Chapitre 13

149 18 8
                                    


- Ne t'énerve pas tant ma chère, ce n'est pas non plus un plaisir de te revoir. Mais que veux-tu ? C'est plus fort que moi, il faut bien que je me venge de ton Francisco, raillait l'autre.  Si tu avais entendu sa voix quand je l'ai appelé !

Cecilia resta muette cette fois-ci, droite et fière dans sa longue robe. Elle aurait voulu s'asseoir mais seuls les hommes en face d'elle ont eu droit à une chaise.
Dire qu'elle aurait été prête à l'épouser ! Cet Ignazio attentionné et gentil qu'elle ne reconnaissait pas dans l'homme railleur, ironique, à la violence contenue qui s'agitait devant elle. À côté, Thomas Hazas restait de glace, visiblement agacé par son comparse.

- Vous ne voulez pas savoir ce qui vous arrivera ? questionna t'il finalement.

Le silence seul lui fit face.

- Très bien.

Thomas fit signe à Ignazio de quitter la chambre mais celui-ci, au moment de passer la porte, se retourna vers Cecilia.

- Je vais te dire quelle voix avait ton cher fiancé tout à l'heure, cracha t'il d'un ton presque déçu. Il avait sa voix habituelle, calme et froide.

Mais la jeune femme de scilla pas. Cela ne l'étonnait nullement, elle imaginait très bien ce qui s'était passé. Se réalisait tout ce que Francisco avait redouté en la retrouvant et une culpabilité bien inutile avait dû le submerger. Elle mesurait qu'elle avait du être sa douleur à l'aune de ce qu'était la sienne propre. Ce jour, cette nuit espérée, devenait encore une fois un jour de séparation, d'échec. Mais elle ne le montrerait pas à ces hommes, tout comme Francisco s'était forcé à  retrouver son calme en affrontant leurs voix au bout du fil.
Jetant un coup d'oeil à la chambre d'hôtel, volets verrouillés, où on l'avait mise, la jeune femme retint bravement ses larmes. Thomas le lu sur son visage mais, impassible, sortit.

Ils étaient totalement isolés dans l'hôtel, si elle criait nul ne l'entendrait. De toutes façons, Thomas avait de quoi faire chanter le directeur.
Ignazio, nerveux, fébrile, le regarda allumer une cigarette. Le couloir était silencieux, le ciel d'hiver s'assombrissait déjà.

- Tu crois qu'elle se tiendra tranquille ? On devrait l'attacher, Thomas.

- Pas la peine, affirma l'autre en hochant la tête. Crois moi.

- Je veux aller lui parler, continua Ignazio sans écouter. Je veux voir qu'elle a peur, peur de moi !

Thomas vit la lueur mauvaise dans les yeux, le geste vers sa poche où se trouvait la clé. Agacé, il bloqua son comparse contre le mur. Il sentait l'alcool.

- Tu es soûl. Je m'occupe d'elle, va dormir.

Un peu sonné, Ignazio hésitait encore.

- Allez ! Ta femme t'attend.

La première rencontre des deux hommes avait eu lieu lors de l'épisode du Retiro, lorsque Ignazio avait chevaleresquement permis à Francisco de tirer sur Thomas.
La deuxième, en prison: Ignazio, qui savait tout, était venu proposer un marché au gangster.
La liberté contre leur vengeance.
L'un et l'autre n'avaient plus rien à y perdre.
Ce premier échec au procès - on avait conclu à un non lieu - ne les avait pas découragés.

Thomas n'aimait pas Ignazio, ne l'estimait même pas. Mais le retournement de ce gentil et distingué fils de bourgeois madrilène lui avait semblé pitoyable mais utile.
Du haut de ses trente ans, Thomas contrôlait habilement cet apprenti criminel qui n'agissait que par dépit amoureux, aveugle à tout autre intérêt.
Si on l'avait écouté, ils auraient été tirer sur Francisco et Cecilia en plein milieu de la messe de mariage !
Ridicule.
Imposer au patron du Baccardi le choix entre son bar et sa fiancée était bien plus profitable.

Francisco I " Que toda la vida es sueño... "#Wattys2019Où les histoires vivent. Découvrez maintenant