L'Accident [Inac]

Auguste

Mercredi 24 avril, jour 69 - 10e semaine

-Woah... donc t'attends vraiment des jumeaux? S'extasie Salomé en marchant à nos côtés.

-Oui. Fais-je dans un soupir. D'un côté ça me rend ultra heureuse, et de l'autre ça me déprime. C'est vraiment un ascenseur émotionnel, être enceinte.

-Je te plains, ma pauvre. Me dit-elle avec un ton compatissant. Mais de l'autre, je t'envie un peu aussi...

-Comment ça?

-Avoir un enfant, ça semble une expérience tellement... grande et belle! J'aimerais vraiment en avoir. Enfin, pas tout de suite, hein, j'ai encore le temps! Et puis, avec mon mec, c'est pas toujours la joie, donc bon...

-Il te pose des problèmes? Demande Camille avec un air préoccupé.

-On s'entend pas toujours très bien sur tout, il a le don de me surprotéger. J'ai l'impression de plus avoir de vie sociale par moment avec lui.

-Ha! Je sais ce que c'est. Grince Joy. Une seule solution dans ces cas là, une bonne raclée pour rappeler que c'est pas lui qui décide.

-Une raclée comme la fois où tu as cassé ma table basse en balançant Vincent dessus? Répond Salomé avec un regard courroucé, auquel Joy répond par un haussement d'épaule amusé.

-Il est pas réputé pour être super patient. Lâche Robin, revenant au sujet initial.

-Aaah, ça non, il l'est pas. Mais je dois l'être encore moins que lui, donc ça compense.

-J'aimerais bien me trouver un mec... lâche Camille, rêveuse,

-T'as encore largué le tiens? Fais-je, ahurie. Vous êtes même pas resté deux semaines ensemble!

-Il était ennuyeux à mourir... se lamente la blonde.

-Essaie les femmes, tu verras, on s'ennuie beaucoup moins. Ricane Joy avec un sourire espiègle.

Camille hésite un instant, puis, se jetant sur moi, elle déclare:

-Si je devais épouser une femme, ça serait forcément Anna!

-Hé, tu me fais mal!

-Chochoootte.

-Salut, Anna.

Cette voix peu familière m'interpelle et je me retourne machinalement vers sa source, en tentant d'éjecter Camille de mon dos. À ma grande surprise, il s'agit d'Auguste, à savoir un des mecs les plus en vue de notre année. Il enchaîne conquête sur conquête, et c'est compréhensible car au delà d'être beau comme un éphèbe, il est également intelligent et sympa, et engagé dans la vie universitaire puisqu'il est membre important du BDE - enfin, tout ça, c'est ce que je sais de lui via Robin et ce qu'il a entendu à son sujet, car je ne lui ai jamais parlé personnellement. Un visage bien proportionné, un coupe en brosse sans accroc, un sourire un peu gêné, des yeux bleus contrastant avec sa chevelure brune. Oui, définitivement plutôt pas mal. Et à en voir le regard béat de Camille, je suppose qu'en effet, il a du succès auprès de celles qui préfèrent les hommes.

-Euh... salut Auguste. Fais-je un peu gênée, alors que tous les regards se tournent vers nous. Il y a un problème?

-Hein? Oh, non, pas du tout, je voulais juste discuter un peu.

-Viens en au fait, Casanova, on a cours dans 10 minutes. Le coupe Joy, ce qui semble le déstabiliser.

-Ah. Euh. Oui. Bon, je vais pas te mentir, j'ai entendu beaucoup de rumeurs à ton sujet ces derniers temps. Et comme j'ai en horreur ce genre de bruits de couloirs où il est impossible de démêler le vrai du faux, je me suis dit que le mieux, c'était de régler ça... une fois pour toute en te demandant directement.

Je suis surprise par sa démarche, mais en même temps grandement rassurée. Pas sûr que ça fasse disparaître toutes les saloperies qui se disent sur moi, mais au moins si quelqu'un comme Auguste prend mon parti, ça en fera taire une partie.

-Aucun problème! Dis-je. Au contraire, ça m'arrange beaucoup. Et...

-Que dirais tu qu'on se retrouve au restaurant universitaire à midi? Me coupe Camille en se plaçant entre moi et Auguste. On pourra en parler là bas tranquillement.

Son regard est pétillant, et je ne doute pas un instant qu'elle veuille tout mettre en oeuvre pour lui mettre le grappin dessus là bas. Je soupire tout en ricanant à cette idée, et j'entends Joy et Robin en faire autant simultanément derrière moi, ce qui nous fait pouffer.

-Très bien! Eh bien... à plus tard!

Nous le regardons s'éloigner sous les regards de beaucoup des personnes présentes dans la cour.

-Il est tellement craquant... soupire Camille en le fixant au loin.

-J'avoue qu'il est pas mal. Valide Salomé.

-Meh. Se contente de commenter Joy.

Je jette un coup d'oeil à Robin qui, lui aussi, regarde Auguste s'éloigner fixement. Se pourrait-il que...

***

-... et donc voilà toute l'histoire.

Nous sommes au restaurant universitaire, plus tard dans la journée. Auguste est venu manger avec nous, et nous avons longuement discuté de toute l'histoire, qu'il m'a demandé de lui raconter. Salomé, elle, est allée rejoindre son groupe et son mec, et n'est donc pas présente.

-Eh bien... dit-il. C'est complètement différent des histoires qui tournent à la fac.

-Ces histoires ont été créées pour la blesser. Remarque Robin. Elles ne sont pas réelles, au contraire.

-Oui, je vois bien ça. Mais savoir que ta propre ex en viendrait à faire ça... c'est absolument dégueulasse, non?

-Elle n'est plus à cette fac, donc je ne sais pas si elle réalise l'ampleur que ça a pris. Fais-je.

-Ne lui cherche pas d'excuses. Grogne Joy. Elle est à l'origine de tout ça, même si ce n'est pas elle qui a tout amplifié. Elle est coupable, et si je la croise je lui ferais comprendre ma façon de penser.

-Moi aussi! S'exclame Camille, bien que n'ayant pas beaucoup de capacités physiques pour mener un tel combat.

Elle désire sans doute marquer des points avec Auguste.

-Mais Anna pourrait avoir raison. Fait remarquer ce dernier. Après tout, je connaissais un peu Marion, et je ne la pense pas capable de mener une campagne à cette échelle.

-Les gens changent... se contente de répondre Joy, perdue dans ses pensées.

-Quoi qu'il en soit, je serais heureuse si ces histoires cessaient. Dis-je. Je passe pour une personne horrible qui a trompé sa meuf avec le premier mec qui est passé alors que j'ai toujours affirmé ne pas être intéressée par les hommes.

-Ha, ouais... comment tu... comment t'arrives à assumer aussi ouvertement ton homosexualité? Demande soudain Auguste. C'est pas trop... dur, parfois? En ce moment, par exemple?

-Je considère que si je veux trouver quelqu'un, il faut bien que l'on sache quel genre m'attire. Dis-je simplement. Et oui ce n'est pas toujours facile, mes parents ne sont même pas au courant par exemple, et le fait que je soi tombée enceinte fait jaser les mauvaises langues. Mais franchement... ça m'atteint pas. J'assume mes préférences. Et c'est pareil pour Joy et Robin, je pense.

-Ouais. Commente la belle aveugle. J'ai toujours su mes préférences, et je l'ai toujours assumée. Comme ça, ceux qui sont intéressés peuvent venir et ceux que ça dégoute dégagent.

-Pareil. Renchérit Robin.

-Eh bien eh bien... vous êtes tous courageux.

-Ça ne demande pas tant de courage que ça, tu sais. Continue Robin. C'est un court mauvais moment à passer, de l'avouer, mais ça ôte un tel poids de tes épaules que le jeu en vaut la chandelle.

Auguste hoche la tête avec compréhension. Il s'apprête à ajouter quelque chose, quant une voix le coupe net:

-Qu'est ce que tu fais à trainer avec une meuf pareil, Auguste?