L'Accident [Inac]

Arrivée

Lundi 22 juillet, jour 158 - 23e semaine

-Encore tes nausées? Me demande Mei avec douceur alors que je vomis allègrement dans les toilettes.

-Plutôt le mal de mer... dis-je d'une voix blanche en relevant à peine la tête.

-Ne t'en fais pas. Me sourit-t-elle. Ça passera.

-Il reste combien de temps? Dis-je avec une pointe d'espoir.

Mais Karol, la nouvelle compagne du père de Mei, l'écrase aussitôt avec un petit rire désolé.

-Le trajet en bateau jusqu'à Ajaccio dure 6 heures, il en reste donc 5.

J'aime bien Karol. Elle a un franc parler bien à elle et ne se laisse pas marcher dessus facilement, mais sait être drôle et attachante. Nous ne nous sommes rencontrées que ce matin, lorsque le père de Mei, Christian, est passé nous chercher toutes les trois afin de partir en vacances, mais nous nous entendons déjà très bien. Je pense que ça la rassure de voir une autre femme enceinte, et je dois avouer que moi aussi, même si elle n'en est qu'au milieu de son quatrième mois quand je m'approche de la fin de mon sixième. Cela m'aurait sans doute plus rassurée de savoir que quelqu'un que je connais allait accoucher avant moi et pouvoir me faire un compte rendue.

Au delà de ça, je suis toute excitée à l'idée de me rendre en Corse avec la famille de Mei. Le père de Mei est beaucoup plus sympa que je m'y attendais, et semble assez introverti - un trait qu'il a sans doute transmis à sa fille. Rose aussi est toute excitée, et n'arrête pas de parler - comme tout le temps, en fait - ce qui semble irriter Karol, mais cette dernière se retient difficilement de ne rien dire depuis notre départ de Lyon jusqu'à Toulon, et notre montée dans le ferry.

Mei, quant à elle, semble avoir repris goût à la vie à la fin de ses oraux, et a décidé de ne plus penser aux études jusqu'à l'annonce des résultats, ce qui est plutôt bienvenu, mais n'est pas trop du goût de Marianne, qui se fait un sang d'encre à l'idée de la recherche d'appartement, qui ne pourra être finalisée qu'après les résultats.

Toujours est-il que je tente péniblement de survivre à la croisière nous menant jusqu'aux rivages corses. Les remous me donnent la nausée, et mes deux petites jumelles n'aident pas trop, rendant chacun de mes mouvements plus amples. Mei me traine jusqu'à un pont latéral, depuis lequel on peut prendre on bon bol d'air marin tout en observant la mer, s'étendant sans fin en toute direction. La brise fait un peu baisser mon malaise, et je m'affale contre la rambarde avec un long soupir.

-Vous voulez mon siège? M'interpelle une voix toute proche.

C'est un homme entre deux âges qui me propose gracieusement de me céder sa place le long du pont. Je jette un rapide regard surpris à Mei, et celle ci me fait remarquer qu'en effet, aucun autre siège n'est libre pour que j'y pose mes fesses.

-Merci beaucoup. Fais-je en prenant le siège.

Un soupire d'aise m'échappe aussitôt. Je n'avais pas remarqué à quel point mes jambes étaient fatiguées. Mon état de fatigue m'étonne autant que le fait qu'à présent, on me cède ainsi des places dans des situations très variées. Je suppose que ma situation n'a pas que des désavantages...

Le trajet est lent et ennuyeux, mais Mei a emporté de quoi nous occuper, et moi aussi. Après quelques parties de cartes, nous partons sur des courses endiablées de Mario Kart sur nos DS, un des rares objets de mon enfance qui ne soit pas chez mes parents, c'est à dire perdu. Peu à peu, mon mal disparait, alors que je m'habitue au tangage.

Voyager à bord de cet immense bateau est une expérience étonnante. Tout le monde n'a pas payé de cabine, et les couloirs sont donc bondés de voyageurs et de touristes qui se reposent à même le sol, où dorment sur les sièges des salles de repas. Une petite piscine se trouve sur le plus haut pont, mais elle est tellement blindée qu'on lui jette à peine un coup d'oeil avant de s'en éloigner. Il fait chaud, très chaud, même si on est en plein océan, et le temps passe bien trop lentement.

Karol et moi nous prélassons pendant deux bonnes heures sur nos couchettes, ce qui permet de faire passer le temps légèrement plus vite. Et bientôt, nous arrivons en vue des côtes Corses. Enfin...

En vue, c'est un grand mot, puisqu'il fait nuit noire et qu'on y voit goutte. Nous descendons jusqu'à la voiture et attendons patiemment de pouvoir sortir.

-On a un peu de route avant d'arriver! Nous préviens Christian alors que nous commençons à conduire à travers les rues animées d'Ajaccio.

Malgré mon repos dans la cabine, je m'endors presque aussitôt, exténuée par le voyage. Je me réveille lorsque le moteur de la voiture s'arrête. Je mets quelques secondes à émerger, et comprends que ma tête est posée sur l'épaule de Mei, qui dort elle aussi. À l'extérieur, on entrevoit une petite rue résidentielle, bordée de maisons de tailles et façades très variées. La rue est assez étroite, même si elle semble être à double sens. Christian est dehors, en train de discuter avec une vieille femme devant le portail d'une des maisons. La dame lui donne les clefs, avant de repartir dans sa voiture. Ah...

Nous y voilà.

Il s'agit d'une maison que le père de Mei loue régulièrement pour leur vacances, lorsqu'ils viennent en Corse. Plutôt bien réveillée, désormais, j'aide à sortir les valises, alors que Rose et Mei baillent à s'en décrocher la mâchoire. La maison est spacieuse, répartie sur un rez de chaussée. Une grande baie vitrée donne directement sur la grande baie qui s'ouvre en face de la maison, et Christian m'explique qu'un petit chemin au fond du jardin mène à une crique privée où on peut se baigner dans la mer.

Il y a trois chambre, et celle que Mei et moi allons partager, un peu à l'écart des deux autres, possède sa propre salle de bain. Nous avons également une baie vitrée donnant vers l'avant de la maison, donc la rue et de potentielle sortie nocturnes sans gêner le reste de la maisonnée. Je me maudis intérieurement de ne pas pouvoir boire d'alcool, mais la beauté du lieu et du jardin compense bien cette perte mineure.

Oui... je me plais bien ici. Je suis sûre qu'on va passer des vacances magnifiques.