres.

-Ouais... dis-je en grommelant.

-Tes soirées se feront dorénavant au coca et à l'eau! Raille-t-il gentiment, en me tapotant la tête.

-Hey! Pas touche à ma femme! S'interpose Camille.

-Ta femme? Tu n'as pas déjà un copain, toi? Dis-je.

-Elle l'a quitté ce week end. Dit simplement Robin en s'asseillant, et en posant sa tête dans ses bras croisés sur sa table.

Robin est vraiment toujours au courant de tout avant tout le monde, on dirait.

-Oui! Il me saoulait, alors je l'ai largué. Se contente de justifier Camille. Il n'arrêtait pas de parler de se poser, touuuuut le temps, d'un avenir hypothétique, de maison, de travail, d'enfants... c'était assez ennuyeux, à la fin. Je ne me voyais clairement pas avec lui jusque là. Alors j'ai décidé de le quitter et de me remarier avec toi, mon amouuuur!

Elle saisit ma tête et l'enfonce volontairement dans sa - volumineuse - poitrine, avant que je ne puisse l'en empêcher. Je sens le rouge me monter aux joues, très peu caché par mon maquillage ou la couleur légèrement mat de ma peau.

-Arrête, Camille... tu m'étouffe! Dis-je en riant.

-Alleeeez, Anna, épouse moi! On l'élèvera à deux, cet enfant.

-Pfff, dis pas de conneries, t'es bien trop hétéro et moi bien trop peu patiente pour qu'une relation de ce genre ne fonctionne.

Même si j'aurais sans doute tué avant pour qu'elle marche...

Camille me relâche et fait semblant de pleurer, avant de se reprendre et de me donner la fin des cours que je n'avais pas encore rattrapés sur une clef USB. Ses cours sont... bordéliques, je n'ai pas d'autres mots. Elle n'y remet jamais d'ordre après avoir fini un cours, et relit ses notes brut, telles qu'elle les a écrites. C'est assez difficile à suivre pour les non habitués. Et je SUIS une non habituées de cours de Camille. En général, c'est moi qui lui les donne. Je soupire, à l'idée du travail qu'il me faudra fournir pour réorganiser tout ça.

-Ce cher monseigneur Robin ne peut pas t'aider avec ses notes? Ironise Camille.

-Elle préfère encore tes notes aux miennes. Répond le concerné sans lever sa tête, toujours lovée au creux de ses bras.

-Tes cours sont illisibles, Camille, mais ceux de Robin sont vides. Il ne note que les idées qui lui semblent difficile, et quelques formules, et le reste...

-Il retient tout dès la première écoute, oui, je sais... soupire soudain Camille, comme vidée de son énergie.

-Désolé d'avoir une bonne mémoire! Se défend notre ami.

-Pff. Foutu génie. Lâche Camille avec un petit sourire en coin, alors que le professeur arrive finit de préparer son cours et commence à parler.

***

Le monde tangue, les odeurs m'envahissent de toute part, et une nouvelle poussée à lieu. C'est douloureux...

-Poussez madame! Fait une voix au loin.

Je m'exécute.

*Bwwouaaarg*

Et laisse échapper ainsi les restant de mon déjeuner dans la cuvette des toilettes.

-Bravo! C'est une petite fille! S'exclame Camille en rigolant, au dessus de mon épaule.

Je halète, alors qu'un goût horrible de bile se répand sur mes papilles et me provoque un frisson de dégout. Je saisis deux morceau de papier toilette, et essuie le contour de ma bouche et de la cuvette, avant de tirer la chasse et de me diriger vers les lavabos. J'ai besoin d'eau, d'une immense rasade d'eau afin de faire passer ce goût affreux. J'ai un peu l'habitude des nausées et vomissements, maintenant, mais je ne supporte toujours pas la sensation de la bile lorsque je vomis l'estomac vide.

-Ça va, ma grande? Me demande Camille alors que j'engloutis des litres d'eau au robinet.

-Ouais, ça va... j'ai envie de pisser maintenant...

-Aaah, mais c'est tout à fait normal! S'exclame-t-elle joyeusement. J'ai lu que tes reins filtrent plus de sang, donc fatalement ta vessie se remplit plus vite!

Je soupire en entrant dans un autre box, et m'assois sur le trône.

-Pourquoi tu sais tout ça, au juste? Dis-je.

-Oh, mais je me renseigne sur la grossesse, bien sûr!

-C'est moi qui porte le gosse et c'est toi qui fait des recherches... t'es pas possible, tu sais.

-Aaah, mais mademoiselle, il faut bien se partager les tâches dans un couple! Tu es le corps, je suis le cerveau! Un truc comme ça...

-Arrête avec ces conneries, pitié.

-Hum, ce n'est pas écris que la grossesse rend irritable, Anna! Tu n'as pas d'excuses!

-La grossesse, je sais pas, mais les nausées oui! Même l'idée d'une raclette me donne envie de vomir... c'est affreux.

-Oh... une raclette... excellente idée, ma chère Anna.

Je sors du box.

-Tu déconnes, j'espère. On est en Mars! Et je ne pourrais pas en manger!

-Et alors? Il n'y a pas d'époque pour bien manger.

-Tu peux pas me faire ça!

-Jvais me gêner, tiens.

-Tu pourrais être marraine, tu sais...

Camille se fige. Ah... touché.

-Tu... vas les baptiser? Demande-t-elle.

-Pas vraiment, non. Mais qui a besoin d'un baptême pour choisir des parrains-marraine?

-Tu serais prête à faire de moi la marraine si je ne fais pas de raclette sans toi?

-Mmm... peut être... je vais y réfléchir...

-Ooooh, oui, oui, oui, oui, s'il te plait mon Anna d'amour.

-Tatata. On verra. Maintenant, sortons! L'odeur de ces toilettes me donne la nausée.

-Toutes les odeurs te donnent la nausée. Fait-elle remarquer.

Robin nous attend dehors, comme à son habitude.

-Vous avez mis du temps, dites donc. Dit-il.

-Oh, après avoir tenté de se noyer dans la cuvette, Anna a décidé de plutôt essayer avec le lavabo. Plaisante Camille, et je prend un air désespéré.

Robin ricane gentiment, puis nous jette un coup d'oeil circulaire, avant de froncer légèrement les sourcils.

-Qu'est ce que tu lui as promis? Me demande-t-il.

Ce mec est un sorcier. Ou un mentalist. Il n'y a pas d'autre moyen. Nous rigolons, en nous éloignant vers nos amphis respectifs. La vie pourrait presque sembler n'avoir par changé.

Presque.