<DAY 2>

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Les rayons de lumière passant par ma fenêtre entrouverte venaient me caresser le visage. Caresser, doux euphémisme, ils venaient m'agresser alors que je passais la tête sous mon oreiller avec un profond râle de déplaisir. J'avais si mal à la tête que le moindre petit rayon était aussi douloureux qu'un lourd coup de masse, comme si mon crane était devenu un jeu de fête foraine sur lequel le soleil s'amusait à abattre de lourds coups.

« Puta-... » J'étouffais mon juron en me redressant lentement sur mon matelas, me regardant assis dans le miroir en face de mon lit.

Mon regard passait sur toutes les surfaces de mon corps, corps qui avait l'air d'être passé sous une voiture. Sur mon torse nu, je pouvais distinguer une trace rouge, comme si j'avais été trainé par terre ou fait une chute à vélo. Je passais faiblement ma main sur les traits rouge vif en grimaçant de douleur alors que le bout de mes doigts frôlait à peine la peau de mon pectoral meurtri. Comme si je découvrais un tableau de guerre, je trouvais d'autres marques sur ma cuisse droite, juste en dessous du caleçon trop large que je ne me souvenais pas avoir mis hier soir.

Tout compte fait, je ne me souvenais même pas de la nuit, ni de quand j'étais rentré. Et surtout comment j'étais rentré si je n'avais aucun souvenir de ma petite escapade nocturne. Espérant retrouver mes esprits, j'encrais mes pieds dans le sol et balayais ma chambre du regard. Mes habits étaient éparpillés partout dans la pièce ; mon pantalon accroché au ventilateur du plafond et mon pull en laine par-dessus l'armoire ; mon sac était éventré sur le sol, sac duquel sortait toutes les affaires que j'avais emmené avec moi. Les papiers de barres de céréales ; je les avais mangées ? ma lampe frontale et... Ma caméra posée eu milieu de tout ce bazar.

Ni une ni deux, je mettais la douleur et les courbatures de coté et me jetais presque sur l'appareil électronique ; remarquant aux premiers abords que le bord gauche était abimé, une longue griffure passant heureusement entre les boutons. Mes gestes étaient imprécis et j'avais du mal à l'allumer ou même la tenir normalement entre mes mains. Qu'est ce qui m'arrive bon sang ? L'écran bleu se mit à briller et j'ouvris sans attendre le dossier des photos et vidéos qui contenait plus de... 40 clichés et vidéos ? Je n'en avais pris que 2 ! J'hésitais presque à faire défiler les prises, restant bloqué sur ma vidéo d'introduction qui avait apparemment subit quelques dommages. La vidéo de mon visage tournait en boucle sur à peine 2 secondes où je répétais mon nom avant qu'un grésillement me ramène au début.

« Bonjour ici Antoine Cliff... //zZzzZZz// Bonjour ici Antoine Cliff... //ZZzZzzZZ// Bonjour ici Antoi- »

Irrité par le bruit de fond troublant, je passais au prochain fichier, découvrant avec surprise que la photo était impeccable. La chouette de Tengmalm se tenait bien droite sur la branche, ses yeux jaunes tournés vers moi, me transperçant comme une lance. Pas de flou, une lumière parfaite sur son plumage et surtout pas de tentacules noirs qui ressortaient du fond. SI cette photo était aussi belle, les autres ne pouvaient qu'être pareil ou encore mieux !

« Tonio ! » J'entendais la voix de mon beau-père resonner au rez-de-chaussée « Viens manger si tu es réveillé, j'ai fait du bain grillé » Il était sympa, et son talent culinaire ne faisais que le faire monter dans mon estime ; il était de toute façon déjà bien plus haut que mon père dans mon cœur.

« J'arrive, je finis un truc ! » Je répondais en me laissant tomber sur ma chaise de bureau qui d'affaissait sous mon poids. Je devais d'abord vérifier que mon trou noir avait eu des bons côtés.

La vidéo suivante était étrange, à se demander ce qu'elle faisait là. Il faisait noir, je ne filmais pas mon visage mais le chemin sur lequel je courais en criant des mots incompréhensibles qui ressemblaient vaguement à des supplications mêlées à des jurons qui ne devraient pas sortir de ma bouche devant ma mère. Mes poils se hérissaient sur mes avant-bras et mes mollets alors que j'entendais des bruits de pleurs sortir de la caméra. Je courais en larmes dans une foret et je pouvais difficilement apercevoir l'ombre d'un volatile devant moi. Je poursuivais une chouette, et quelque chose d'autre semblait me poursuivre. Je m'entendais pleurer et essayer de crier mais je sentais que ma gorge était nouée et que mes tentatives étaient vaines.

Je ne savais pas comment j'arrivais à regarder un spectacle aussi insensé et effroyable, mais je le faisais. Ces deux minutes semblaient durer des heures entières et au fur et à mesure que je m'enfonçais dans la forêt, mes cris se faisaient de plus en plus fort, en parfaite synchronisation avec les bugs d'écrans qui me provoquaient des sursauts de terreur. Je comprenais mieux d'où venais les courbatures... Et les griffures aussi. En effet, les images suivantes défilaient rapidement, je venais apparemment de me prendre une racine et je dévalais une pente assez faible, mais assez forte aussi pour que je ne puisse pas m'arrêter. Bien heureusement pour moi et ma stabilité mentale, la vidéo s'arrêtait un même moment que ma chute.

« C'était quoi ça... » Ce moment de répit ne dura pas trop longtemps car le défilement automatique s'était enclenché, m'emmenant au cliché suivant qui me provoqua une remonté acide des plus écœurantes. J'attrapais maladroitement ma poubelle de chambre qui trainait à mes pieds pour y vomir le peu de nourriture que j'avais encore dans le ventre. La bile qui sortait de ma bouche me brulait la gorge et forçait de chaudes larmes à dévaler mes joues. L'odeur était insoutenable, mais pas autant que l'image mortifère qui venait d'apparaitre.

La chouette que je prenais en photo et que je poursuivais dans la forêt était au sol, les ailes écartées autour de son corps sans vie alors que son ventre était ouvert en deux, du dessous de son bec jusqu'au milieu de ses pattes qui devaient vraisemblablement être brisées en vue de leur position trop angulaire. C'était affreux, affreux, affreux. Mon Dieu qu'est ce que c'est que ça.

« Bordel bordel bordel » Je me lamentais, vérifiant avec horreur et désespoir que les photos suivantes étaient d'autres prises de ce carnage, avec des vues différentes mais toutes aussi morbides.

Ça ne peut pas être moi, je n'ai pas pu faire ça.

Après une bonne douche et un brossage de dents bien trop long pour enlever le gout de la bile, je descendais piteusement les escaliers pour rejoindre John qui était dans le salon, travaillant sur son ordinateur. Il levait les yeux par-dessus ses lunettes carrées, haussant un sourcil en voyant que mon visage était blanc comme un cachet d'aspirine ; cachet que je venais d'avaler d'ailleurs.

« ... Tu es sûr que tu vas bien ? » Il demandait en toussotant pour attirer mon attention, voyant que 'étais en train de fixer le mur d'en face. La fatigue et cette histoire m'embrouillaient le cerveau.

« Les spaghettis sont pas passées... » Je mentais en posant une main sur mon ventre que j'avais pris soin de soigner plus tôt dans la salle de bain. La réponse était fausse, mais elle provoquait quand même la réaction voulue : John changeait de sujet.

« J'aurais pas du mettre d'ail... » Il murmurait en frottant sa barbe qui tirait vers le roux au soleil matinal. « Bref, tu as pu prendre des photos pas mal ? Ca m'intéresse vachement ton tr-»

« Oui. » Je le coupais pour qu'il ne remette pas ça sur le tapis, surtout ne me parlez pas de photographie avant deux semaines au moins. « Elles sont bien... Dis John, je suis renté à quelle heure déjà ? »

« Minuit, un peu avant je crois » Il posait les deux coudes sur la table, de plus en plus concerné par ce que je disais. « Tu ne te souviens pas de la soirée ? Tu devais raiment être mort tu disais n'importe quoi mon pauvre » Il plaisantait.

« Je dis toujours n'importe quoi à croire » Je disais avec un sourire en quoi, contrastant avec ma mine dévastée « Je disais quoi encore ? Je parlais de mon Crush ? » Je roulais les yeux, sachant très bien que le sujet de mes amours était le préféré de John ; j'étais un séducteur je devais l'avouer, mais mes copines ne restaient pas bien longtemps.

« Même pas, tu disais que tu n'étais pas resté plus longtemps parce qu'il te regardait trop. Un vrai délire ton discours, à croire que les oiseaux te font peur »

Il était le seul à rire de sa phrase, alors que je me décomposais sur place. Qui c'était « il » ? Qui me regardait et pourquoi j'avais aussi peur de ce truc inconnu ? Une boule se formait dans mon ventre et mes poumons devenaient douloureux, ne m'aidant pas pour respirer. La sensation revenait, c'était de plus en plus flippant. Mon beau-père posait une main sur mon épaule et l'autre sur ma joue pour me la frotter doucement, comme pour me calmer.

« Antoine, tu as recommencé tes cauchemars ? »

Non. Dites-moi que non.

Les oiseaux n'ont que leurs ailes pour fuir | CreepypastaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant