Francisco I " Que toda la vida es sueño... "#Wattys2019

Chapitre 10

- Attendez, vous pouvez répéter ce que vous venez de dire ?

Ignazio se retourna avec un sourire.

- Bien sûr. J'ai dit que c'était pourtant un bruit que vous auriez dû entendre malgré le vent qu'il y a.

- C'est bien ce que vous avez dit ?demanda Francisco suspicieusement.

- Peut-être pas... Comment savoir ?

Francisco fut saisi d'un étrange pressentiment et, chose impensable, regretta immédiatement d'avoir serré la main d'Ignazio. Cet homme n'avait plus rien de sincère ou de fiable et Francisco était bien certain de l'avoir entendu prononcer le nom de Cécilia.
Il se mit à courir, gagna le chemin de la falaise dont il atteignit bientôt le sommet.
Ses pieds toujours nus traçaient dans les cailloux gris un fragile sentier de traces rougeâtres.

Mais il ne l'a même pas encore remarqué : chaque parcelle de son être ne sent que l'absence immense, intense, insoutenable de celle qu'il aime. Il continue de courir à travers les pelouses, dépassant des clients étonnés, arrive enfin sur la terrasse blanche de l'hôtel.
On le voit courir fébrilement, appeler en tous sens. Malgré ses cheveux mouillés, ses chaussures à la main et son air égaré, personne ne songe à rire car celle qu'il cherche est introuvable. On s'attroupe autour de lui, le presse de s'assoir, de se calmer mais il est déjà parti vers le garage.
Aucune voiture ne semble manquer. Et si Ignazio avait menti ?
Non, Francisco ne peut pas prendre ce risque.
Et si c'était un piège ? Mais si c'était vrai ?
D'ailleurs il lui a bien semblé entendre un bruit de moteur au loin, lorsqu'ils étaient sur la plage. Francisco s'accroche à ce vague souvenir comme, sous l'eau glacée, il a cherché à la surface une bouffée d'air. Tandis qu'il démarre, l'assaillent les remords stériles d'être descendu sur cette plage, de l'avoir laissée rentrer seule.
Déjà il contient un peu plus sa rage et son anxiété, concentrant toute son attention à conduire. À sa gauche, une dizaine de mètres plus bas, la mer et son scintillement de saphir flouté mais à droite la brancheur écrasante de la falaise où a été creusée le mince chemin sur lequel il roule. Il accélère, conscient mais dédaigneux du danger. Qu'une autre automobile arrive en face, c'est l'accident certain. Apercevant dans la poussière les traces fraîches de larges roues, Francisco accélère encore.
La mer, les oiseaux, la nature toute entière le tient déjà pour mort, ou tout au moins, pour fou.

*

Le jour perçait à peine à travers les persiennes bien closes mais un rayon de soleil froid, glissé par une fente, fit remuer ses paupières. La jeune femme endormie se retourna sur le lit, étrangement calme. Ouverts soudain dans l'obscurité, ses yeux ne distinguaient rien. Elle se leva rapidement mais la tête lui tourna, elle cru tomber.
Que s'était il passé ? Où était-elle exactement ?
Tandis que son regard s'habituait peu à peu au manque de lumière, elle chercha à tâtons l'interrupteur. À la place, ses doigts rencontrèrent la poignée d'une porte verrouillée. Une panique sourde monta. Elle n'avait jamais supporté d'être enfermée. Frappant du poing à la porte, elle appela. Sans succès. Les larmes lui venaient invinciblement aux yeux, sa respiration devenait saccadée. Son esprit encore emprunt d'un sommeil qui n'avait rien eu de naturel, était inondé d'une peur incontrôlable. Recoquevillée, au bord du lit, dans le noir, Cécilia sanglotait.
Elle appela à nouveau, désespérément. Il y eu quelque chose sous la porte, un bruit de clés sembla briser la nuit.
Une jeune femme de chambre à l'air ébahi entra dans la pièce, et avec elle un flot de lumière blanche. Cecilia la bouscula, se précipita dehors.
Ce fut comme un choc.
Elle se trouvait tout simplement dans un des couloirs de l'hôtel.
À quelques mètres, un homme vit sa mince silouhette s'adosser au mur. Il s'approcha, glissa sa casquette dans sa poche, fit signe à la pauvre femme de chambre de déguerpir.
Cecilia qui essayait de se calmer considéra la cigarette qu'il lui offrait et l'accepta, le laissant l'allumer.