Le taxi peinait à travers les rues encombrées. L'église San José n'était plus très loin et, au besoin, Marianne finirait à pied. Elle tenait à arriver en avance et à voir Francisco avant le début de la cérémonie.
Elle lui devait bien cela après presque neuf mois de silence.
Le faire part de mariage lui était parvenu à Bordeaux, à la vieille adresse qu'elle lui avait donnée des années auparavant, lorsqu'ils s'étaient connus.Leurs adolescences s'étaient achevées ensemble. Ensemble ils étaient devenus adultes, sans jamais bien savoir où s'arrêtait l'amitié et où commençait le désir. À cette époque, ils ne vivaient qu'au présent, oublieux d'un passé irrémédiablement perdu, sachant que leurs avenirs ne se rejoindraient pas.
Marianne ne regrettait rien et surtout pas d'être retournée en France.
Elle pensa en souriant que malgré tout, revenir à Madrid pour assister à un mariage, sous un beau soleil hivernal alors qu'elle avait laissé Bordeaux sous la neige, n'avait rien de désagréable !Le taxi la déposa enfin devant l'église où se pressaient déjà les invités. Les clients les plus fidèles du Baccardi; la bande d'amis de Francisco - elle en salua quelques uns d'un léger hochement de tête. Pas de famille sauf des cousins éloignés, endimanchés pour la circonstance.
La détermination naturelle de Marianne lui permit de se frayer un chemin dans la foule et de pénétrer dans l'édifice.
Après un rapide signe de croix, elle aperçut le marié près de l'autel, qui discutait avec le prêtre. Son visage ne reflétait pas d'inquiétude mais une assurance et un calme tranquille. Si Marianne avait eu jusqu'ici des regrets imperceptibles d'être partie, la vue d'un Francisco si heureux les auraient dissipés définitivement. Elle avait agi pour leur bien à tous deux et ce jour lui donnait raison.- Tu ne saluerais pas un vieux collègue ?
En se retournant, la jeune femme failli éborgner Julio avec les bords de son grand chapeau bleu. Elle le trouva charmant dans son costume de garçon d'honneur.
- Tu ne me serres pas dans tes bras ? s'étonna t'elle.
- C'est que... j'avais oublié que tu étais aussi belle ! avoua t'il en rougissant.
La française sembla amusée et l'étreignit tout de même discrètement.
- Viens, je te mène à Francisco. J'imagine bien que ce n'est pas moi que tu es venue voir aujourd'hui.
- Je t'avoue que je suis surtout curieuse de voir la mariée, mon cher. Comment est-elle ? Moi je ne l'ai vue qu'une fois finalement.
Julio eut l'air mystérieux et, tout en l'entraînant vers le choeur, lui chuchota que Cecilia était adorable et intelligente, qu'elle s'énervait parfois mais jamais pour longtemps et que de toutes façons, elle aimait son fiancé et c'était bien le principal.
Le temps de cette explication enflammée, Francisco avait croisé le regard de sa française et les avait rejoints. Sans égard pour son beau costume, il serra son amie contre lui.
C'était une part de passé qui revenait avec elle, mais d'un passé qu'il ne reniait pas sans pour autant le comparer au jour présent.- Tu m'as manqué petite Marianne. J'ai cru que tu ne viendrais pas.
- J'avais promis ! Et tu sais que je ne manque jamais à mes promesses, le gronda t'elle.
Elle se détacha de lui et épousseta légèrement son costume.
- Pas trop anxieux ? Imagine qu'elle ai changé d'avis et qu'elle ne vienne pas ?
- Parle pas de malheur enfin Julio ! Il n'y aurait qu'une imbécile pour planter là notre Francisco, s'indigna Marianne.
- Dit celle qui elle aussi a un jour décidé de ne plus être avec ce même Francisco, railla le serveur.
Mais le patron du Baccardi était déjà revenu à sa conversation avec le prêtre. Tout en parlant, il remarqua l'inspecteur Luna et son acolyte, derrière un pilier.
Abandonnant l'abbé le plus poliment possible, il marcha droit sur eux.- Que faites vous ici Inspecteur ? C'est mon mariage, pas une de vos enquêtes !
- Calmez vous mon cher Monsieur, temporisa l'autre. Dois-je vous rappeler l'étrange histoire qui vous est arrivée il y a une semaine ? Vous avez des ennemis et quel meilleur jour pour s'en prendre à vous que celui de votre mariage justement ? Allez, faites moi confiance. Je ne voudrais pas non plus vous alarmer.
- Mais vous y avez très bien réussi, rétorqua Francisco avec agacement. S'il vous plaît, soyez plus discrets !
Fernando, l'adjoint de Luna, donna un grand coup dans le dos du futur marié.
- Allez Monsieur ! Ce n'est pas tous les jours qu'on épouse une femme aussi belle que Mlle Cassoli. Ne vous inquiétez plus, la police veille !
Finalement amusé, Francisco revint à sa place. Marianne était allée s'assoir dans la nef, à côté d'Amaia et les deux danseuses se chuchotaient à l'oreille.
L'église, maintenant pleine, resplendissait des tenues des invités, de la fraîcheur des bouquets qui ornaient les piliers, les bancs et les autels. Au premier rang à gauche, la vieille tante de Cécilia pleurait sous sa mantille, songeant avec émotion à la joie que devait avoir, au paradis, le gentil Monsieur Cassoli en contemplant pareil spectacle.Le silence de fit. Le prêtre et les enfants de choeur pénétrèrent en procession dans l'église. L'or des cierges et des croix étincelait parmi les volutes d'encens. Un chant s'éleva que tous, même les amis tapageurs de Francisco, reprirent.
On attendait plus que Cecilia et Marcos qui devait la mener à l'autel. Un retard n'avait rien d'étonnant, les mariées espagnoles n'auraient jamais la réputation d'être à l'heure.Francisco ferma les yeux. Il l'imagina remontant l'allée parmi la foule, blanche apparition. Elle lèverait son visage vers lui et son regard sombre transpercerait le voile translucide. Il en souriait déjà.
On entendit le crissement d'une voiture qui freinait. Bien trop vite pour que cela soit normal.
Marcos apparut sur le seuil. Seul et son neud cravate n'était pas fait...À suivre
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Francisco I " Que toda la vida es sueño... "#Wattys2019
Historical FictionGagnant Wattys 2019 ! Madrid 1927 Francisco et Blanca étaient des enfants mais la vie les a séparés. Mais quand l'amour, perdu, retrouvé, impossible, se mêle à la vengeance, tout tourbillonne sans que l'on sache ce qu'il en sortira...