Chapitre 14

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Les deux voix se répondaient, tentaient de ne pas se couvrir, luttaient pour ne pas s'effacer. Chacun face à un téléphone, Julio et Francisco enchaînaient les appels.

L'inspecteur Luna, qui savait presque tout sur Thomas Hazas, avait estimé probable que Cecilia ai été emmenée à Barcelone.
C'était là qu'Hazas connaissait le plus de monde, avait le plus de pouvoir, était chez lui.
L'inspecteur s'occupait de prévenir la police barcelonaise mais c'était au patron du Baccardi et au serveur de s'informer auprès d'autres contacts. Julio y avait des amis grooms dans plusieurs hôtels, Francisco venait récemment d'y effectuer un voyage d'affaires. Avec le début de l'hiver, son bar commençait étrangement à être moins rempli; il était allé demander conseil à certains de ses amis, de ces types qui savaient toujours tout sur tout.
Pourtant, depuis une heure, personne n'avait pu leur donner la moindre information. Contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, c'était Julio qui en devenait nerveux et non Francisco.

Il était dix heures du matin. Depuis la veille, depuis l'appel d'Ignazio, les policiers avaient reçu l'ordre de cesser toute activité.
Les deux ravisseurs exigeaient de Francicso qu'il leur cède officiellement le Baccardi, alors seulement Cecilia serait libérée. La police avertie, la jeune femme en paierait les conséquences.
Ils n'avaient été qu'à moitié obéis.

Marianne entra sans bruit, deux cafés à la main. Après avoir dormi dans sa chambre d'hôtel réservée pour le mariage, elle aurait dû répartir. Mais elle sentait qu'il lui fallait rester.
Le regard d'étonnement mêlé de soulagement de Francisco, tandis qu'il acceptait la tasse, le lui confirma.

Quand à Julio...
Elle se sentait troublée d'y penser.
En France, son amitié lui avait quelques fois manqué. Dans la confusion de la veille, le souvenir de cette amitié se transformait peut-être en autre chose. Mais quand à savoir où ce baiser avorté les mènerait...

- Ça y est ! J'ai quelque chose !

Julio raccrocha brusquement dans un bruit métallique, faisant sursauter son voisin. En bondissant sur ses pieds, il faillit renverser Marianne et son second café. À sa vue, il sembla perdre contenance mais déjà ils le pressaient de parler:

- J'ai une cousine, qui bosse au Ritz de Barcelone. Elle est femme de chambre là-bas depuis un mois mais je crois que...

- Ça n'est pas le sujet Julio ! Ne tourne pas autour du pot comme ça !

- Hier soir deux hommes sont arrivés avec une jeune femme en robe blanche. Tout s'est fait très vite mais plusieurs employés les ont vus. Cecilia est enfermée dans une chambre et n'est gardée que par Ignazio et un autre homme de main. Hazas est parti dans la nuit.

- Elle est sûre que Cecilia est toujours là ?

- Presque certaine. De toutes façons il faut tenter quelque chose, Francisco.

- Appelle l'inspecteur Luna, ordonna l'autre.

Francisco se leva, s'approcha de la fenêtre. Ses mains balayèrent ses cheveux, la tête penchée en avant. Enfin un espoir, enfin agir !

Marianne sourit timidement au serveur, qui dit simplement en décrochant le combiné:

- Je suis heureux que tu sois restée.

On toqua et le visage d'Amaia apparut.

- Vous avez du nouveau ?

Francisco fut heureux de cette question. La jeune danseuse semblait avoir oublié, ou tout au moins mis de côté sa jalousie ancienne pour les aider et se rendre utile.

- Nous avons une piste, dans un hôtel de Barcelone.

- Vous en êtes sûrs ?

- Oui, de toute manières il faut agir. Que dit Luna ? ajouta t'il vers Julio.

- Je te le passe.

Il se précipita sur le téléphone.

- Allô, Señor Espina ? Vous allez faire exactement ce que je vous dirai. Ni plus ni moins, vous m'avez compris ?

- Oui je vous écoute Inspecteur.

- Oui. Vous n'allez pas bouger, rester dans votre bar bien tranquillement. Vous n'allez rien dire à personne et me laisser faire.

- Mais ? Enfin inspecteur ? Je veux y aller aussi !

- Non, je suis désolé mais si vous partez, Hazas et Feruentes le sauront et l'effet de surprise sera manqué. Faites moi confiance.

- Inspecteur !

- Passez une bonne journée.

Luna avait raccroché et Francisco bouillait de rage contenue. En face de lui les trois regards questionnaient: il expliqua tout en peu de mots et, agacé d'être ainsi tenu en laisse, sortit du bureau. Julio et Marianne le suivirent bientôt.
À se peine se fut elle assurée qu'ils ne pourraient l'entendre, Amaia attrapa l'un des téléphones.

- Passez moi l'hôtel Ritz à Barcelone, chambre 310. Oui, allô ? C'est moi monsieur Hazas, ils savent où vous êtes, la police est prévenue.

À l'autre bout du fil, Thomas grimaça. Leur deuxième cache était bien moins confortable que celle-ci...

- Essaie de les retarder. Je pars pour Blanes chez mon beau-frère. Si tu as besoin d'appeler, fais le là-bas.

Il sortit rapidement, entra sans crier gare chez Ignazio et lui ordonna de se préparer à quitter les lieux. Puis il frappa lentement à la porte de Cecilia. Après un léger Entrez il enfonça la clé dans la serrure, pénétra dans la pièce.

- Vous ne trouvez pas cela ironique de toquer alors que vous êtes le seul à pouvoir ouvrir cette porte ? se moqua t'elle.

Un silence étrange envahissait la pièce, accompagné de quelques raies de la lumière montante de ce matin de janvier qui perçait les volets clos. Aucun d'eux ne bougeait.

Thomas contemplait la mince jeune femme dont le corps se dessinait à contre jour sous le fin tissu du peignoir qu'elle avait la veille accepté.

Cecilia esseyait de comprendre la glace de ces yeux mystérieux qui la fixaient parfois avec tant de douceur et d'intensité.

Il s'approcha d'elle dans la pénombre qui régnait.
Elle lui tournait désormais le dos. Il effleura sa main de la sienne.
Une fraction de seconde plus tard une gifle magistrale retentit sur sa joue.

- Ne me touchez pas, ordonna froidement la jeune femme en s'éloignant.

Thomas n'eut pas l'air impressionné mais se mit à tourner autour d'elle, à bonne distance.

- De quoi avez vous peur ?

- Je n'ai pas peur de vous.

- Je sais mais vous tremblez à cause de vous même, affirma t'il tranquillement.

Il tournait toujours et Cecilia n'avait pas remarqué que ses cercles se faisaient plus étroits.

- Ah oui ? Et pourquoi s'il vous plaît ? J'aime Francisco.

- Vous voyez ? Vous avouez vous même que je puis être un danger.

- Je n'ai pas dit cela! C'est faux !

- Que je vous laisse de glace ? En effet c'est faux.

Il n'était plus qu'à quelques centimètres dans son dos.
Quand il posa soudain ses lèvres à travers l'échancrure du tissu sur son épaule, elle trembla mais sentit parfaitement que le désir de cet homme était seulement de détruire un peu plus Francisco à travers elle.

Avant qu'elle puisse agir, un mouchoir imbibé s'abattit sur sa bouche et son nez.

Elle tomba inanimée, endormie.

À suivre

Francisco I " Que toda la vida es sueño... "#Wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant